NDA : une version plus détaillée de cet article figure au sein de la Revue Lexbase Affaires du 17 mars 2022, n° 709 (consultable ici https://www.lexbase.fr/article-juridique/82449427-textes-l-entrepreneur-individuel-nouveau). Nous remercions les Éditions Lexbase d’avoir accepté la publication de cette synthèse sur le site de l’AUREP.
La loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante crée un nouveau statut pour l’entrepreneur individuel avec l’instauration d’un patrimoine professionnel d’affectation distinct de son patrimoine personnel. Dans le même temps, la loi crée également le transfert universel du patrimoine professionnel dit « TUPP »[1].
Traditionnellement, l’on enseigne aux étudiants la théorie de l’unicité du patrimoine selon laquelle chaque personne physique ou morale dispose d’un patrimoine unique. Celui-ci constitue alors, conformément aux articles 2284 et 2285 du Code civil, le gage général des créanciers qu’ils soient personnels ou professionnels. Tiré des travaux d’Aubry et Rau[2], cette thèse, qu’ils mirent en exergue en matière de transmission successorale, connaît pour autant des exceptions notables. Parmi celles-ci figure bien évidemment l’acceptation sous bénéfice d’inventaire, aujourd’hui qualifiée d’acceptation à concurrence de l’actif net (C. civ., art. 787), dont les auteurs strasbourgeois avaient évidemment noté le caractère dérogatoire à l’unicité du patrimoine.
Bien plus tard, le législateur contemporain a consacré certaines exceptions à l’unicité du patrimoine tels que le contrat de fiducie (C. civ., art. 2011) ou l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL ; v. C. com., art. L. 526-6 et s.). Dans ces deux cas de figure, il est un patrimoine affecté distinct du patrimoine principal de la personne physique ou morale.
Parachevant cette évolution, la loi n° 2022-172 du 14 février 2022, en faveur de l’activité professionnelle indépendante[3], consacre un patrimoine d’affectation automatique en prévoyant, dans un nouvel article L. 526-22 du Code de commerce, que chaque entrepreneur individuel se trouve titulaire d’un patrimoine personnel et d’un patrimoine professionnel sans l’accomplissement d’aucune formalité. L’objectif de cette loi est clair : cantonner le gage des créanciers professionnels de l’entrepreneur individuel à ses seuls actifs professionnels, lui assurant ainsi la protection de ses biens personnels[4].
A cette occasion, le législateur fait le choix logique de rendre impossible pour l’avenir l’affectation d’un patrimoine professionnel à un EIRL[5], mettant ainsi un terme à ce statut. Bien évidemment, les EIRL en cours ne sont pas remis en cause.
Par ailleurs, ce nouveau statut de l’entrepreneur individuel entrera en vigueur, vraisemblablement, le 15 mai 2022, soit trois mois après la promulgation de la loi au journal officiel[6].
Quoi qu’il en soit, l’objectif d’instaurer une scission entre le patrimoine personnel et le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel à travers un nouveau statut unique est légitime. Il implique de traiter la composition des patrimoines (I), puis les modalités nouvelles d’un transfert universel de patrimoine professionnel dit « TUPP » (II).

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I – La composition des patrimoines de l’entrepreneur individuel
Le nouvel article L. 526-22 du Code de commerce fait le choix bienvenu de définir l’entrepreneur individuel comme « une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendante » (C. com., art. L. 526-22, al. 1er). Il crée ainsi le principe d’un patrimoine professionnel, automatiquement distinct du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel (A), tout en prévoyant certaines exceptions (B)[7].
A – Un entrepreneur individuel titulaire de deux patrimoines
Dans son second alinéa, le nouvel article L. 526-22 du Code de commerce prévoit de distinguer le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel, comprenant « les biens, droits obligation et sûretés » dont il est titulaire et qui sont utiles à son ou ses activités professionnelles indépendantes, du patrimoine personnel lequel comprend les autres biens. En outre, le patrimoine professionnel ne peut être scindé. Dès lors, et dans le prolongement de cette dualité de patrimoines, la suite du texte précise que, par dérogation aux articles 2284 et 2285 du Code civil et sans préjudice au principe d’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale de l’entrepreneur individuel (C. com., art. L. 526-1), les biens utiles au patrimoine professionnel constituent le gage des créanciers professionnels, tandis que les autres biens constituent le gage des créanciers personnels.
Alors que le législateur avait opté dans l’EIRL pour la notion d’affectation au patrimoine professionnel (C. com., art. L. 526-6, al. 1er), il est simplement question ici d’utilité au patrimoine professionnel. Il s’agira certainement des éléments courants de l’entreprise individuelle tel qu’un fonds de commerce ou un fonds artisanal par exemple, mais également des immeubles dès lors qu’ils sont nécessaires et utiles à l’exploitation, ce qui est fréquemment le cas des exploitants agricoles[8]. Au demeurant, il nous semble, qu’en pratique, les biens, dès lors qu’ils sont jugés utiles par l’entrepreneur, devraient figurer à son bilan, étant observé cependant que la charge de la preuve de ce caractère utile est bien supportée par l’entrepreneur « pour toute contestation de mesures d’exécution forcée ou de mesures conservatoires qu’il élève concernant l’inclusion ou non de certains éléments d’actif dans le périmètre du droit de gage général du créancier ». Pour autant, cette notion d’utilité, nullement définie par le texte, devrait s’entendre des biens servant à « la réalisation de l’activité professionnelle indépendante »[9]. La question des biens mixtes devra bien être tranchée également, peut-être à l’occasion du décret d’application prévu.
Même si le texte ne vise pas expressément les dettes, l’on voit mal de quelle manière elles pourraient être exclues du patrimoine professionnel, dès lors qu’elles ont été contractées pour faciliter l’exercice de l’activité professionnelle, et, partant, qu’elles sont utiles à l’activité[10].
S’agissant de l’entrepreneur individuel marié, les biens communs sont laissés à la gestion des époux selon les règles de leur régime matrimonial (C. com., nouv. art. L. 526-6). Si l’on prend ainsi l’exemple d’un fonds de commerce commun figurant dans le patrimoine professionnel de l’époux exploitant, sa cession relèvera nécessairement de la cogestion par application de l’article 1424 du Code civil.
Le nouvel article L. 526-23 du Code de commerce fait naître la distinction entre les deux patrimoines à compter de la date d’immatriculation de l’entrepreneur au registre dont il relève[11]. C’est donc à cette date que les créanciers se voient distinguer en deux catégories : les créanciers personnels et les créanciers professionnels. Cela étant, plusieurs hypothèses sont plausibles, si bien que le texte lui-même envisage divers cas de figure :
- Si l’entrepreneur individuel relève de plusieurs registres, la dérogation prend effet à compter de la date d'immatriculation la plus ancienne ;
- Si la date d'immatriculation est postérieure à la date déclarée du début d'activité, la dérogation prend effet à compter de la date déclarée du début d'activité, étant précisé que le décret d’application devra en prévoir les conditions ;
- À défaut d'obligation d'immatriculation (cas des professionnels libéraux exerçant à titre individuel), la dérogation court à compter du premier acte qu'il exerce en qualité d'entrepreneur individuel, cette qualité devant apparaître sur les documents et les correspondances à usage professionnel.
Concrètement, ce nouveau statut de l’entrepreneur individuel s’appliquera à celles et ceux qui déclarent une activité en tant qu’indépendant à compter du 15 mai 2022[12], ainsi qu’à celles et ceux qui sont déjà des entrepreneurs individuels mais uniquement pour les créances qui naissent à compter de cette date, celles nées avant restant soumises au droit antérieur.
Enfin, bien que la mesure ne soit pas prévue par la loi sous commentaire mais est issue de l’article 13 de la loi de finances pour 2022, il faut évoquer l’option à l’impôt sur les sociétés (IS) que l’entrepreneur individuel pourra exercer (CGI, art. 1655 sexies). Cette mesure, jadis réservée exclusivement aux EIRL, peut aujourd’hui être exercée par tous les entrepreneurs individuels, étant précisé que cette possibilité ne sera en vigueur que lorsque le nouveau statut unique de l’entrepreneur individuel le sera. Pour rappel, cette option permet de bénéficier des atouts de l’IS et notamment des règles favorables en matière de base d’imposition (déduction de la rémunération du libéral de son bénéfice imposable à l’IS, possibilité de pratiquer des amortissements, de déduire des provisions ou encore de réinvestir les bénéfices à un moindre coût fiscal au sein de l’entreprise) et de taux d’imposition.
B – Les exceptions à la distinction entre patrimoine personnel et patrimoine professionnel
Du fait de la scission de principe entre les deux patrimoines, il aurait pu être tentant pour l’entrepreneur individuel de se porter caution à hauteur de son patrimoine personnel pour une dette professionnelle et inversement. L’on se souvient d’ailleurs qu’un débat sur la validité d’une telle opération avait animé la doctrine s’agissant de l’EIRL[13]. La solution est claire s’agissant du droit nouveau : une telle opération est expressément prohibée par le nouvel article L. 526-22, alinéa 3, du Code de commerce.
En revanche, la loi a prévu expressément deux séries hypothèses générales de réunion totale ou partielle des patrimoines personnel et professionnel.
S’agissant de la préservation des droits des créanciers personnels, lorsque le patrimoine personnel est insuffisant, ces derniers voient leur gage étendu au montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos de l’entreprise individuelle (C. com., art. L. 526-22, al. 6). L’on trouvait d’ailleurs application de ce principe en matière d’EIRL (C. com., art. L. 526-12, II, al. 3)[14].
S’agissant de la protection des droits des créanciers professionnels, la scission des patrimoines est logiquement sans effet pour les sûretés réelles consenties par l’entrepreneur individuel avant le commencement de son activité (C. com., art. L. 526-22, al. 6). Toutefois, un créancier professionnel peut obtenir de l’entrepreneur individuel une sûreté conventionnelle sur son patrimoine personnel, voire une renonciation à la scission des patrimoines dans les conditions du nouvel article L. 526-25 du Code de commerce (C. com., art. L. 526-22, al. 4).
Cet avantage consenti par le législateur aux créanciers professionnels ne bénéficie pas aux créanciers personnels[15]. Néanmoins, il s’explique sans aucun doute par le fait que le besoin de crédit de l’entrepreneur individuel implique qu’il puisse élargir le gage qu’il a à offrir aux différents prêteurs de deniers.
Dans l’hypothèse de la renonciation à la scission des patrimoines au profit d’une créancier professionnel déterminé, le nouvel article L. 526-25 du Code de commerce prévoit un formalisme strict, assorti d’un délai de réflexion de sept jours, permettant ainsi à l’entrepreneur individuel de mesurer le risque qu’il assume à cette occasion[16]. Sur ce point, il est probable que les établissements bancaires imposent fréquemment de telles renonciations à l’entrepreneur.
Enfin, il est prévu deux cas particuliers emportant réunion des patrimoines :
- Le premier a pour cause la cessation de toute activité professionnelle indépendante de l’entrepreneur individuel, ainsi que le cas de son décès (C. com., art. L. 526-22, al. 8) ;
- Le second a pour origine des manœuvres frauduleuses ou des inobservations graves et répétées par l’entrepreneur dans ses obligations fiscales ou sociales, permettant ainsi aux administration fiscale et sociale de voir leur gage élargi aux deux patrimoines (C. com., art. L. 526-24).
II – Le transfert universel de patrimoine professionnel
La loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante ne se contente pas d’instituer un patrimoine d’affectation au profit de l’entrepreneur individuel, elle lui permet également d’en assurer la transmission universelle aussi bien à titre onéreux (B), qu’à titre gratuit (C), ces voies relevant toutefois d’un régime commun (A)[17].
A – Le droit commun du TUPP
De manière tout à fait originale, la loi du 14 février 2022 crée le « TUPP », c’est-à-dire le Transfert Universel du Patrimoine Professionnel dont le siège se trouve à l’article L. 526-27 du Code de commerce[18]. Ce TUPP fait sans conteste écho à la TUP, c’est-à-dire la transmission universelle du patrimoine dont il tente d’adopter, pour l’essentiel, la forme et les effets.
La loi a donc pour objectif principal de faciliter le passage de l’entrepreneur individuel en société, mais il est également possible de procéder à une cession à titre onéreux ou à une donation du patrimoine professionnel. Pour autant, il sera toujours possible pour l’entrepreneur individuel de procéder à des cessions d’éléments isolés de son entreprise.
C’est ainsi qu’en vertu du nouvel article L. 526-27 du Code de commerce, l'entrepreneur individuel peut céder à titre onéreux, transmettre à titre gratuit entre vifs ou apporter en société l'intégralité de son patrimoine professionnel, sans procéder à la liquidation de celui-ci. Le transfert non intégral d'éléments de ce patrimoine demeure soumis aux conditions légales applicables à la nature dudit transfert et, le cas échéant, à celle du ou des éléments transférés. Le TUPP emporte cession des droits, biens, obligations et sûretés dont celui-ci est constitué. Lorsque le bénéficiaire est une société, le transfert des droits, biens et obligations peut revêtir la forme d'un apport. Sous certaines réserves, les dispositions légales relatives à la vente, à la donation ou à l'apport en société de biens de toute nature sont applicables, selon le cas. Il en est de même des dispositions légales relatives à la cession de créances, de dettes et de contrats. Dans le cas où le cédant s'est obligé contractuellement à ne pas céder un élément de son patrimoine professionnel ou à ne pas transférer celui-ci à titre universel, l'inexécution de cette obligation engage sa responsabilité sur l'ensemble de ses biens, sans emporter la nullité du transfert. Le transfert de propriété ainsi opéré n'est opposable aux tiers qu'à compter de sa publicité, dans des conditions qui seront prévues par le décret d’application à venir.
Afin de donner pleine efficacité à ce régime, le nouvel article L. 526-30 du Code de commerce sanctionne par la nullité le transfert si :
- Il n’a pas porté sur l'intégralité du patrimoine professionnel, qui ne peut être scindé ;
- En cas d'apport à une société nouvellement créée, l'actif disponible du patrimoine professionnel ne permet pas de faire face au passif exigible sur ce même patrimoine ;
- L’auteur ou le bénéficiaire du transfert est frappé de faillite personnelle ou d'une peine d'interdiction par une décision devenue définitive.
Enfin, comme pour un apport en société, sous réserve des articles L. 223-9, L. 225-8-1 et L. 227-1 du Code de commerce, lorsque le patrimoine professionnel apporté en société contient des biens constitutifs d'un apport en nature, il doit être fait recours à un commissaire aux apports (C. com., art. L. 526-31).
En outre, à l’instar des oppositions que des créanciers peuvent former à une TUP en droit des sociétés, les créanciers de l'entrepreneur individuel dont la créance est née avant la publicité du transfert de propriété peuvent former opposition au TUPP, dans un délai qui sera fixé par décret (C. com., art. L. 526-28). L'opposition formée par un créancier n'a pas pour effet d'interdire le transfert du patrimoine professionnel. La décision de justice, statuant sur l'opposition, soit rejette celle-ci, soit ordonne le remboursement des créances ou la constitution de garanties, si le cessionnaire, le donataire ou le bénéficiaire en offre et si elles sont jugées suffisantes. Lorsque la décision de justice lui ordonne le remboursement des créances, l'entrepreneur individuel auteur du transfert est tenu de remplir son engagement dans les conditions prévues à l'article 2284 du Code civil, sans préjudice de l'article L. 526-1 du Code de commerce.
Pour donner pleine efficacité au TUPP et faciliter sa mise en œuvre, ne lui sont pas applicables (C. com., art. L. 526-29) :
- L’article 815-14 du Code civil relatif au droit de préemption des coïndivisaires lors de la cession d’une quote-part indivise par un indivisaire à un tiers ;
- L’article 1699 du Code civil relatif à la cession d’un droit litigieux ;
- Et les articles L. 141-12 à L. 141-22 du Code de commerce relatif à la cession d’un fonds de commerce ;
Toute clause contraire à ces trois séries d’exclusion étant réputée non écrite.
B – Le TUPP à titre onéreux
L’on constate que le TUPP, qui s’inspire fondamentalement de la TUP, s’en détache assez largement. En effet, si le TUPP est possible par voie d’apport, il est l’est également par voie de cession.
Le texte indique que le TUPP, quel qu’il soit, se fait « sans liquidation », à l’instar d’une TUP qui conduit à la dissolution d’une société mais sans sa liquidation. C’est en ce sens que le régime du passage de l’EI à la société serait facilité.
En outre, deux points sont encore à évoquer.
D’abord, la nouvelle rédaction du premier alinéa de l’article L. 145-16 du Code de commerce. Ce texte prohibe les clauses qui interdisent au locataire d’un bail commercial de céder son droit au bail en même temps qu’il cède son fonds. Néanmoins, s’il n’y a pas de fonds, de telles clauses sont valables. Sont également interdites les clauses qui font échec à la transmission d’un droit au bail dans le cadre d’une TUPP. Les clauses d’agrément des bailleurs demeurent valables en toute hypothèse. Pour tenir compte de la création d’un TUPP, le premier alinéa précise que sont également réputées non écrites les clauses qui interdisent la transmission du droit au bail précisément dans le cadre d’un TUPP. Les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail au bénéficiaire du TUPP seront donc dorénavant réputées non écrites. Cependant, bien que le nouvel article ne le dise pas expressément, rien ne semble s’opposer à un aménagement conventionnel des cessions de baux commerciaux intervenant à l’occasion d’un transfert universel de patrimoine professionnel, au moyen par exemple d’une clause d’agrément au profit du bailleur[19].
C – Le TUPP à titre gratuit
Le TUPP à titre gratuit est visé par le nouvel article L. 526-27 du Code de commerce, lequel prévoit qu’il ne peut avoir lieu qu’entre vifs. Par conséquent, il ne peut s’agir que d’une donation universelle de patrimoine professionnel[20], d’autant plus que le nouvel article L. 526-22, alinéa 8, du même code prévoit une réunion des patrimoines en cas de décès.
A cela s’ajoute l’exigence formulée par la loi nouvelle selon laquelle la TUPP ne saurait avoir pour effet de scinder le patrimoine professionnel (C. com., art. L. 526-30, 1°). Dès lors, il sera possible pour l’entrepreneur individuel de consentir une donation universelle de patrimoine professionnel, par donation simple, ou donation-partage, à la condition de ne pas le scinder. Une réserve d’usufruit pourrait également être mise en place.
Il s’agit donc, sur le plan du droit des successions et des libéralités, d’une figure nouvelle puisque seules existaient jusqu’ici des transmissions universelles à cause de mort. Pour autant, la donation universelle n’est rendue possible que sur le seul patrimoine professionnel et ne saurait donc être étendue au patrimoine personnel de l’entrepreneur, lequel demeure inaliénable[21].
Enfin, l’on regrettera l’absence de mise en concordance du TUPP à titre gratuit avec les dispositifs fiscaux, qu’il s’agisse des engagements Dutreil portant sur une entreprise individuelle (CGI, art. 787 C) ou des différents régimes applicables aux plus-values professionnelles[22].
[1] Pour une présentation de ce statut nouveau : B. Dondero, « Place à l’entrepreneur individuel à deux patrimoines » (EI2P) ! », Rev. sociétés 2022, p. 199 ; B. Brignon et H. Leyrat, « L’entrepreneur individuel nouveau », Revue Lexbase affaires 2022, n° 709.
[2] Aubry et Rau, Cours de droit civil français, 5ème éd., d’après Bartin, 1917, T. 9 § 573 et s.
[3] X. Delpech, Consécration du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel, D. actualité 1er mars 2022.
[4] S. Piédelièvre, « Premières remarques sur la loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité indépendante », JCP N 2022, n° 9, 301.
[5] L. 2022-172, 14 févr. 2022, art. 6.
[6] L. 2022-172, 14 févr. 2022, art. 19.
[7] V. sur la composition des patrimoines : Cl. Favre-Rochex, « La nouveau patrimoine professionnel », JCP E 2022, n° 13, 1136 ; S. Tisseyre, « La constitution et la composition du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel », RLDC 2022, n° 2020, p. 34.
[8] Th. Revet, « La désubjectivation du patrimoine », D. 2022, p. 469, spéc. n° 10 et s.
[9] Th. Revet, préc., spéc. n° 13.
[10] Rapp. Th. Revet, préc., spéc. n° 10 et 17.
[11] Notons que la loi n’offre qu’un patrimoine professionnel à l’entrepreneur individuel, même s’il exerce une pluralité d’activités indépendantes, ce qui n’est pas illogique.
[12] Ou du 14 mai pour les auteurs estimant que la date d’entrée en vigueur à retenir est celle du 14 et non du 15.
[13] V. N. Borga, « L’EIRL et la constitution de sûretés personnelles », Bull. Joly Entreprises en difficultés 2011, n° 1, p. 76 ; A. Aynès, « EIRL : la séparation des patrimoines à l’épreuve du droit des sûretés », RLDC 2011, n° 86.
[14] V. E. Dubuisson, JCl. Entreprise individuelle, v° Fasc. 952-1 : EIRL – Constitution et modification du patrimoine affecté, 2011, spéc. n° 102.
[15] Th. Revet, « La désubjectivation du patrimoine », déjà cité, sépc. n° 26.
[16] V. obs. S. Piédelièvre, « Premières remarques sur la loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante », déjà cité.
[17] Sur l’ensemble du TUPP : N. Jullian, « La transmission de patrimoine de l’entrepreneur, de nouvelles opérations au service des entrepreneurs individuels », JCP E 2022, n° 13, 1137 ; A. Nallet, « La transfert du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel », RLDC 2022, n° 202, p. 37.
[18] F. Roussel, « Transmettre une entreprise individuelle : place au transfert universel de patrimoine professionnel ! », Defrénois 2022, n° 7, p. 21.
[19] P. Gaiardo, Cession de bail commercial et loi « activité professionnelle indépendante », D. actualité 2 mars 2022.
[20] V. sur la question : H. Leyrat et B. Brignon : « La nouvelle transmission universelle du patrimoine professionnel à titre gratuit », Defrénois 2022, n° 16, p. 27.
[21] Th. Revet, « La désubjectivation du patrimoine », préc. spéc. n° 33.
[22] H. Leyrat et B. Brignon, préc.