SCPI : gare à la loi de l’offre et la demande

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L’AMF (AMF, Journal de bord du Médiateur, 1 févr. 2024) a récemment été confrontée à la problématique d’une demande de retrait d’une SCPI, régulièrement constituée, mais non exécutée dans un délai de plusieurs mois

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Les faits étaient relativement simples, le titulaire des parts d’une SCPI avait transmis à la société de gestion une demande de retrait, son conseiller bancaire lui indiquant qu’il recevrait les capitaux sous 3 semaines. Voyant sa demande non-exécutée après plusieurs semaines, le titulaire contacta directement la société de gestion. Cette dernière confirma la bonne réception de la demande, complète et régulièrement constituée, et son enregistrement sur le registre des retraits. Elle avançait un délai d’exécution d’au moins 6 mois au regard des conditions actuelles de marché.

Ne contestant pas la dévalorisation de ses parts subie dans le même temps, le titulaire saisit le médiateur de l’AMF en vue d’obtenir au plus vite l’exécution de sa demande de retrait.

Consultée par le médiateur, la société de gestion témoignait du déséquilibre actuel du marché des parts. Un grand nombre de demandes de retrait précédant celle du requérant, la société de gestion ne pouvait ni garantir l’exécution du rachat lors de la prochaine compensation, ni s’engager sur une date d’exécution.  Elle estimait en outre que la demande de retrait « avait été traitée conformément à la réglementation et à la documentation contractuelle de la SCPI ». L’argumentaire développé ensuite par le médiateur se révèle pédagogique à plusieurs échelles.

Il rappelle tout d’abord que les SCPI constituent un moyen indirect d’investir dans l’immobilier. Ce placement financier comme les autres, présente des risques : risque de perte en capital, risque de liquidité… Ces risques sont portés à la connaissance de l’acheteur de parts au travers de mentions dans la documentation SCPI et plus spécifiquement au sein du DIC.

Les parts de SCPI n’étant pas cotées, elles sont de fait, vendues sur un marché secondaire ou de gré à gré. Une demande de retrait ne peut être satisfaite que si elle rencontre corrélativement un acheteur et donc une demande de souscription de parts. Cela implique un potentiel risque de liquidité pesant sur le vendeur dès lors que le volume de demandes de retrait est supérieur au volume de demandes de souscription. En raison de ce principe, le vendeur peut donc être soumis à des délais de remboursement indéterminés.

Le médiateur rappelle le contexte de marché dans lequel intervient la demande de retrait affectée par la combinaison de différents facteurs macro-économiques justifiant entre autres l’illiquidité présente. 

Appliqués au cas présent, ces principes tenant à l’illiquidité des parts ont permis au médiateur de logiquement justifier la « normalité » des délais de traitement de la demande de retrait du requérant. En outre, le traitement de sa demande apparaissait conforme à la documentation de la SCPI.

Avis de l’AUREP

Cet avis constitue une excellente piqûre de rappel d’abord, sur la nature même d’une SCPI. Certes caractérisée comme un placement financier, elle n’en demeure pas moins un véhicule d’accès indirect à l’immobilier, actif par nature illiquide.
De surcroît, il faut bien garder à l’esprit que la loi de l’offre et la demande commande le marché secondaire des parts de SCPI. Ces dernières années, le marché des SCPI était marqué par un flux net acheteur largement positif en raison sans doute d’un contexte macro-économique et de politiques monétaires favorables. Toutefois, il apparait bien illusoire sinon irraisonné de penser immuables des conditions de marché par nature volatiles. Cela étant, les conditions se dégradant ces dernières années, il apparait logique que le flux net s’inverse en raison de vendeurs plus nombreux. Dès lors et à l’instant présent, les titulaires de parts devront s’armer de patience pour voir leur demande de rachat satisfaite.
Ce risque d’illiquidité joue dans le cadre d’une détention en directe. Acquérir des parts de SCPI dans un contrat d’assurance permettrait de pallier cette problématique, la compagnie assurant la liquidité des parts par le droit de rachat, dans les conditions prévues au contrat.

Droit immobilier
Thomas Gimenez

Thomas Gimenez

Chargé de recherche