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Loi de finances pour 2021

Eclairage du 05 février 2021 - N°373

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Le point sur l’enregistrement des testaments, donations mortis causa et autres actes relatifs au règlement des successions en cinq questions/réponses

Directement ou indirectement, la loi de finances pour 2021 clarifie les nombreuses incertitudes qu’avait fait naitre la précédente loi de finances relativement à l’enregistrement des testaments, des donations mortis causa et autres actes relatifs au règlement des successions.

Question n°1 : La loi de finances pour 2021 revient-elle d’une manière générale sur les abrogations d’enregistrement obligatoire et suppressions de droits fixes énoncées par la loi de finances pour 2020 qui – on s’en souvient – avaient engendré une certaine confusion en pratique ?

Réponse : Non

Comme nous le verrons, l’article 156 de la loi de finances pour 2021[1] n’aborde explicitement que la seule question du délai d’enregistrement des testaments notariés.

Question n°2 : Contribue-t-elle néanmoins à clarifier les incertitudes qu’avait engendré la précédente loi de finances?

Réponse : Oui

La suppression par l’article 21 de la loi de finances pour 2020 de la formalité obligatoire de l’enregistrement et des droits fixes concernait de nombreux actes qui principalement sont relatifs aux règlements successoraux lato sensu.

La formalité obligatoire de l’enregistrement a été supprimée l’égard des :

  • – actes portant acceptation ou répudiation de successions, legs ou communautés (CGI, art. 635, 2, 2° abrogé) ;
  • – certificats de propriété (CGI, art. 635, 2, 3° abrogé) ;
  • – inventaires de meubles, titres et papiers et prisées de meubles (CGI, art. 635, 2, 4° abrogé) ;
  • – procès-verbaux d’adjudications de biens meubles corporels (CGI, art. 635, 2, 6° abrogé) ;

Et le droit fixe spécifique de 125 € abrogé pour les actes suivants :

  • – renonciations pures et simples à successions, legs ou communautés (CGI, art. 847, 2° abrogé) ;
  • – certificats de propriété, autres que ceux établis par les secrétariats des juridictions judiciaires (CGI, art. 848, 1° abrogé) ;
  • – inventaires de meubles, objets mobiliers, titres et papiers (CGI, art. 848, 2° abrogé) ;
  • – clôtures d’inventaires (CGI, art. 848, 3° abrogé) ;
  • – prisées de meubles (CGI, art. 848, 4° abrogé) ;
  • – acceptations pures et simples de successions, legs ou communautés (CGI, art. 848, 6° abrogé).

Ces suppressions avaient amené de nombreux notaires à considérer que depuis le 1er janvier 2020 les actes de leur ministère constatant ces opérations ne donnaient plus lieu à aucun droit et échappaient à tout enregistrement, y compris sur état[2].

Nous avions détaillé les raisons pour lesquelles une telle analyse ne pouvait pas de notre point de vue être retenue, compte tenu des règles de droit commun applicables à l’enregistrement des actes notariés (V. F. Fruleux, Suppression de la formalité de l’enregistrement et de certains droits fixes : à propos de l’article 21 de la loi de finances pour 2020 : JCP N 2020, n° 3, 127):

  • d’une part, sauf dispositions contraires, les actes notariés doivent être enregistrés dans un délai d’un mois à compter de leur date, en raison de la seule qualité de leur auteur[3] ;
  • d’autre part, s’ils ne donnent pas lieu à une imposition proportionnelle ou progressive et ne sont pas exonérés, ni spécialement tarifés, ils sont soumis à un droit fixe de 125 €[4].

Ces opérations demeuraient donc en pratiques soumises aux mêmes règles qu’avant le 1er janvier 2020 lorsqu’elles étaient constatées par acte notarié : seul le fondement juridique de l’enregistrement et de la perception du droit fixe de 125 € se trouvaient modifiés à compter du 1er janvier 2020[5].

Seuls les actes sous seing privé étaient en réalité effectivement affranchis d’enregistrement et de perception du droit fixe, sauf si les parties prenaient l’initiative de le présenter volontairement à l’enregistrement.

Sans avoir à ce jour publié aucun commentaire au Bofip-impôts, l’administration fiscale a depuis lors confirmé cette analyse et ce maintien à la fois de l’enregistrement et de l’exigibilité du droit fixe pour les actes notariés dans une note de service diffusée le 11 février 2020[6].

La loi de finances pour 2021 n’apporte aucune modification sur ces points, mais ses travaux préparatoires confirment eux aussi nettement que telles sont bien les règles applicables depuis le 1er janvier 2020[7]. Ces points peuvent donc être tenus pour acquis.

Question n°3 : La loi de finances pour 2021 modifie-t-elle les règles applicables à certains testaments ?

Réponse : Oui

L’article 21 de la loi de finances pour 2020 contenait également ce qui nous était apparu comme une malfaçon grossière. En abrogeant purement et simplement le premier alinéa de l’article 636 du CGI qui énonçait le report après le décès du testateur et dans les 3 mois de celui-ci de l’enregistrement des testaments déposés chez le notaire ou reçus par eux, ce texte conduisait, littéralement, à appliquer les règles de droit commun à ces actes, ce qui impliquait d’enregistrer les testaments notariés dans le mois de leur rédaction.

Une telle modification relevait manifestement à nos yeux d’une erreur de plume.

Les motifs qui justifient la vénérable[8] dispense d’enregistrement ante mortem de cet acte à cause de mort subsistaient[9]. Imposer l’enregistrement de cet acte à cause de mort révocable ad nutum du vivant de son auteur était plus qu’inapproprié, s’avérait incompatible avec d’autres dispositions relatives à l’enregistrement[10] et créait une injustifiable discordance entre l’enregistrement des testaments simples et des testaments-partages notariés. Ces derniers continuaient à être enregistrés après le décès de leur auteur, l’alinéa régissant leur délai d’enregistrement ayant survécu à l’abrogation énoncée par la loi de finances pour 2020.

Cette lecture fut pourtant celle retenue par l’administration fiscale dans ses commentaires[11] qu’elle se garda de publier au BOFIP impôts.

Constatant que l’abrogation opérée par la loi de finances pour 2020 « a été facteur de confusions et d’ambiguïtés pour les notaires quant à la date à laquelle l’enregistrement du testament devait être effectif » et reconnaissant que l’enregistrement d’un tel acte à cause de mort du vivant du testateur est « prématuré » (sic), l’article 156 de la loi de finances pour 2021 réintroduit dans l’article 636 du CGI un premier alinéa énonçant que « les testaments reçus par les notaires doivent être enregistrés dans un délai de trois mois à compter de la date du décès du testateur ».

À défaut d’indications particulières, cette disposition s’applique aux testaments notariés reçus à compter du 1er janvier 2021[12].

Comme antérieurement, les testaments notariés ne seront enregistrés (sur état) qu’après le décès du testateur et dans un délai de 3 mois à compter de celui-ci.

Les travaux parlementaires confirment également comme nous l’avons rappelé[13] qu’en dépit de l’abrogation du droit fixe spécifique réalisé par la loi de finances pour 2020, cet enregistrement donnera lieu au versement du droit fixe de 125 € afférent aux actes innommés[14].

Question n°4 : Ce texte concerne-t-il les testaments olographes ? Les mêmes règles s’appliquent-elles à ces testaments ?

Réponse : Non

La nouvelle rédaction de l’article 636, alinéa 1er du CGI issu de la loi de finances pour 2021 vise uniquement les testaments notariés.

Cette rédaction est délibérée. L’abrogation du droit fixe spécifique de 125 € applicable aux testaments[15] et de l’article 636, alinéa 1er réalisées par la loi de finances pour 2020 conduisaient selon nous à dispenser à compter du 1er janvier 2020 les testaments olographes d’enregistrement et d’acquittement de tout droit fixe lors du règlement de la succession du testateur.

Seul le procès-verbal d’ouverture, distinct du testament proprement dit devait à nos yeux être enregistré sur état et donner lieu à un droit fixe de 125 € afférent aux actes innommés[16].

Dans un premier temps, dans sa note de service du 11 février 2020 non publiée au BOFIP Impôts, l’Administration soutint que ces testaments demeuraient soumis à enregistrement sur état en vertu des articles 245 de l’annexe III et 60 de l’Annexe IV au CGI et donnaient lieu au droit de 125 € au titre des actes innommés[17].

Une telle analyse était à nos yeux contestable[18], les textes de la partie réglementaire du CGI fixant les modalités d’exécution de la formalité sont inaptes à soumettre en l’absence de dispositions législatives en ce sens un acte à la formalité de l’enregistrement et à imposer la perception d’un droit fixe. Cette doctrine administrative était d’ailleurs émaillée de contradictions. L’Administration y énonçait à la fois que l’enregistrement du testament olographe continuait de s’imposer après le décès du testateur et qu’aucun intérêt ou pénalité de retard ne pouvait être dorénavant être réclamé, l’acte étant présenté de façon volontaire à l’enregistrement.

Les services de Bercy modifièrent ultérieurement leur analyse et diffusèrent en octobre dernier une nouvelle note interne (n’étant toujours pas publiée au Bofip-impôts) admettant d’une part que les testaments olographes proprement dits ne sont plus soumis à enregistrement dans les 3 mois du décès du testateur[19], et d’autre part qu’en l’absence d’enregistrement, le testament olographe ne donne plus lieu à aucun droit d’enregistrement au décès du testateur et confirmant enfin qu’au décès, seul l’acte de dépôt et non le testament lui-même doit faire l’objet d’un enregistrement sur état donnant lieu au droit fixe des actes innommés de 125 € comme nous le pensions.

Les travaux parlementaires de la loi de finances pour 2021 confirment ces points[20]. Ils justifient la référence par le nouvel article 636, alinéa 1er du CGI aux seuls testaments notariés par le fait que les testaments olographes sont d’ores et déjà soustraits à la formalité de l’enregistrement et donnent lieu à un acte de dépôt notarié enregistré lors de leur exécution.

Ainsi, depuis janvier 2020, les testaments olographes ne doivent plus être soumis à enregistrement, ni bien sûr lors de leur rédaction, ni lors du règlement de la succession du testateur. Seule la rédaction d’un acte notarié de dépôt du testament lors de sa remise (très rare en pratique) s’il était établi ferait l’objet d’un enregistrement sur état donnant ouverture à un droit fixe de 125 € au titre des actes innommés. Au décès du testateur, le testament proprement dit ne doit plus être enregistré. Seul le procès-verbal d’ouverture constatant le dépôt du testament est enregistré sur état et taxé à 125 € au titre des actes innommés.

Question n°5 : Ce nouveau texte issu de la loi de finances pour 2021 vise-t-il les donations de biens à venir entre époux ?

Réponse : Non, mais cela ne signifie pas que ces donations mortis causa n’obéissent pas aux mêmes règles d’enregistrement que les testaments notariés.

L’amendement initial à l’origine de la nouvelle rédaction de l’article 636 du CGI[21] prévoyait d’énoncer le même report post mortem de l’enregistrement pour « les donations entre époux de biens à venir ».

Cette rédaction s’est heurtée à l’hostilité de l’Administration, le Gouvernement ayant estimé fort curieusement de notre point de vue qu’elle « laiss[ait] planer une ambiguïté sur la nature des opérations concernées, qui paraît inclure les donations entre vifs précédant le décès ». Un tel grief qui confond donation de biens présents, entre vifs et donation de biens à venir à cause de mort ne manque pas de surprendre. Il reste qu’il explique que le texte définitivement adopté ne vise que les seuls testaments notariés.

Pour autant, au fond, les travaux parlementaires confirment que l’assimilation des donations de biens à venir entre époux aux testaments notariés telle qu’elle est énoncée par l’actuelle doctrine administrative (BOI-ENR-DG-40-10-40, 12 sept. 2012, § 190) a vocation à subsister[22]. Les praticiens devront toutefois se contenter comme auparavant des seules indications du BOFIP en ce sens ; lesquelles sont d’ailleurs à ce jour obsolètes.

Par l’effet de ce renvoi qui devra être actualisé, les donations de biens à venir entre époux comme les testaments notariés ne seront pas enregistrées lors de leur rédaction, mais dans les 3 mois suivant le décès du donateur, sur état et donneront ouverture au droit fixe des actes innommés de 125 €[23].

[1] L. n° 2020-1721, 29 déc. 2020 de finances pour 2021 : JO 30 déc. 2021.

[2] L’enregistrement sur état consiste pour l’Officier Public à effectuer lui-même la formalité de l’enregistrement sans que l’acte soit matériellement présenté à l’administration fiscale.

[3] CGI, art. 635 1, 1°.

[4] CGI, art. 680, al. 1er.

[5] F. Fruleux, art. préc., p. 6.

[6] Note de service de la Direction générale des finances publiques, Service de la gestion fiscale du 11 février 2020. – S. Lamiaux, Implication pratique de la loi de finances pour 2020 en matière de droits d’enregistrement, commentaire de l’administration : RFP 2020, étude 10.

[7] Rapp. Doc. Sénat n° 138, t. 3, p. 275 et 276.

[8] Cette règle était déjà énoncée par l’article 21 de la loi du 22 frimaire an VII.

[9] F. Fruleux, art. préc., p. 6.

[10] Particulièrement le 6° de l’article 1705 du CGI énonçant que « Les droits des actes à enregistrer ou à soumettre à la formalité fusionnée sont acquittés, savoir : […] Et par les héritiers, légataires et donataires, leurs tuteurs et curateurs, et les exécuteurs testamentaires, pour les testaments et autres actes de libéralité à cause de mort. » ; disposition difficilement compatible avec le caractère secret du testament… – V. sur cette question, S. Mahé, JCl. Enregistrement Traité, V° Testament, n° 69.

[11] Note de service du 11 février 2020, préc.

[12] Article 1er II, 3° de la loi.

[13] V. F. Fruleux, art. préc.,

[14] Rapp. préc., Doc. Sénat n° 108, t. 3, p. 275 et 276.

[15] CGI, art. 848, 5°.

[16] F. Fruleux, art. préc., p. 6.

[17] V. S. Lamiaux, art. préc.

[18] V. également en ce sens, S. Mahé, JCl. préc., n° 18.

[19] En réservant curieusement et selon nous à tort cette indication aux seuls testaments rédigés à compter du 1er janvier 2020.

[20] Doc. Sénat 138, t. 3 préc., p. 275.

[21] n° II-1090.

[22] V. l’exposé des motifs du sous-amendement n° II-3636.

[23] CGI, art. 680.

Droit fiscal
François FRULEUX

François FRULEUX

Docteur en droit

Diplômé Supérieur du Notariat

Maître de conférences associé à l’Université Paris-Dauphine

Membre du Centre de Recherche Droit Dauphine (CR2D)

Directeur du Jurisclasseur Fiscal Enregistrement Traité

Membre du comité scientifique de la revue Actes pratiques et stratégie patrimoniale, du Jurisclasseur Ingénierie du patrimoine et du Lexis Pratique Fiscal

Consultant auprès du CRIDON Nord-Est

Enseignant à l’AUREP