Modalités de détermination de la plus-value de cession des parts d’une société de personnes

Actualité
du 15 Septembre 2022

La règle de calcul de la plus-value mentionnée à l’article 39 duodecies du CGI, énoncée par la décision du Conseil d'Etat du 16 février 2000, n° 133296, SA Etablissements Quémener, n’est pas, par principe, insusceptible de faire l’objet d’un abus de droit contraire à l’objectif de neutralité de la loi fiscale (CAA Paris, 8 juillet 2022, n°16PA02400 et 16PA02401) :

Le 28 mars 2006, deux SARL assujetties à l'impôt sur les sociétés ont acquis auprès de leur société mère la totalité des titres de plusieurs SA de droit luxembourgeois ensemble détentrices de 100 % des parts de plusieurs SCI françaises ayant chacune un immeuble en France à son actif.

 

Le lendemain, les SARL ont procédé à la dissolution de leurs filiales luxembourgeoises avec transmission universelle du patrimoine, après que ces dernières aient réévalué la valeur des titres des SCI.

 

Le 31 mars 2006, les SARL ont décidé, en qualité d’associé unique des SCI, leur dissolution sans liquidation par transmission universelle de leur patrimoine à leur profit, après réévaluation par celles-ci de la valeur des immeubles. Cette réévaluation a généré une plus-value au niveau des SCI, imposable entre les mains de leur associé, compensée toutefois par la moins-value d’annulation des parts sociales des SCI du fait de l’application de la jurisprudence Quémener.

 

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A l'issue d’une vérification de comptabilité des SARL, l’administration fiscale a considéré ces opérations successives comme constitutives d’un montage relevant de l’abus de droit au motif qu’elles permettaient l’intégration dans l’actif de la société française des immeubles détenus par les SCI à leur valeur vénale sans imposition de la plus-value résultant de leur réévaluation. Refusant la déduction extra-comptable des moins-values d’annulation des titres des SCI, elle a alors redressé les SARL en conséquence.

 

Les SARL ont contesté ces redressements devant le tribunal administratif de Paris qui leur en a accordé la décharge par deux jugements en date du 18 juillet 2012.

 

Le ministre de l'économie et des finances s’est alors pourvu en cassation contre les arrêts de la cour administrative d’appel de Paris du 18 février 2014 par lesquels cette dernière a rejeté les appels formés contre ces deux jugements.

 

Par décision du 6 juin 2016, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour au motif que la jurisprudence Quémener était applicable à une opération de dissolution sans liquidation d’une société de personnes, précédée de la réévaluation de ses actifs, sous réserve qu’elle permette d’éviter une double imposition effective de l’associé qui réalisait l’opération de dissolution. Il a renvoyé à la cour administrative d’appel de Paris le jugement de l'affaire au fond.

 

Toutefois, prenant acte du revirement de jurisprudence opéré par le Conseil d’Etat du 24 avril 2019, n° 412503, Société Fra SCI, la cour administrative d’appel réaffirme, d’une part, l’application systématique du correctif Quémener, sans condition d’existence d’une double imposition, et écarte, en l’espèce, l’existence d’un abus de droit au titre de son application.

 

Elle précise cependant expressément que, contrairement à ce que soutiennent les SARL, « l'application de la règle du calcul des plus-values mentionnée à l'article 39 duodecies du code général des impôts, énoncée par la décision du Conseil d'Etat du 16 février 2000, n° 133296, SA Etablissements Quémener, n'est pas par principe insusceptible de faire l'objet d'un abus de droit contraire à l'objectif de neutralité de la loi fiscale. »

 

En l’espèce, la cour administrative d’appel de Paris considère que l’administration fiscale a établi l’existence d’un montage artificiel dénué de toute substance mais qu’elle n’a pas démontré que les SARL auraient retiré du mécanisme de correction Quémener un avantage contraire à l'objectif de neutralité de la loi fiscale poursuivi par cette règle de calcul. Elle en conclut que l'administration fiscale n'était pas fondée à remettre en cause, en recourant à la procédure de l'abus de droit, l'application de la jurisprudence Quémener et que les SARL étaient fondées à demander la décharge des impositions et pénalités en litige.

 

Avis de l’AUREP : cette solution est logique au vu de la jurisprudence applicable et rappelle qu’en matière d’abus de droit, la charge de la preuve incombe, en principe, à l’administration fiscale (sauf cas expressément prévus aux alinéas 2 et 3 de l’article L. 192 du livre des procédures fiscales).

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