Un terrain à bâtir cédé concomitamment à la résidence principale ne constitue pas une dépendance immédiate et nécessaire de celle-ci, au sens des dispositions de l’article 150 U, II, 3° du code général des impôts, dès lors qu’il est acquis en vue d’y édifier des constructions susceptibles d'entrer dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée immobilière (CE, 9ème et 10ème ch., 8 avril 2022, n° 447694) :
Une SCI, détenue par une personne physique (M. K…) qui en est le gérant, a cédé un ensemble immobilier se composant d'une maison à usage d'habitation et d'un terrain constructible à une autre SCI dont M. K… est également gérant et associé. La maison cédée constituait la résidence principale du gérant. Dans le cadre d'un contrôle sur pièces, l'administration a remis en cause l'exonération de la plus-value immobilière réalisée au titre de la cession du terrain constructible.

M. K… se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 15 octobre 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, après avoir annulé pour irrégularité le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 5 octobre 2017, en tant qu'il avait statué sur la décharge des pénalités pour manquement délibéré, a rejeté l'ensemble de ses conclusions tendant à la décharge des impositions supplémentaires et des pénalités résultant de ce redressement.
Le Conseil d’Etat rejette le pourvoi en ces termes :
« 2. En premier lieu, l'article 150 U du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur à la date des impositions en litige, dispose que : " Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. / Ces dispositions s'appliquent, sous réserve de celles prévues au 3° du I de l'article 35, aux plus-values réalisées lors de la cession d'un terrain divisé en lots destinés à être construits. / II.- Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux immeubles, aux parties d'immeubles ou aux droits relatifs à ces biens : / 1° Qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession ; / (...) / 3° Qui constituent les dépendances immédiates et nécessaires des biens mentionnés aux 1° et 2°, à la condition que leur cession intervienne simultanément avec celle desdits immeubles (...) ".
3. Pour juger, par l'arrêt attaqué, que le terrain constructible d'une surface de 10 523 m² cédé à la SCI Le Clos de Montplaisir en même temps que la résidence principale de M. K... ne constituait pas une dépendance nécessaire de cette résidence, au sens des dispositions précitées du 3° du II de l'article 150 U du code général des impôts, la cour administrative d'appel a relevé que l'acquéreur de ce terrain, qui faisait l'objet d'un prix de vente distinct de celui de la résidence principale de M. K..., s'engageait, par l'acte de vente, à y réaliser onze maisons individuelles dans un délai de quatre ans, qu'il avait obtenu avant la vente un permis d'aménager en vue de cette opération et que, au regard de ces éléments, les seules allégations de M. K... relatives à l'utilisation de cette parcelle comme " jardin d'agrément " de sa maison d'habitation ne suffisaient pas à établir un lien nécessaire de cette dépendance avec sa résidence principale. En statuant ainsi, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine de l'ensemble des faits de l'espèce, exempte de dénaturation, sans méconnaître les règles de dévolution de la charge de la preuve, ni commettre d'erreur de droit.
4. En deuxième lieu, aux termes du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".
5. La fiche n° 2 de l'instruction administrative BOI 8M-1-04 du 14 janvier 2004 indiquait, s'agissant de la notion de " dépendances immédiates et nécessaires " mentionnée à l'article 150 U du code général des impôts indique : " 30. Terrain à bâtir. Lorsque l'immeuble est vendu comme terrain à bâtir, c'est-à-dire lorsque le terrain (notamment terrain nu, terrain recouvert de bâtiments destinés à être démolis, immeuble inachevé) est acquis en vue de l'édification d'une construction entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée immobilière, les dépendances immédiates et nécessaires s'entendent uniquement : - des locaux et aires de stationnement utilisés par le propriétaire comme annexes à son habitation (garage, parking, remise, maison de gardien) ; - des cours, des passages, et en général, de tous les terrains servant de voies d'accès à l'habitation et à ses annexes. 31. Terrain entourant l'immeuble. Dans les autres cas, cette notion est interprétée de manière plus large. Il est admis, en effet, que l'exonération porte sur l'ensemble du terrain (y compris l'assise de construction) entourant l'immeuble ". En jugeant que le terrain en litige n'entrait pas dans le champ des terrains entourant un immeuble, visés par le point 31 de cette instruction, au motif qu'il s'agissait d'un terrain constructible au regard des règles d'urbanisme alors que cette doctrine ne faisait référence qu'à la notion de terrain " acquis en vue de l'édification d'une construction ", la cour a commis une erreur de droit.
6. Toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour établir que la vente litigieuse ne portait pas sur un " terrain à bâtir " au sens de la doctrine administrative et qu'elle devait par suite être exonérée de l'imposition sur les plus-values de cession immobilière, M. K... se bornait à soutenir que l'acte de vente stipulait que la cession du terrain avait été exonérée de taxe sur la valeur ajoutée immobilière. Or, dès lors que l'instruction administrative définissait les terrains à bâtir comme les terrains acquis en vue d'y édifier des constructions susceptibles d'entrer dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée immobilière, et non comme les terrains qui entraient eux-mêmes dans le champ de cette taxe, la circonstance que la vente du terrain litigieux n'aurait pas elle-même été assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée était sans incidence sur la qualification de " terrain à bâtir " au sens du point 30 de cette instruction. Par suite, M. K... n'établissait pas en tout état de cause entrer dans les prévisions du point 31 de la même instruction. Ce motif, dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif erroné retenu par l'arrêt attaqué, dont il justifie le dispositif. »
Avis de l’AUREP : cette décision est logique au vu des faits de l’espèce. Il importe toutefois de remarquer que, dans cette affaire, le contribuable s’est vu appliquer une majoration de 40 % pour manquement délibéré considérant notamment « qu'en sa qualité de notaire il devait être particulièrement informé des principes régissant l'imposition des plus-values immobilières ».