Sous-location meublée et SCI

Actualité
du 10 Mai 2023
Thomas
GIMENEZ
Assistant de Recherche Junior AUREP

Dans cette affaire, une SCI donnait en location nue au profit de deux associés minoritaires une maison à usage d’habitation (CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 31 mars 2023, n°21MA00318). A la suite d’un contrôle sur pièces, l’Administration fiscale a transmis une proposition de rectification à la SCI, considérant que :

  • les recettes tirées de la location de ladite maison étaient passibles de l’impôt sur les sociétés (IS) « compte tenu du caractère habituel de l'exploitation commerciale de ce bien » et,

  • requalifiant en plus-value de cession d’éléments d’actifs immobilisés, une cession d’immeuble intervenue dans l’intervalle contrôlé.

 

En l’occurrence, le doute portait sur le fait que les associés en question avaient meublé le bien et le sous-louaient sur de courtes durées depuis plusieurs années. En outre, il est indiqué qu’ils avaient déclaré et payé l’impôt sur ces revenus.

 

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A l’issue de la procédure, la SCI s’est acquittée de cotisations supplémentaires d’IS. La SCI a d’abord assigné l’Administration devant le tribunal administratif de Toulon qui rejeta sa demande.

 

La Cour administrative d’appel de Marseille saisie en pourvoi, juge en confrontant les articles 8, 206, 34 et 35 du code général des impôts que :

 

« 4. Pour assujettir la SCI La ferme du cheval noir à l'impôt sur les sociétés, l'administration fiscale a estimé que cette société a loué, en meublé, la maison à usage d'habitation dont elle est propriétaire à Cavalaire-sur-Mer, au cours des années 2007, 2008 et 2009, chaque fois pour une durée d'un mois, par le biais d'annonces parues sur un site internet de locations immobilières.

 

5. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que la SCI La ferme du cheval noir aurait elle-même procédé aux actes de publicité ni même perçu les sommes issues de la location de l'immeuble en 2007, 2008 et 2009, l'administration se bornant à soutenir le contraire en formulant de simples assertions non étayées. En revanche, il résulte de l'instruction que cette société a loué son bien à M. A... C... et Mme B... C..., associés minoritaires de la SCI, par des baux allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 et du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 dont il résulte des termes que cet immeuble a été donné à l'état nu. Il est par ailleurs constant que ce sont les locataires qui ont garni le bien de meubles et qu'ils ont immédiatement déclaré les revenus tirés de ces locations comme des revenus passibles de l'impôt sur le revenu. A cet égard, la circonstance invoquée par l'administration selon laquelle la sous-location n'était pas prévue au bail, si elle a une incidence sur les relations entre la société propriétaire et ses locataires, est néanmoins sans influence sur la détermination de la personne ayant encaissé les sommes issues des locations de l'immeuble. Enfin, l'administration ne peut utilement faire valoir que la société requérante déposerait depuis plusieurs années des déclarations de revenus mentionnant des recettes locatives encaissées à son nom, alors qu'il s'agit soit de celles issues de la location du bien, nu, aux intéressés, soit de recettes locatives sans lien avec cette dernière. Dans ces conditions, la SCI La ferme du cheval noir est fondée à soutenir qu'elle ne pouvait être regardée comme exerçant une activité commerciale au sens de l'article 34 du code général des impôts et, par suite, qu'elle n'était pas redevable de l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2008 et 2009 à raison des loyers procurés par la location de cet immeuble.

 

6. Par suite de ce qui vient d'être dit, c'est également à tort que l'administration a requalifié la cession du terrain réalisée, le 10 juin 2008, de plus-de-value de cession d'éléments d'actifs immobilisés et mis à sa charge des impositions sur les sociétés à ce titre. »

 

Avis de l’AUREP : Dans ce litige, plusieurs points sont à soulever. D’abord, la Cour reconnaît la régularité du bail en location nue conclu entre la SCI et ses associés ici minoritaires quand bien même la sous-location ne serait pas expressément prévue par les parties. En effet, elle rejette l’argument s’agissant de l’absence d’autorisation de sous-location dans le bail, cette omission n’interférant que dans les relations entre la SCI et ses associés mais pas dans la détermination de la personne qui a encaissé les revenus locatifs.

 

En d’autres termes, la Cour d’Appel distingue et traite isolément la location nue de la sous-location meublée. Ainsi, elle considère que les sommes encaissées par la SCI au titre du bail conclu avec ses associés relèvent bien de la location nue ne remettant pas en cause son régime d’imposition quand bien même une sous-location en meublée serait effectuée par les locataires.

 

En parallèle, il est à noter que d’une manière générale, les revenus tirés de la sous-location d’un logement nu, ne se rattachant à aucune catégorie, sont imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (art. 92 du CGI). Toutefois, s’agissant de la sous-location meublée, le BOFIP précise dans une publication datant du 05/04/2017 (BOI-RFPI-CHAMP-10-30) que « les loyers ont le caractère de revenus industriels et commerciaux ». Au cas d’espèce, on peut donc légitimement penser que les revenus issus de la sous-location ont été imposés dans la catégorie des BIC entre les mains des locataires.

De notre point de vue, ce schéma invite à la plus grande prudence et vigilance ne serait-ce que parce qu’il pourrait rapidement, en fonction des circonstances, révéler une certaine proximité avec l’abus de droit. Nous resterons donc attentifs à l’issue de ce litige si pourvoi en Cassation il y a.

 

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Thomas
GIMENEZ
Assistant de Recherche Junior AUREP