La cession de l'usufruit à durée fixe de droits sociaux, laquelle n'emporte pas mutation de la propriété des droits sociaux, n'est pas soumise aux droits d'enregistrement applicables aux cessions de droits sociaux (Cass. com., 30 nov. 2022, n° 20-18.884) :
Dans cette affaire, par acte des 7, 15 et 22 mars 2012, enregistré le 26 avril 2012, les associés d’une SCI ont cédé l'usufruit à durée fixe des parts qu'ils détenaient dans cette société à une société commerciale, qui a acquitté le droit fixe prévu à l'article 680 du code général des impôts. Le 23 janvier 2015, soutenant que cet acte devait être soumis au droit d'enregistrement proportionnel de 5 % prévu à l'article 726, I, 2°, du code général des impôts, applicable aux cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière, l'administration fiscale a notifié à l’acquéreur une proposition de rectification des droits d'enregistrement pour l'année 2012.

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La Cour d’appel donna raison à l’administration, de sorte que la société s’est pourvue en cassation.
Selon la Cour de cassation :
« Vu l'article 726 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, et l'article 578 du code civil :
5. Selon le premier de ces textes, les cessions de droits sociaux sont soumises à un droit d'enregistrement proportionnel.
6. Aux termes du second, l'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance. Il en résulte que l'usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d'associé, qui n'appartient qu'au nu-propriétaire, de sorte que la cession de l'usufruit de droits sociaux ne peut être qualifiée de cession de droits sociaux.
7. Pour retenir que la cession de l'usufruit des parts sociales de la société civile immobilière NSG, conclue entre les consorts [F] et la société [F] participations, entrait dans le champ d'application de l'article 726 du code général des impôts et rejeter la demande de décharge des droits d'enregistrement supplémentaires réclamés, l'arrêt énonce que le terme « cession », au sens de cet article, n'est pas uniquement limité à l'acte définitif de la cession de l'intégralité d'une ou plusieurs parts sociales, mais s'entend de toute transmission temporaire ou définitive de la part sociale elle-même ou de son démembrement, telle la cession de l'usufruit ou de la nue-propriété, le texte ne distinguant pas selon que la cession porte sur la pleine propriété ou sur un démembrement de celle-ci, même si d'autres dispositions du code général des impôts procèdent à une telle différenciation. Il retient encore que la cession litigieuse a entraîné le transfert d'éléments de participation dès lors qu'en se dépossédant de l'usufruit des titres, les associés de la société civile immobilière NSG, qui ont perdu leur droit au bénéfice des dividendes, ont également perdu leur droit de vote afférent aux parts sociales cédées.
8. En statuant ainsi, alors que la cession de l'usufruit de droits sociaux, qui n'emporte pas mutation de la propriété des droits sociaux, n'est pas soumise au droit d'enregistrement applicable aux cessions de droits sociaux, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
11. Il résulte de ce qui précède que l'acte des 7, 15 et 22 mars 2012, enregistré le 26 avril 2012 au service des impôts des entreprises, portant cession, par les consorts [F] à la société [F] participations, de l'usufruit des parts sociales de la société civile immobilière NSG, n'est pas soumis au droit d'enregistrement proportionnel de 5 % prévu à l'article 726, I, 2°, du code général des impôts.
12. En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement, d'annuler la décision du 16 mars 2015 ayant rejeté partiellement la réclamation de la société [F] participations et de prononcer la décharge des droits d'enregistrement supplémentaires mis en recouvrement contre cette société ».
Avis de l’AUREP : la Cour de cassation se fonde sur le fait que l’usufruitier n’est pas associé pour considérer que la cession d’un usufruit de parts sociales ne saurait s’assimiler à une cession de parts sociales.
En conséquence, le droit fixe de 125 €, prévu par l’article 680 du CGI est dû, et non le droit proportionnel prévu par l’article 726 du même code.
La solution rendue en matière d’usufruit à durée fixe est transposable à un usufruit viager de droits sociaux.
Il faut bien reconnaître qu’elle est très favorable au contribuable.
En revanche, il n’y pas lieu de raisonner de la même manière s’agissant d’une vente d’immeuble, l’article 683, I du CGI disposant que : « Les actes civils et judiciaires translatifs de propriété ou d'usufruit de biens immeubles à titre onéreux sont assujettis à une taxe de publicité foncière ou à un droit d'enregistrement au taux prévu à l'article 1594 D ».