Vice du consentement pour insanité d’esprit

Actualité
du 26 Octobre 2022
Henri
LEYRAT
Docteur en droit privé – HDR
Diplômé Notaire

Le conjoint survivant, en sa qualité d’héritier, peut agir en nullité d’un acte de vente conclu par son époux décédé pour insanité d’esprit (Cass. 3ème civ., 12 oct. 2022, n° 21-15.669) :

Par acte notarié reçu le 12 novembre 2015, un homme et son épouse, ont vendu un immeuble à leur fille et gendre, moyennant le prix de 210 000 euros, dans lequel ils ont continué à habiter avec les acquéreurs. Les époux étaient représentés à l'acte de vente par leur fils, en vertu d'un mandat qu'ils lui avaient donné par acte sous seing privé du 21 septembre 2015. Le mari est décédé le 11 avril 2016 et l’épouse a été placée sous curatelle simple le 27 janvier 2017. A la suite de dissensions survenues au sein du couple d’acquéreurs, la fille s'est installée chez une autre fille de la venderesse. Invoquant un vice de son consentement et son incapacité à contracter, l’épouse, assistée par sa curatrice, a assigné les deux acquéreurs et le notaire en annulation de la procuration et de l'acte de vente et subsidiairement en rescision pour lésion.

 

actu 221026

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La demande de l’épouse est rejetée par la Cour d’appel au motif qu’elle ne dispose pas de qualité d’héritier pour agir en nullité pour insanité d’esprit de son époux décédé.

 

La Cour de cassation casse l’arrêt au visa des articles 731, 732 et 414-2 du Code civil :

 

« 8. Selon les deux premiers de ces textes, le conjoint survivant non divorcé est un conjoint successible auquel la succession est dévolue par la loi, avec les parents du défunt, dans les conditions définies par les articles suivants du code civil.

 

9. Il résulte du troisième que les héritiers peuvent engager une action en nullité d'un acte, autre qu'une donation entre vifs et un testament, fait par leur auteur, pour insanité d'esprit, notamment si cet acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental.

 

10. Pour rejeter la demande de nullité de la procuration du 21 septembre 2015 et de l'acte de vente du 12 novembre 2015, l'arrêt retient que, si Mme [M] [l’épouse] est recevable à invoquer la nullité de ces actes, elle ne peut pour autant dans ses conclusions remettre en cause la capacité ou le consentement de son défunt époux, cocontractant, cette action n'étant ouverte qu'à ses héritiers qui n'ont pas été appelés en la cause et qui ne sont pas davantage intervenus volontairement au litige.

 

11. En statuant ainsi, alors que Mme [M] est héritière, au sens de ces dispositions, de son époux défunt, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

 

Avis de l’AUREP : cet arrêt permet de rappeler que le conjoint survivant dispose de la qualité d’héritier légal, s’il est non divorcé. Dès lors, il peut agir sur le fondement de l’insanité d’esprit de son défunt époux pour obtenir l’annulation d’un acte conclu par ce dernier. En effet, selon l’article 414-1 du Code civil : « Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte ».

 

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Henri
LEYRAT
Docteur en droit privé – HDR
Diplômé Notaire