La publication récente de deux documents relatifs à la transmission d’entreprise nous donne l’occasion, chiffres à l’appui, de nous pencher sur un marché dynamique, porté notamment par une pyramide des âges favorable. Il s’agira ici de montrer l’intérêt d’un accompagnement patrimonial dans ces moments décisifs, afin de convaincre ceux qui ne le seraient pas déjà. Et de rappeler qu’au-delà de l’opportunité de belles affaires, le conseiller endosse au cas particulier un rôle social dont il peut légitimement s’enorgueillir…

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Le premier de ces documents est paru le 12 juin 2025 : Ventes et cessions de fonds de commerce, édition 2025 du groupe Altares fait le point sur un millésime 2024 marquant une certaine relance. Il distingue les aspects conjoncturels de tendances plus lourdes, faisant apparaître un paysage contrasté.
Également paru en juin, le Théma n° 30 de la Direction générale des Entreprises (DGE), Les transmissions d’entreprises :tendances, défis et enjeux pour l’économie française (auteurs : Laura Garcia et Jean-Christophe Lomonaco), adopte une approche plus large encore. Il permet notamment d’appréhender la situation post-crise sanitaire avec désormais le recul nécessaire.
Commençons par faire le point sur les cessions de fonds de commerce intervenues en 2024, une année originale à plus d’un titre.
Une hausse tirée par une conjoncture particulière
Une hausse de 2,5 % des cessions est enregistrée par rapport à l’année précédente, avec un total de 31 700 opérations – loin des 45 000 enregistrées en moyenne entre 2010 et 2015.
Thierry Millon, directeur des études Altares, résume bien la chose : « le marché de la transmission retrouve un peu de couleurs mais sans grand dynamisme remontant tout juste au niveau de transactions de 2022 ».
Quelles tendances ? La restauration traditionnelle se tient bien et garde ainsi la tête du classement (environ 4 600 transactions ; + 2,8 %). Restauration rapide (+ 2,4 %) et surtout cafés (+ 4,2 %) affichent une dynamique intéressante, « dans une conjoncture pourtant compliquée », souligne l’étude Altares. Idem pour la boulangerie (+ 9,7 %) après son année noire (- 22 % en 2023). Buralistes (- 10,7 %) et hôtels (- 4,4 %) marquent en revanche le pas.
L’évolution la plus marquante se situe ailleurs.
Les prix plus que le volume
En effet, le prix de transaction moyen établit un record historique en tutoyant les 260 000 € (+ 5,7 % par rapport à 2023).
Le tableau est assez contrasté avec des hausses (journaux et papeterie : + 13,7 % à 318 k€ ; buralistes : + 4,5 % à 372 k€ ; boulangerie et pâtisserie : + 3,0 % à 227 k€) mais aussi des baisses (hôtels : – 5,7 % à 485 k€ ; débits de boissons : – 3,2 % à 224 k€ ; restauration traditionnelle : – 3,1 % à 206 k€).
Outre le poids traditionnel des officines de pharmacie (1,2 M€, en baisse néanmoins de 4,6 %), il faut souligner une présence notable à tous points de vue, celle des supermarchés. Ces derniers enregistrent une hausse exceptionnelle du volume de transaction (+ 35,6 %) et plus encore du montant (+ 76,3 % à 1,9 M€).
Casino, rien ne va plus !
L’explication du phénomène est simple : les déboires du groupe Casino.
La prise de contrôle du consortium dirigé par Daniel Křetínský en mars 2024 a opéré un virage stratégique sous pression, avec notamment un recentrage des activités sur la proximité en France. Ainsi, « près de la moitié des supermarchés étaient cédés par Casino pour être repris essentiellement par Intermarché ou Auchan », nous renseigne, sans grande surprise, l’étude Altares.
Elle étonnera davantage sans doute au regard des zones concernées.
Une géographie inattendue ?
Au-delà d’une disparité marquée entre territoires, penchons-nous les principaux lieux d’évolution.
L’étude Altares qualifie les petites villes de « championnes de l’attractivité » en 2024 : transactions en hausse de 4,3 % (près de 8 000) pour un prix moyen en hausse de 9 % (près de 255 k€). En revanche, les villes moyennes, stars de 2023, rentrent dans le rang (plus faible évolution du nombre de transactions à + 0,3 %).
Retour à plus d’orthodoxie s’agissant de la place de chaque type d’entreprises.
Beaucoup de petits, du mieux chez les grands
Si les TPE font le nombre (92 % des ventes), les PME de plus de 50 salariés et les grandes structures (250 salariés et plus) voient leur volume de transactions gonfler , avec respectivement + 7,3 %, et + 12,2 %.
L’étude Altares évoque des « mouvements conduits par des acheteurs déjà bien installés qui confortent leur position par l’acquisition d’une branche d’activité ou d’un établissement supplémentaire, voire qui opèrent une réorganisation juridique par voie de filialisation d’une partie de leur activité ». D’ailleurs, huit reprises sur dix visent des activités installées depuis plus de 5 voire 15 ans, avec un taux de survie à 3 ans de 92 %.
Quant aux hommes, nos lecteurs souvent les connaissent et les accompagnent déjà.
Un portrait de nos clients
Le vendeur a en moyenne 52 ans quand l’acheteur en a 42 (chiffres stables). Les plus de 60 ans forment un gros quart des cédant (5 % ont même plus de 70 ans).
Les données de l’étude portée par la DGE sont du même tonneau : selon elle, « environ 33 % des opérations de cession-transmission sont en effet initiées par des dirigeants âgés de 60 ans et plus (avec un pic observé à l’âge de 61 ans) ».
Rappelons au passage, à titre de mise en perspective, une affirmation du rapport Dombre-Coste (Favoriser la transmission d’entreprise en France : diagnostic et propositions, 7 juillet 2015) : « plus de la moitié des cessions réussies se font avant 55 ans ».
Le Théma de la DGE nous fait également connaître que « les secteurs comprenant le plus grand nombre de dirigeants de 60 ans et plus sont l’enseignement, la santé humaine et l’action sociale (24 % du total), le commerce (22 %), ou encore les services aux entreprises (18 %) ».
Des perspectives pour certains… que d’autres n’ont plus, ou tout du moins plus dans les mêmes proportions.
Investir… jusqu’à quand ?
Ainsi l’étude souligne-t-elle « des taux d’investissement plus faibles lorsque l’âge du dirigeant ou de la dirigeante est plus élevé, ce qui pourrait traduire une capacité à se projeter et à prendre des risques plus faibles lorsque l’âge avance » (autour de 12 % deux ans avant la cession lorsque le dirigeant a moins de 60 ans contre 8 à 9 % lorsque le dirigeant a plus de 60 ans).
L’argent est le nerf de la guerre, sans doute. mais ne fait pas tout.
Miser sur qui et sur quoi ?
Parmi les facteurs favorables à la survie de l’entreprise reprise, l’étude de la DGE cite notamment la disponibilité de liquidités financières au démarrage, ainsi que l’âge et expérience du dirigeant (mieux vaut qu’il ait entre 30 et 50 ans et une expérience professionnelle supérieure à 10 ans), sans oublier son sexe (les femmes sont meilleures pour reprendre ; match nul en cas de création). La reprise d’anciens salariés offre également de meilleures chances de survie.
Le rapport Dombre-Coste constatait déjà, voilà 10 ans, que « le taux de survie des entreprises récemment cédées est nettement supérieur aux autres entreprises (60 % à 5 ans, contre 50 % pour les autres) ».
La chose donne à réfléchir. Et exige d’agir !
Leviers à actionner
La DGE souligne à ce propos que « la fiscalité est aussi un levier de soutien de la transmission », citant évidemment le dispositif Dutreil en matière de transmission familiale et ceux liés à la cession dans le cadre d’un départ à la retraite (exonération d’impôt sur le revenu de l’article 151 septies A du CGI et abattement de 500 000 € l’article 150-0 D ter du même code).
Il serait possible d’en citer d’autres encore, moins spécifiques peut-être mais souvent très efficaces, d’autant que parfois ils se cumulent (CGI, art. 41, 151 septies, 151 septies B, 238 quindecies, 790 A).
Autant d’outils largement étudiés dans le certificat Conseiller le Chef d’Entreprise dans la gestion de son patrimoine professionnel et privé (CCE).
Responsabilité sociale
Dans la conclusion de Thierry Millon, Directeur des études Altares, qui fait le constat d’un démarrage plutôt mou des transactions dans un contexte de renchérissement des prix affirmé en 2025, nous retiendrons cette proposition à peine voilée : « favoriser la transmission des affaires pourrait être une réponse au risque de défaillance et au maintien de l’emploi ». Dans la même veine, nous soutenons, contre une certaine mode sans doute, que si créer, c’est bien, reprendre, c’est mieux.
Le travail mené par la DGE tend aux mêmes conclusions, avançant que « les entreprises ayant fait l’objet d’une cession ou d’une transmission ont un taux de pérennité à trois ans plus élevé (85,5 %) que les entreprises nouvellement créées (81,4 %) », et ajoutant qu’« elles génèrent un chiffre d’affaires plus important et affichent une meilleure productivité au moment de la cession-transmission, une tendance qui se maintient dans le temps ».
Cette étude souligne à juste titre – et fort à propos dans un contexte où la France semble désespérément chercher son chemin – que « la transmission d’entreprise, qu’elle soit familiale, aux salariés ou à un tiers, est essentielle pour préserver le tissu entrepreneurial mais aussi des compétences et savoir-faire clés ».
Il y existe ainsi une responsabilité sociale derrière ces transmissions à réussir : « bien transmettre nos entreprises, c’est sauvegarder 750 000 emplois, et potentiellement en créer des dizaines de milliers d’autres », soulignait déjà, voilà 10 ans, le rapport Dombre-Coste.
Prendre la vague…
Et quelle plus belle perspective, en ouverture, que le chiffre que met en avant le Théma de la DGE ? « Sur la décennie 2020, environ 500 000 dirigeants seraient susceptibles de prendre leur retraite » (enseignement, santé, services aux entreprises et commerce principalement).
Rappelons à l’occasion les chiffres qui ont amené l’AUREP de Jean Aulagnier et Jacques Duhem à créer le Diplôme Universitaire Ingénierie Patrimoniale du Chef d’Entreprise (DU IPCE) : « la nécessité de définir des mesures permettant de répondre au défi démographique constitué par l’arrivée à l’âge de la retraite de 500 000 chefs d’entreprise dans la décennie à venir » (rapport Jacob Financement, développement et transmission, 1er octobre 2004).
20 ans après, un demi-million toujours : les rangs des candidats à la transmission restent bien garnis ! Les opportunités sont donc loin d’être taries. Et la pyramide des âges reste l’une des plus sûres boussoles. Les candidats à la transmission sont et seront longtemps encore légion. Alors au travail !
Vous trouverez ci-dessous les liens vers les deux principaux documents cités dans le présent éclairage ; nous vous en recommandons vivement la lecture.
Direction générale des Entreprises (Théma n° 30) :
Groupe Altares (Ventes et cessions de fonds de commerce, édition 2025) :Etude – Ventes et Cessions de fonds de commerce – Bilan 2024 – Altares