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Une affaire récemment jugée par la Cour de cassation le 18 décembre 2024 (n° 23-21.435) permet de revenir sur la question de la transformation d’une société avant cession. Cette stratégie permet de réduire les droits de mutation correspondants. L’arrêt de principe en la matière est bien connu
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Initialement la différence entre les taux applicables étaient très sensibles selon que la cession portait sur des actions justiciable du taux de 1 % limité à 20 000 F ou des parts sociales dont la cession était soumise au taux de 4,80 %. C’est précisément au regard de ce régime fiscal qu’intervint l’arrêt de principe de la Cour de cassation RMC France du 10 décembre 1996 (no 94-20.070 P). Rappelons les faits. : Quatre associés détenaient les parts d’une S.A.R.L. destinées à être cédées. Préalablement à la cession de leurs droits sociaux, et à la majorité requise par les statuts, ceux-ci décidèrent, d’une part, de transformer la S.A.R.L. en S.A., et, d’autre part, de procéder à une augmentation de capital. Celle-ci fut réalisée notamment au moyen de l’apport en numéraire d’une tierce société à laquelle les associes cédèrent ensuite leurs actions.
Pour l’administration, l’ensemble de ces opérations n’auraient eu pour but exclusif que de permettre à la société acquéreur d’acquitter le droit de mutation au taux de 1 % limité à 20 000 F au lieu et place du droit de 4,80 %. L’abus de droit de l’article L. 64 du LPF lui apparaissait de la sorte parfaitement mis en évidence.
La Cour de cassation fit alors une tout autre analyse. Pour la cour, dès lors que la transformation était régulièrement intervenue et qu’elle était effective, elle entraînait nécessairement des effets multiples. Cette transformation devait par conséquent être considérée comme une opération nécessairement distincte de la cession des droits sociaux. Le but exclusivement fiscal devait être écarté. Pour autant, la cour ne se fit pas faute de relever un point particulièrement déterminant : une fois la cession réalisée, la société n’était pas revenue en sa forme antérieure de SA postérieurement à la cession des actions.
On en était resté là jusqu’à la publication de l’arrêt de la même Cour de cassation du 18 décembre 2024 précité. Sans doute échaudée par le précédent du 10 décembre 1996, l’administration rejeta toute application de l’abus de droit. Mais elle ne rendit pas les armes pour autant. Elle remit en cause l’application du régime propre aux cessions d’actions sur un fondement juridique tout à fait différent : l’absence de publication de la transformation au registre du commerce et des sociétés. La cour d’appel fit droit à la prétention administrative, validant de la sorte la rectification du service alors pourtant que la société requérante faisait valoir que le choix entre les différents taux de droits de mutation dépendait exclusivement de la nature juridique des droits sociaux transmis au moment du fait générateur de l’impôt.
Faisant une application stricte de ce principe, la cour de cassation accueillit favorablement la prétention du contribuable. Pour la cour, l‘absence de publication de la transformation de la société au registre des sociétés, formalité propre au seul droit des sociétés, devait rester sans influence sur la solution fiscale du litige. Elle fit application du texte fiscal en se fondant sur des principes fiscaux bien établis. Ainsi le fait générateur de l’impôt est-il constitué par la date du transfert de la propriété des droits sociaux. Quelle est alors, à cet instant, la nature des droits transmis ? Telle est la seule question qui importe. Et s’il s’agit d’actions, le seul droit applicable est celui propre à cette nature de droits sociaux.
En vérité, la seule possibilité ouverte à l’administration pour parvenir à ses fins aurait reposé sur la mise en œuvre de l’abus de droit fondé, soit sur la fictivité de la cession, soit sur la démonstration d’une utilisation du texte de l’article 726 du CGI relatif au taux applicable à la cession en matière de droits d’enregistrement à l’encontre des intentions du législateur.
A dire vrai, ces deux voies n’auraient sans doute pas pu prospérer. En présence d’un acte de cession régulièrement enregistré et d’une cession effectivement réalisée après accord des parties sur la chose et sur un prix effectivement versé par l’acquéreur, toute fictivité aurait été définitivement exclue. Quant à un emploi des textes à l’encontre des intentions de leur auteur, la décision de la Cour de cassation coupe court à cet argument. Elle fonde en effet précisément sa décision sur le constat d’une application régulière du texte de l’article 726 du CGI dès lors que les droits de mutation ont bel et bien été appliqués en fonction de la nature des droits sociaux objets de la transmission, respectant de la sorte l’objectif même du législateur à l’origine du texte.
La conclusion à tirer de cette jurisprudence est claire. Si le texte fiscal subordonne l’application d’un régime fiscal au respect d’une formalité, la non observation entraîne le risque d’une rectification de la part de l’administration. Ainsi en est-il par exemple de l’option pour la soumission à la TVA des loyers afférents à une location de locaux nus à un assujetti à la taxe. Sur le fondement des articles 286, I-1° du CGI et 195 de l’annexe II au même Code, cette option est expresse et doit être adressée à l’administration. A défaut, la soumission à la taxe peut être valablement refusée par le service. En revanche si la formalité n’est attachée qu’’au seul droit des sociétés ou au droit civil, l’administration est dépourvue de moyens pour contester la stratégie mise en œuvre par le contribuable, sauf si le texte fiscal prévoit une relation avec la rédaction d’un acte juridique. Et c’est le cas dans l’hypothèse de l’option pour le paiement de la TVA sur les loyers. Ainsi, l’option doit-elle obligatoirement et rementionnée dans le bail commercial ou professionnel afférent aux locaux.
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