Un colosse, le marché immobilier, à manier avec prudence : tel est le ressenti qu’il ressort de la lecture du rapport de la Cour des comptes, relatif à l’imposition des plus-values immobilières des particuliers, publié le 25 novembre 2025. Le rapport porte sur le régime en vigueur depuis la dernière réforme intervenue en 2011-2013.
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Les constats :
Dans son rapport, la Cour estime le produit rapporté par cette taxation en 2023 à 3,6 milliards d’euros. Ce produit est constitué à un tiers par l’impôt sur le revenu revenant à l’Etat et pour les deux tiers par des prélèvements sociaux revenant à la Sécurité sociale.
En synthèse, le rapport souligne l’essence du dispositif : l’impôt sur les plus-values constitue un impôt sur les résidences secondaires et les biens à usage d’investissement locatif. Ce régime d’imposition entend favoriser la détention longue de ces biens immobiliers à travers le bénéfice d’abattements progressifs liés à la durée de détention. En parallèle et depuis longue date, l’on retrouve un régime d’exonération de la résidence principale.
Afin de contextualiser la situation française, le rapport effectue à plusieurs reprises une comparaison avec des régimes de taxation étrangers. En Allemagne, Belgique et en Italie par exemple, l’exonération est acquise plus rapidement. A contrario, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, ces plus-values sont taxées sans limitation de durée de détention avec l’existence d’un seuil de déclenchement de l’imposition assez élevé aux Etats-Unis.
Le rapport met en lumière le coût des neuf exonérations françaises — environ une centaine de millions d’euros — ainsi que le manque de visibilité pour l’administration, tant sur ce coût que sur l’évaluation et le suivi de leurs effets.
Statistique intéressante rapportée : 38 % des logements du parc immobilier sont susceptibles de faire l’objet de l’imposition en question auxquels s’ajoutent les autres biens immobiliers entrant dans le champ d’application. En somme, il est indiqué que 19 % des ménages français détiennent en sus de leur résidence principale un logement.
D’un point de vue conjoncturel, l’analyse des trente dernières années de transactions immobilières, caractérisées par une forte hausse des prix de l’ancien, révèle que la fiscalité des plus-values n’est pas le moteur principal de l’évolution du marché. Celui-ci dépend avant tout de la dynamique des taux d’intérêt. Néanmoins, la dernière réforme opérée, portant de 15 à 30 ans la durée de détention permettant d’être totalement exonéré, révèle des incidences sur l’ensemble du marché et particulièrement sur les cessions de résidences secondaires, premières concernées. Deux études avaient d’ailleurs objectivé la contraction temporaire des ventes et des prix à la suite de la réforme et la réduction de la mobilité dans des départements ayant augmenté les droits de mutation.
Le rapport objective l’axiome selon lequel le produit de l’imposition des plus-values immobilières dépend des fluctuations du marché immobilier. Précisément, si le produit atteignait 4,7 milliards d’euros en 2022, le retournement du marché immobilier a entrainé une baisse de 23 % des recettes en 2023 (3,6 milliards d’euros). Le rendement de l’impôt apparaît plus conséquent dans les départements les plus touristiques. On notera une sensible concentration du produit de l’impôt et de son assiette sur une part limitée de contribuables situés dans le dernier dixième de l’impôt sur le revenu.
Le rapport pointe du doigt la méconnaissance de cette imposition et l’absence de suivi sur le plan statistique. Une compréhension plus précise des vendeurs et des biens cédés permettrait à l’administration d’analyser de manière éclairée les nombreuses propositions récurrentes de réforme du régime. Si le rapport souligne la maîtrise dans la gestion de la gestion de l’imposition grâce au rôle central des notaires, il pointe plusieurs faiblesses dans le processus déclaratif empêchant l’automatisation des contrôles et l’appariement des données avec les systèmes d’information de la DGFiP.
Avant de communiquer ses recommandations, la Cour des comptes insiste sur le fait qu’une éventuelle réforme du dispositif de taxation actuel doit tenir compte des études existantes sur la fiscalité du logement. De même, elle doit être envisagée avec prudence en anticipant et estimant ses effets possibles sur le marché immobilier. Pour cause, le durcissement du régime pourrait entraîner la contraction du marché immobilier, une baisse des recettes publiques et donc aucun effet notable sur le marché.
De manière traditionnelle la Cour des comptes chiffre le coût pour l’Etat du dispositif ici représenté par :
- l’exonération de la résidence principale : 5,6 milliards d’euros en 2022 et,
- les abattements en fonction de la durée de détention pour les biens taxables : 4,8 milliards d’euros en 2022.
Les recommandations de la Cour des comptes :
La Cour des comptes articule ses recommandations autour de deux axes :
- 6 recommandations sur la gestion de l’impôt en conservant les grands paramètres du régime d’imposition actuel ;
- 3 scénarios en guise de piste d’évolution du régime.
Quelles recommandations ?
S’agissant des recommandations, elles font suite à plusieurs besoins et souhaits identifiés par le Conseil Supérieur du Notariat et le ministre des Comptes publics.
Les mesures envisagées d’ici 2026-2027 visent à renforcer l’accès des agents de la DGFiP aux bases Bien et Perval et à les enrichir de données fiscales relatives aux plus-values. Elles prévoient également l’ajout, dans Télé@ctes, d’un champ automatisé pour signaler les exonérations au titre de la résidence principale et l’étude d’une dématérialisation complète des déclarations de PVI avec intégration automatique dans les systèmes d’information de la DGFiP. Parallèlement, le recours au datamining sera accru pour identifier les résidences secondaires et mieux cibler les contrôles, tandis que les directions d’Alsace-Moselle pourraient bénéficier d’un accès automatisé aux fichiers cadastraux pour un raccordement complet aux systèmes d’information fiscaux.
Quelles propositions des réformes ?
S’agissant maintenant des scénarios d’évolutions possibles la Cour des comptes précise qu’aucune mesure « ne se présente de manière évidente comme ayant un impact uniquement positif pour la collectivité et les finances publiques. » Les propositions vont d’ajustements mineurs à des mesures plus strictes pour accroître les recettes fiscales, ou au contraire à des assouplissements visant à fluidifier le marché immobilier.
1. La première, recommandée par la Cour des comptes, vise une stabilité du régime actuel assorti de quelques mesures d’ajustement pour faire face à des problématiques ponctuelles parmi lesquelles :
- Une extension de la surtaxe sur les plus-values élevées de la 22ème à la 30ème année afin de lisser l’imposition sur la durée de détention des biens ;
- Un renforcement de la taxation des PVI sur les biens ayant été loués à court terme et la possibilité pour l’administration de contrôler plus facilement les omissions de déclaration ;
- Une révision des petites exonérations et abattements exceptionnels pour ne conserver que ceux dont l’impact positif sur les ménages ou l’offre de logements est démontré.
2. S’agissant maintenant du scénario d’accroissement des recettes publiques, il repose sur un remplacement de l’abattement pour durée de détention par la seule prise en compte de l’érosion monétaire.
A noter, si le dispositif d’exonération de la résidence principale serait conservé, il pourrait prendre la forme d’un plafonnement de l’exonération ou être conditionnée au remploi dans l’achat d’une nouvelle résidence principale. Le rapport souligne toutefois qu’une telle mesure aurait un rendement assez faible alors qu’elle entrainerait des moyens de contrôles conséquents.
Bien que la Cour ait chiffré le surcroît d’imposition engendré par une telle réforme, elle précise dans le même temps que ces estimations ne tiennent pas compte de la possible contraction des transactions qui viendraient à coup sûr diminuer ces recettes. En dehors de l’effet sur ce volume de transactions, la mesure pourrait rapporter 1,9 milliards d’euros de plus qu’en 2022. Le rapport envisage enfin un scénario médian de taxation de la plus-value immobilière au prélèvement forfaitaire unique afin de renforcer la neutralité fiscale entre investissement immobilier et mobilier. Le gain ne serait alors plus que de 765 millions d’euros.
3. Dernier scénario, celui de fluidification du marché immobilier qui propose de raccourcir la durée d’imposition en revenant à l’exonération après 15 ans avec un abattement annuel doublé, ce qui réduirait les recettes fiscales de 2,4 Md€ selon les transactions de 2022. Toutefois, l’impact positif sur l’offre de logements reste incertain et limité, tandis que les comptes publics ne permettent pas de supporter une telle perte immédiate de recettes.