Procuration sur les comptes, retraits inhabituels et rapport à la succession

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Le présent litige s’inscrit dans le cadre d’un conflit successoral familial. Précisément, une défunte laissait pour lui succéder ses trois enfants et, en l’état d’un testament authentique, deux petits-enfants légataires à titre universel d’une quote-part de la quotité disponible. Les faits rapportent que l’une des filles de la défunte, que nous nommerons Mme X, était du vivant de sa mère titulaire d’une procuration sur ses comptes bancaires.

Hans Isaacson Pour Unsplash+

Parmi les faits reprochés à cette fille mandataire, neuf retraits bancaires importants et inhabituels effectués sur les comptes bancaires de la de cujus, les années précédant son décès. Ses frères et sœurs considérant qu’elle était à l’initiative de ces retraits effectués dans son seul intérêt, demandèrent le rapport à la succession de leur mère du montant des sommes retirées.

Aucun règlement amiable de la succession n’ayant pu aboutir, les deux enfants de la défunte ont assigné leur sœur, Mme X, et ses enfants en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage.

Le tribunal saisi du contentieux avait alors considéré que les relevés bancaires versés aux débats, ne permettaient pas de démontrer que Mme X, bien que mandataire des comptes, était à l’origine des retraits d’une part, avait été bénéficiaire des retraits d’autre part. Les requérants interjetèrent appel du jugement arguant d’un renversement de la charge de la preuve dans la mesure où il appartenait à leur sœur, mandataire des comptes, de leur rendre compte de sa gestion.

Parmi les faits rapportés en appel, nous relèverons que ces retraits ont été effectués à l’époque où la de cujus demeurait en région parisienne en résidence spécialisée. Si elle était assurément, à l’initiative de deux retraits signés de sa main, elle n’a en revanche, au vu des lieux et dates des autres retraits, pu effectuer ces derniers, l’intéressée étant à cette période hospitalisée et ayant une mobilité réduite.

La Cour d’appel de Paris (CA Paris , 26 oct. 2022, RG n° 20/13173) avait alors considéré que la mandataire, échouait à démontrer l’utilisation des fonds au profit de sa mère déduction faite des dépenses estimées pour les besoins de la de cujus. Les retraits étant sans mesure avec les besoins ce cette dernière, la Cour ordonna le rapport à la succession des sommes retirées par Mme X. Celle-ci se pourvut en cassation prétendant ne pas être à l’origine des retraits et qu’il appartenait donc préalablement à celui qui impute un détournement au mandataire de prouver qu’il a disposé des fonds reçus ou prélevés du mandant.

La 1ère chambre civile de la Cour de cassation (Cass. 1ère civ., 11 déc. 2024, n°22-22.930) s’appuya sur les articles 1315, alinéa 1er, devenu 1353 alinéa 1er (de la preuve des obligations), et 1993 du code civil (obligations du mandataire) pour casser l’arrêt d’appel.

Les juges de la Haute juridiction sanctionnèrent le raisonnement des juges d’appel qui ne constatait pas que les retraits litigieux avaient été effectués par Mme X. Autrement dit, rien ne justifiant ici que les retraits avaient effectivement été effectués par la mandataire Mme X, les juges d’appel n’ont pas donné de base légale à leur décision.

Droit civil
Communication AUREP

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