En l’espèce, le litige s’inscrivait dans le cadre de la transmission à titre gratuit, par des parents à leurs deux enfants, des titres d’une holding sous le bénéfice de l’exonération partielle du dispositif Dutreil. La holding détenait les titres d’une société d’exploitation.
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À cette fin, la holding s’était engagée pour elle et ses ayants cause, par acte sous seing privé du 10 juin 2011, à conserver les titres de sa filiale pendant deux ans à compter de leur enregistrement, l’engagement étant assorti d’une clause de prorogation tacite à durée indéterminée. L’acte, enregistré le 15 juin 2011, avait été rédigé par un premier avocat.
Quelques jours plus tard, le 21 juin, les parents ont donné, via une donation-partage, la pleine propriété d’une partie des titres de la holding. Fin 2012, l’un des parents, M. Y., a chargé un nouvel avocat de rédiger les attestations annuelles de conservation des titres devant être adressées au service des impôts.
Le 28 novembre 2017, sur les conseils de son avocat, M. Y. a mis fin à l’engagement collectif de conservation pour faire courir l’engagement individuel de quatre ans des donataires.
Le 20 août 2020, après l’échec d’une cession de la société Standard Industrie en raison de ces engagements individuels en cours, la famille a assigné le second avocat en responsabilité et indemnisation. En clair, le conseil d’une dénonciation en amont de l’engagement collectif aurait permis de purger le délai d’engagement individuel en 2020, si bien que la vente aurait pu avoir lieu sans risque de remise en cause de l’exonération partielle.
Déboutée en appel, la famille a formé un pourvoi en cassation aux fins de voir condamner leur conseil – pour qui, selon elle, la mission n’était pas cantonnée à l’établissement des attestations annuelles de conservation.
La première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. 1ère civ., 12 nov. 2025, n° 24-15.616) fonde sa décision sur l’article 1147 du Code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qui régissait l’octroi de dommages-intérêts en cas d’inexécution d’une obligation. Selon les juges, il résulte de ce texte que « le devoir d’information et de conseil de l’avocat rédacteur d’un acte comporte l’obligation d’appeler l’attention de son client sur l’opportunité et les conséquences de cet acte. »
Appliqué au cas d’espèce, la Haute juridiction relève que l’avocat, chargé d’établir chaque année les attestations de conservation des titres, n’a attiré l’attention des consorts [Y] qu’en 2017 sur l’intérêt de mettre fin à l’engagement collectif de conservation pour déclencher l’engagement individuel, ainsi que sur les effets d’une prorogation tacite. Elle en déduit que la cour d’appel a méconnu le texte susvisé.
Avis de l’AUREP : En définitive, l’obligation de conseil et d’information de l’avocat, chargé d’accompagner donateur et donataire au cours d’un pacte Dutreil, ne se limite pas à la pré-rédaction des attestations de conservation, quand bien même il n’aurait pas été à l’initiative de la mise en place du dispositif. Ce dernier doit s’enquérir de la situation et des projets des parties et les alerter sur les conséquences d’une prorogation tacite de l’engagement collectif et sur l’intérêt de sa dénonciation.