Nantissement de crypto-actifs : vers le crédit lombard 3.0 ?

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Nous assistons à une évolution historique en droit des garanties et des sûretés. Évolution, d’abord, car la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 est venue créer l’article L. 226-5 du Code monétaire et financier, ouvrant la voie à un encadrement juridique du nantissement d’actifs numériques. Historique, ensuite, car le droit français érige un véritable pont, encore fragile mais tangible, entre l’univers des crypto-actifs et l’économie réelle. Cette évolution vise à adapter le droit français aux récentes règles européennes (règlement MiCA).

Pablo Martinez pablomp

Hier consacré aux actifs et enveloppes de détention traditionnels, le nantissement pourra désormais porter sur des actifs numériques. En clair, un crédit pourra désormais être octroyé en contrepartie de la portée en garantie de crypto-actifs, opération communément appelée crédit lombard. Précisons d’ores et déjà que la référence aux actifs numériques sera remplacée dès l’an prochain par la terminologie juridique européenne « crypto-actifs ».

Concrètement, la mise en place de la sûreté se matérialisera par une convention signée entre les parties. A noter qu’un décret d’application viendra préciser son contenu.

Seront compris dans l’assiette du nantissement :

  • les actifs numériques recensés dans la déclaration de nantissement,
  • ceux qui leur sont substitués ou qui les complètent en garantie de la créance initiale du créancier nanti,
  • ainsi que, sauf convention contraire, les fruits et produits issus de ces actifs, qu’ils soient constitués d’actifs numériques ou, le cas échéant, de sommes en toute monnaie.
    Cela inclut également les fruits et produits générés par l’immobilisation des actifs numériques nantis dans un système de négociation et de règlement DLT.

Ensuite, le créancier nanti pourra sur simple demande obtenir des prestataires de services sur crypto-actifs assurant la conservation des actifs numériques, une attestation de nantissement comportant l’inventaire des actifs numériques nantis à la date de délivrance de cette attestation. Lorsque les actifs numériques font l’objet de plusieurs nantissements successifs, le rang des créanciers est réglé, pour chaque actif numérique, par l’ordre de leur déclaration initiale.

En outre, le texte laisse le soin aux parties, créancier nanti et constituant, de définir « les conditions dans lesquelles ce dernier peut disposer des actifs numériques et des sommes en toute monnaie compris dans l’assiette du nantissement ». La loi envisage un droit de rétention sur les actifs et sommes pour le créancier nanti, selon là encore des modalités convenues entre les parties.

En l’absence de délai spécifique convenu avec le constituant, le créancier nanti peut réaliser le nantissement dès huit jours après une mise en demeure adressée au débiteur ou au constituant (s’il est distinct), et, le cas échéant, aux prestataires de services sur crypto-actifs et aux teneurs de comptes concernés.

Cette mise en demeure doit être formalisée par remise en mains propres, courrier recommandé ou tout autre moyen fixé par décret.

La réalisation du nantissement s’opère ensuite, dans la limite de la créance garantie et, le cas échéant, dans l’ordre défini par le constituant :

  • par transfert direct en pleine propriété pour les sommes en monnaie,
  • selon des modalités convenues ou définies par décret pour les crypto-actifs.

Tous les frais liés à la réalisation du nantissement sont à la charge du constituant et imputés du montant issu de cette réalisation.

Avis de l’AUREP : Cette réforme, porteuse d’un important effet de levier bancaire, suscite à la fois incertitudes et prudence. Si le mécanisme permettrait de mobiliser la valeur de ses crypto-actifs sans les céder, son efficacité dépendra largement de son appropriation par les établissements de crédit, de la sécurité juridique des opérations, et de son encadrement fiscal.

D’abord, sur le plan juridique et comme cela l’a justement été souligné en doctrine, le texte reste silencieux sur les modalités singulières de détention, de gestion et d’accès au portefeuille crypto. A cet égard, l’application pratique du droit de rétention consacré au bénéfice du créancier nanti, pose question. De surcroît, la volatilité élevée de ces actifs invite à une utilisation avec parcimonie, sous peine de pouvoir exposer le constituant, confronté à de fortes baisses sur les actifs nantis, à des appels de marge du créancier. 

Ensuite, sur le plan fiscal, l’opération ne devrait, au sens actuel de la législation, pas se traduire par une imposition des plus-value latentes des actifs, faute de fait générateur. Toutefois, il faudra dans les mois à venir être attentifs sur les évolutions aussi bien des textes que de la doctrine administrative à venir en la matière.

De même, nous resterons attentifs au contenu du décret d’application de la mesure.

Droit fiscal
Communication AUREP

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