De la qualité d’associé du propriétaire indivis de droits sociaux

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La qualité d’associé de l’indivisaire de droits sociaux ne fait nul doute, le principe est établi par la jurisprudence depuis longue date.

La situation se posera le plus souvent dans un cadre successoral où les héritiers de l’associé décédé recueilleront les parts et, faute de partage amiable se retrouveront en indivision sur chacun des titres.

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Dans une telle occurrence, il apparait opportun de s’interroger sur les droits et pouvoirs attachés à cette qualité d’associé. Là encore, la jurisprudence et les textes sont venus dessiner les contours des attributs conférés à cette singulière qualité. Ainsi, l’article 1844 du Code civil aménage un mécanisme de représentation des copropriétaires d’une part sociale indivise. Un mandataire unique choisi parmi les indivisaires ou en dehors sera alors chargé de cette représentation. En cas de désaccord, la désignation interviendra par voie judiciaire.

La Cour de cassation eut à se prononcer une fois encore sur la question (Cass. Com., 30 août 2023, n°22-10.018). Dans cette affaire, il était question d’un GFA constitué entre trois associés. L’un d’eux décéda, laissant pour lui succéder trois héritiers. Les statuts prévoyaient en cas de décès d’un des associés, une libre transmission des parts au profit des descendants légitimes impliquant une continuité de la société avec les ayants droits héritiers du défunt. Ainsi, aucune clause d’agrément n’était prévue dans ce schéma successoral légal.

Le contentieux naquit d’une résolution soumise en examen en assemblée générale extraordinaire (AGE). L’un des héritiers [Y] [E] ainsi que d’autres associés entendaient céder leurs parts à un tiers. Toutefois, l’AGE refusant l’agrément du tiers acquéreur, l’hériter susvisé assigna la société et un associé en vue de l’annulation de la résolution et convocation d’une nouvelle assemblée.

Les juges d’appel faisant droit à la demande, avaient alors annulé l’AGE litigieuse. La société et l’associé attaqués se pourvurent alors en cassation en articulant leur raisonnement autour de la non-qualité d’associé de [Y] [E] et donc de son impossibilité à agir.

La Haute juridiction confirma l’analyse des juges du fond tendant à la reconnaissance de la qualité d’associé de [Y] [E], propriétaire indivisaire des parts, au regard des fondements susvisés. Ainsi, elle lui reconnait le droit fondamental et individuel de participer aux décisions collectives, consacré par l’article 1844 du Code civil. Toutefois, elle rappelle logiquement que l’indivisaire bien qu’associé, ne peut prendre part au vote « sinon étant représentés par un mandataire désigné à cet effet ».

Avis de l’AUREP

Cet arrêt apparait conforme à la jurisprudence antérieure existant en la matière. Ainsi, la qualité d’associé est reconnue au propriétaire indivisaire de droits sociaux mais ce dernier ne disposera alors que de prérogatives réduites encadrées notamment par l’article 1844 du Code civil et les règles régissant l’indivision.

La jurisprudence participe elle aussi du dessin des contours de ces prérogatives limitées attachées à cette singulière qualité. Dès lors, nous rappellerons qu’il a été admis récemment par la Haute juridiction que l’associé propriétaire indivis de droits sociaux puisse demander la désignation d’un administrateur provisoire et dispose du droit d’obtenir communication des livres et documents sociaux (Cass. 3ème Civ., 17 janv. 2019, n° 17-26.695 ; Cass. 3ème Civ., 27 juin 2019, n° 18-17.662).

Cette situation précaire apparait peu sécuritaire pour les associés indivisaires dans la mesure où leur mésentente impliquera de potentielles situations de blocage, tout du moins en attendant la désignation d’un mandataire. Il apparait que la question de la transmission successorale des parts doive être prise en compte en amont par le de cujus afin d’anticiper ces situations conflictuelles.

Droit civil
Thomas Gimenez

Thomas Gimenez

Chargé de recherche