S’il en était nécessaire, la première chambre civile de la Cour de cassation a statué le 22 octobre dernier sur deux affaires portant sur l’existence ou non de donations rapportables à une succession. Une nouvelle fois, ces décisions traduisent la difficulté pratique à démontrer l’intention libérale du présumé disposant.
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Dans la première affaire (Cass. 1ère civ., 22 oct. 2025, n° 23-21.096), deux parents étaient décédés laissant pour leur succéder leurs trois enfants. Des difficultés sont intervenues dans le cadre du règlement des successions. Précisément, le frère et la sœur de l’un des héritiers, demandaient le rapport dans la masse à partager par ce dernier de sommes qu’il avait perçues par chèques, signés de la main de sa mère peu avant son décès. Ils revendiquaient l’existence d’un recel successoral, les sommes en question n’ayant pas été révélées lors du règlement de la succession. Les faits rapportés font état de sommes s’élevant à environ 87 000 euros. Condamné par les juges du fond à la restitution des sommes qu’ils qualifièrent de donations recélées, l’héritier forma un pourvoi en cassation. La Haute juridiction casse l’arrêt d’appel : faute d’avoir recherché, comme il lui incombait, si le de cujus avait ou non agi dans une intention libérale, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.
La seconde affaire (Cass. 1ère civ., 22 oct. 2025, n°23-22.904) reposait là encore sur des différends familiaux intervenant dans le cadre d’un règlement successoral. Précisément, une défunte laissait pour lui succéder ses deux enfants en l’état d’un testament authentique par lequel elle avait légué à son fils la quotité disponible de sa succession. De son vivant et durant plusieurs années, elle avait mis gratuitement à disposition de son fils plusieurs appartements et une maison dépendant de la succession. Le montant de l’avantage indirect tiré de cette occupation gratuite s’élevait à près de 800 000 euros.
Là aussi, il était question de savoir si cet avantage indirect était constitutif d’une donation rapportable à la succession de la défunte. Constatant qu’aucune preuve n’établissait l’existence d’un prêt à usage et que les soins prodigués par le fils à ses parents n’excédaient pas la piété filiale, les juges du fond avaient retenu l’existence de donations rapportables.
Saisie sur pourvoi du fils, la Haute juridiction écarte logiquement la logique suivie en appel fondée sur la seule existence d’un avantage indirect. Là encore, la cour d’appel aurait dû caractériser l’intention libérale du de cujus pour qualifier les opérations de donations rapportables.
Ces arrêts s’ajoutent à la longue et intarissable saga de la caractérisation de l’existence d’une libéralité rapportable. Nous rappellerons une nouvelle fois qu’une libéralité suppose la réunion de deux conditions :
- Un élément matériel : l’appauvrissement du disposant et l’enrichissement corrélatif du donataire ;
- Un élément intentionnel : l’intention libérale du disposant de gratifier.
En pratique, s’il est évident que l’appauvrissement, en raison de son caractère le plus souvent pécuniaire, se justifie aisément, il en va tout autrement de la caractérisation de l’intention libérale, laquelle ne se présume pas.