L’apport d’un usufruit à durée fixe de titre d’une société civile immobilière relevant de l’impôt sur le revenu à une société holding à l’impôt sur les sociétés peut être constitutif d’un abus de droit lorsque l’opération relève d'un montage juridique et économique artificiel (CAA Lyon, 9 févr. 2023, n° 21LY01699) :
Uns SCI a été créée le 8 mars 2003 par ses deux associés personnes physiques à parts égales. Par actes du 20 décembre 2010, les statuts de la SCI ont été mis à jour afin d'entériner l'augmentation du capital social de 24 parts correspondant à la nomination de deux autres associés minoritaires. Une société civile holding a alors été créée, une option à l’IS ayant été formulée. A cette occasion, les quatre associés de la SCI ont chacun fait apport à la holding de l'usufruit temporaire pour une durée de dix ans de leurs parts dans le capital social de la SCI. Le résultat de la SCI a, en conséquence, été déterminé selon les règles applicables en matière de bénéfices industriels et commerciaux, en vertu des dispositions de l'article 238 bis K du CGI. A l'issue d'une vérification de comptabilité des sociétés, l'administration a considéré, sur le fondement des dispositions de l'article L. 64 du LPF, eu égard aux conditions de fonctionnement de la holding, que l'opération consistait en l'interposition d'une société dépourvue de consistance économique n'ayant d'autre but que celui d'éluder la charge fiscale à l'impôt sur le revenu des associés de la SCI.

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La Cour administrative d’appel de Lyon donne raison à l’administration fiscale :
« 7. Il résulte de l'instruction que, pour démontrer l'abus de droit, l'administration a estimé que l'interposition de la SC Holding Agichar [la holding] relevait d'un montage juridique et économique artificiel. Pour ce faire, elle a relevé que cette société, qui a pour objet la gestion d'un portefeuille de participations incluant toute opération financière, mobilière ou immobilière, n'a justifié depuis sa création, au titre de ses immobilisations, que de la détention des parts détenues en usufruit dans la SCI Serre de Brujas [la SCI] et n'a réalisé aucune transaction financière en lien avec son objet. A ce titre, si les requérants se prévalent de cinq attestations démontrant selon eux la réalité de recherches d'investissements menées par les deux associés, MM. Jean-Paul A... et Christian Charensol [les associés de la SCI], les attestations produites évoquent de façon non circonstanciée des négociations n'ayant pas abouti pour acquérir différents complexes touristiques sans que celles-ci ne permettent de conclure avec certitude, ce que les requérants ne contestent pas d'ailleurs, que les recherches ont bien été menées par les associés pour le compte de la SC Holding Agichar et non pour le compte d'une autre société que ces derniers détenaient également, à savoir la SARL Domaine des Garrigues, citée dans deux des attestations versées au dossier. Ces attestations ne suffisent pas à démontrer l'existence d'une activité de gestion de titres de la SC Holding Agichar ni même d'une réelle volonté de débuter une telle activité. L'administration a également relevé que, depuis sa création, la SC Holding Agichar ne dispose ni de compte bancaire, ni de comptabilité et qu'elle n'a tenu aucune assemblée générale. Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'administration était fondée à considérer que la SC Holding Agichar était dénuée de substance économique et que sa création ne répondait pas à un motif économique, financier ou patrimonial. L'administration apporte ainsi la preuve qui lui incombe que la création et l'interposition de la SC Holding Agichar présentaient un caractère artificiel et que ce montage a été réalisé dans le but exclusif de permettre à M. D... A... d'éluder le paiement de l'impôt dont il aurait été personnellement redevable en fonction de sa quote-part détenue dans la SCI Serre de Brujas sur les revenus fonciers perçus et de permettre à la SC Holding Agichar, soumise à l'impôt sur les sociétés, de déduire de ses charges des amortissements, à hauteur en l'espèce d'un montant de 91 925 euros en 2015 et de 91 497 euros en 2016, lesquels n'auraient pas été déductibles des revenus fonciers perçus par les associés en fonction de leur quote-part respective dans la SCI. Par suite, c'est à bon droit que le service a écarté la création puis l'interposition de cette société comme ne lui étant pas opposable et qu'il a imposé les revenus perçus par la SCI Serre de Brujas entre les mains de chacun des associés à hauteur de leurs parts dans cette société ».
Avis de l’AUREP : cette décision est logique au regard du fait que les contribuables n’ont, à aucun moment, donné de substance économique et juridique au montage et à la holding constituée.
A cet égard, le fait que celle-ci ne dispose d’aucun compte bancaire, mais également qu’aucune assemblée générale n’ait été tenue, justifie la position de l’administration.