Les stipulations des décisions d’assemblées générales extraordinaires qui attribuent à certains associés la totalité des pertes enregistrées sur trois exercices clos ne constituent pas des clauses léonines (réputées non écrites) car ne dérogent que de manière ponctuelle au pacte social (CE, 8ème et 3ème ch., 18 oct. 2022, n° 462497) :
Le capital d’une SCI familiale est détenu à hauteur de 0,5 % par chacun des parents et à 99 % par leurs cinq enfants. Par trois assemblées générales extraordinaires, la totalité des pertes enregistrées par la SCI au titre des exercices 2014 à 2016 ont été attribués aux parents qui ont ainsi déduits d’importants déficits fonciers. L’administration fiscale a remis en cause ces déductions en considérant que la fraction des déficits fonciers de la SCI attribuée aux intéressés devait être limitée à celle correspondant à leur part dans le capital social de la société, soit 1 %, et a rehaussé leurs revenus fonciers en conséquence.

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Après avoir vu leur demande de décharge rejetée par le tribunal administratif de Paris, les parents ont fait appel du jugement et obtenu gain de cause devant la cour administrative d’appel de Paris.
Sur pourvoi de l’administration fiscale, le Conseil d’Etat confirme l’arrêt d’appel :
« 4. Pour juger que les décisions des assemblées générales extraordinaires des 30 décembre 2014, 28 décembre 2015 et 30 décembre 2016 attribuant à M. et Mme B... la totalité des pertes enregistrées par la société Duc A... pour les exercices clos respectivement en 2014, 2015 et 2016 ne pouvaient être regardées comme des stipulations réputées non écrites par l'effet des dispositions précitées du second alinéa de l'article 1844-1 du code civil, la cour administrative d'appel de Paris, qui a porté sur les faits de l'espèce une appréciation exempte de dénaturation, s'est fondée sur ce que ces décisions, qui concernaient tant les bénéfices que les pertes, ne dérogeaient que de manière ponctuelle au pacte social. En refusant ainsi de réputer non écrites de telles décisions qui se bornaient à déroger aux règles statutaires pour ce qui concerne la répartition des seules pertes constatées à la clôture des exercices concernés, et alors même que ces décisions ont eu pour effet d'exonérer certains associés de toute participation à ces pertes, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit. »
Avis de l’AUREP : cet arrêt surprenant confirme que des associés minoritaires d’une société de personnes (détenant seulement 1 % du capital en l’espèce) peuvent, de manière ponctuelle, se voir attribuer la totalité des bénéfices ou pertes de la société.