L’apport d’un usufruit viager préconstitué à une société, dans le cas où il est limité à une durée fixe, relève des dispositions de l’article 13, 5° du Code général des impôts (CE, 8ème et 3ème ch., 31 mars 2022, n° 458518) :
Dans cette affaire, un homme consentit une donation à sa fille de l’usufruit viager portant sur des parts sociales. La donataire apporta par la suite cet usufruit viager pour une durée de 30 ans à une société en contrepartie de droits sociaux en pleine propriété. Par la suite, l’administration fiscale opéra un redressement sur le fondement de l’article 13, 5° du CGI, en imposant dans la catégorie des BIC le montant de l’apport.

La Tribunal administratif de Paris donna raison à l’administration, puis la Cour administrative d’appel de Paris infirma le jugement en donnant raison au contribuable (CAA Paris, 5 oct. 2021, n° 20PA01257).
L’administration forma un pourvoi en cassation.
Le Conseil d’Etat censure le raisonnement des juges d’appel dans les termes suivants :
« 2. D'une part, aux termes de l'article 617 du code civil : " L'usufruit s'éteint : Par la mort de l'usufruitier / Par l'expiration du temps pour lequel il a été accordé (...) ". Aux termes de l'article 619 du même code : " L'usufruit qui n'est pas accordé à des particuliers ne dure que trente ans ".
3. D'autre part, aux termes du 1° du 5 de l'article 13 du code général des impôts : " Pour l'application du 3 et par dérogation aux dispositions du présent code relatives à l'imposition des plus-values, le produit résultant de la première cession à titre onéreux d'un même usufruit temporaire ou, si elle est supérieure, la valeur vénale de cet usufruit temporaire est imposable au nom du cédant, personne physique ou société ou groupement qui relève des articles 8 à 8 ter, dans la catégorie de revenus à laquelle se rattache, au jour de la cession, le bénéfice ou revenu procuré ou susceptible d'être procuré par le bien ou le droit sur lequel porte l'usufruit temporaire cédé (...) ". Ces dispositions trouvent à s'appliquer tant à la cession à titre onéreux, par le propriétaire d'un bien ou droit, d'un usufruit portant sur celui-ci qu'à la première cession à titre onéreux, par son titulaire, d'un usufruit préconstitué, dans le cas où le cessionnaire bénéficie du droit d'usufruit pour une période qui n'est pas exclusivement déterminée par la durée de la vie humaine.
4. Ainsi, en jugeant que l'apport à la société Origan [la société bénéficiaire de l’apport] par Mme C... [l’usufruitière], pour une durée contractuellement fixée à trente ans, de l'usufruit dont celle-ci était titulaire à titre viager sur les parts de la société C... et Cie n'avait pas la nature d'une cession d'usufruit temporaire, au sens et pour l'application des dispositions précitées du 1° du 5 de l'article 13 du code général des impôts, la cour administrative d'appel de Paris a méconnu ces dispositions ».
Avis de l’AUREP : la Haute juridiction rend une décision conforme à la doctrine administrative, laquelle distingue l’apport d’un usufruit viager préconstitué non limité dans le temps de l’apport d'un tel droit pour une durée fixe (BOI-IR-BASE-10-10-30, 6 avr. 2017, § 90). Alors que le premier n’entre pas dans le champ d’application de l’article 13, 5° du CGI, le second y figure pleinement.
Cette position nous semble discutable car l’usufruit ainsi apporté conserve un caractère viager évident qui le distingue d’un usufruit à durée fixe.