Dans un arrêt récent, la Cour de cassation est venue préciser les contours du droit de préemption du locataire d'un local à usage commercial ou artisanal, dispositif inscrit à l’article L. 145-46-1 du Code de commerce (Cass. 3ème Civ., n°22-16.034, 29 juin 2023).
Dans cette affaire, les faits étaient les suivants. Des propriétaires indivis d’un ensemble immobilier le donnaient à bail commercial à une société. Les propriétaires vendant les locaux loués à un tiers acquéreur se sont vus assignés en justice par le locataire actuellement en place. Ce dernier alléguant une atteinte à son droit de préemption demanda l’annulation de la vente et indemnisation de son préjudice.

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En l’espèce, l’enjeu s’est articulé autour de la qualification de l’activité exercée par le locataire pour déterminer s’il entrait dans le champ d’application du texte susvisé. Plus précisément, il était question de déterminer s’il exerçait une activité industrielle, activité exclue par le texte qui vise essentiellement les activités commerciale et artisanale. Les juges de droit prennent d’ailleurs le soin de préciser que par deux amendements cette activité avait été exclue de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014.
Schéma assez inédit pour le souligner et faute de jurisprudence existante, la Cour de cassation dans son raisonnement, s’est appuyée sur la définition rendue en matière fiscale par le Conseil d’Etat pour définir la notion d’activité industrielle :
« 14. Si la définition donnée par le juge administratif relève de la matière fiscale, les critères dégagés sont opérants, au regard de l'objet de l'article L. 145-46-1 précité, pour délimiter la portée de l'exclusion des locaux à usage industriel du droit de préférence.
15. Dès lors, au sens de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, doit être considéré comme à usage industriel tout local principalement affecté à l'exercice d'une activité qui concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre est prépondérant. »
Au cas présent, les juges de fond puis de droit ont ainsi pu estimer que le locataire exerçant une activité industrielle ne pouvait se prévaloir du droit de préemption susvisé. Autre subtilité à souligner, le fait d’exercer une activité de négoce ne remet pas en cause ce raisonnement si celle-ci est exercée à titre accessoire.
Avis de l’AUREP : Quand bien même le texte était rédigé en ce sens, cet arrêt vient entériner l’exclusion de l’activité industrielle du droit de préemption du locataire visé à l’article L. 145-46-1 du Code de commerce. Le motif de cette exclusion pose d’ailleurs question en pratique. Faute de définition civile, l’on sait désormais que pour qualifier cette notion, la Haute juridiction s’appuie sur la définition jurisprudentielle administrative.