Les articles L. 227-16, alinéa 1er, et L. 227-19, alinéa 2, du Code de commerce organisent les modalités permettant à une SAS d’imposer à l’un de ses associés de céder ses actions. Ces dispositions font l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité renvoyée au Conseil constitutionnel (Cass. com., 12 oct. 2022, n° 22-40.013) :
Dans cette affaire, un salarié et associé d’une SAS avait donné sa démission. Or un article des statuts prévoyait que la rupture du contrat de travail permettait au président de la société de convoquer l'assemblée générale extraordinaire des associés afin qu'elle se prononce sur l'exclusion de l'associé.
L’associé exclu par la suite forma une QPC au sujet des deux textes du Code de commerce rendant possible la cession forcée des titres d’un associé : les articles L. 227-16 et L. 227-19, ce dernier ayant été modifié par la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019.
La QPC est jugée sérieuse par le Cour de cassation qui en assure la transmission au Conseil constitutionnel.
« 8. Les dispositions contestées sont le premier alinéa de l'article L. 227-16 du code de commerce, qui dispose que, dans les sociétés par actions simplifiées, « [d]ans les conditions qu'ils déterminent, les statuts peuvent prévoir qu'un associé peut être tenu de céder ses actions », et le second alinéa de l'article L. 227-19 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019, qui dispose que « [l]es clauses statutaires mentionnées aux articles L. 227-14 et L. 227-16 ne peuvent être adoptées ou modifiées que par une décision prise collectivement par les associés dans les conditions et formes prévues par les statuts ».
9. Ces dispositions sont applicables au litige, la décision d'exclusion de M. [N] ayant été prise en application d'une clause d'exclusion stipulée dans les statuts de la société LT capital, laquelle a été adoptée sur le fondement de l'article L. 227-16 du code de commerce et modifiée à la majorité prévue par les statuts, ainsi que le permet désormais l'article L. 227-19 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019. En effet, ces dernières dispositions, qui suppriment l'exigence d'unanimité pour l'adoption ou la modification d'une clause statutaire d'exclusion dans les sociétés par actions simplifiées, ont pour objet et pour effet de régir les effets légaux du contrat de société. Elles sont, par suite, applicables aux sociétés par actions simplifiées créées antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019.
10. Les articles L. 227-16 et L. 227-19 du code de commerce n'ont pas déjà été déclarés conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
11. Les questions posées présentent un caractère sérieux en ce que, d'une part, l'article L. 227-16, alinéa 1er, du code de commerce a pour conséquence de permettre à une société par actions simplifiée de priver, en exécution d'une clause statutaire d'exclusion, un associé de la propriété de ses droits sociaux sans que cette privation repose sur une cause d'utilité publique, et en ce que, d'autre part, il résulte de la combinaison de ce texte avec l'article L. 227-19, alinéa 2, de ce code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019, qu'une société par actions simplifiée peut désormais, par une décision non prise à l'unanimité de ses membres, priver un associé de la propriété de ses droits sociaux sans qu'il ait consenti par avance à sa possible exclusion dans de telles conditions, de sorte que ces dispositions seraient de nature à porter atteinte au droit de propriété et à ses conditions d'exercice, garantis par les articles 17 et 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ».

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Avis de l’AUREP : la question de la validité de telles clauses au regard du droit de propriété agite la doctrine depuis longtemps. Une décision du Conseil constitutionnel permettra de trancher définitivement le débat.