L’usufruitier a seul la qualité de bailleur, de sorte qu’il est le seul à pouvoir délivrer un congé pour reprise du logement loué (Cass. 3ème civ., 26 janv. 2022, n° 20-20.223) :
Le 31 août 2013, un nu-propriétaire d'un logement, dont son père, donateur, s'était réservé l'usufruit, avait donné le logement en location par bail meublé relevant de la loi du 6 juillet 1989. Le 20 mai 2016, le nu-propriétaire a délivré à la locataire un congé pour reprise au profit de sa belle-fille, à effet du 31 août 2016, puis l'a assignée en validité de ce congé.
La Cour d’appel ayant donné raison au nu-propriétaire, la locataire s’est pourvue en cassation.
Sur la qualité reconnue au nu-propriétaire à agir et à donner congé :
La Cour d’appel avait reconnu au nu-propriétaire la possibilité d’agir en justice et d’avoir délivrer le congé pour reprise.
Sur ce point, la Cour de cassation casse l’arrêt dans les termes suivants :
« Vu l'article 595 du code civil et les articles 122, 329 et 330 du code de procédure civile :
5. Il résulte des deux premiers textes, que seul l'usufruitier, en vertu de son droit de jouissance sur le bien dont la propriété est démembrée, peut, en sa qualité de bailleur, agir en validité du congé pour reprise, et que le défaut de qualité à agir constitue une fin de non recevoir.
6. Selon les deux derniers textes, l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme, elle est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie.
7. Pour déclarer recevable l'action du nu-propriétaire, après avoir donné acte de son intervention à l'usufruitier, l'arrêt retient que ce dernier est intervenu volontairement à la procédure pour soutenir l'action.
8. En statuant ainsi, alors que seule l'intervention de l'usufruitier à titre principal pour se substituer au nu-propriétaire et élever des prétentions pour son propre compte, était de nature à permettre d'écarter la fin de non-recevoir opposée par la locataire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».
Sur l’impossibilité d’exercer une reprise au profit de la belle-fille du nu-propriétaire :
La Cour d’appel avait également reconnu la possibilité pour le nu-propriétaire d’exercer la reprise du logement au profit de sa belle-fille.

Ici aussi, la Cour de cassation casse l’arrêt dans les termes suivants :
« Vu les articles 595, alinéa 1, du code civil et 25-8, alinéa 3, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 :
10. Il résulte du premier de ces textes que seul l'usufruitier, ayant qualité de bailleur en vertu de son droit de jouissance sur le bien dont la propriété est démembrée, peut délivrer un congé et agir en validité du congé pour reprise.
11. Selon le second de ces textes, à peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de cette reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire.
12. Par l'effet combiné de ces dispositions, les conditions de la validité du congé pour reprise ne peuvent être appréciées qu'au regard du lien existant entre le bénéficiaire de la reprise et l'usufruitier.
13. Pour valider le congé, pour reprise, notifié par le nu-propriétaire, l'arrêt retient que ce congé respecte les dispositions légales, dès lors qu'il précise que le bénéficiaire de la reprise est sa belle-fille et que ce lien avec celle-ci est établi par la production d'un certificat de vie commune depuis plus d'une année à la date de délivrance du congé avec la mère de la bénéficiaire dont le livret de famille est produit.
14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».
Avis de l’AUREP : cette décision est fondée. L’usufruitier a seul la qualité de bailleur, de sorte que le bail conclu par le nu-propriétaire ne lui permet pas de délivrer un congé.