Séparation de biens & imposition séparée : une question de faits !

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Intéressons-nous aujourd’hui à un principe fondamental en matière d’impôt sur le revenu : celui du principe d’imposition commune des personnes mariées, leur régime matrimonial étant au regard de cette règle sans incidence. (CGI, art. 6)

Levi Meir Clancy Pour Unsplash+

Toutefois, le même article, prévoit plusieurs exceptions à cette imposition commune. Précisément, dans les cas exposés ci-après les époux feront l’objet d’une imposition séparée :

Lorsqu’en cas d’abandon du domicile conjugal par l’un ou l’autre des époux, chacun dispose de revenus distincts.

Lorsqu’ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit ;

Lorsqu’étant en instance de séparation de corps ou de divorce, ils ont été autorisés à avoir des résidences séparées ;

Dans l’affaire qui nous intéresse, l’administration fiscale avait, lors d’une procédure contradictoire, remis en cause l’imposition commune de deux époux mariés sous le régime de la séparation de biens. Précisément, elle avait pu estimer que ces derniers ne vivaient plus sous le même toit au 31 décembre 2017. En conséquence, elle entendait imposer séparément chacun des époux, en appliquant le barème progressif sur un quotient familial d’une part contre deux auparavant. Une cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu en découlant avait alors été mise en recouvrement pour un montant total de 51 829 €.

Refusant le redressement, un époux assigna l’administration en décharge des impositions complémentaires. Le tribunal de première instance rejetant sa demande, le requérant releva appel du jugement.

Il appartenait à la Cour administrative d’appel de Nancy (CAA Nancy, 25sept. 2025, n°23NC02073) de statuer sur le litige qui s’articula autour de deux axes.

D’abord, s’agissant du titulaire de la charge de la preuve, les juges du fond ont pu relever qu’il incombait à l’administration d’apporter la preuve du bien-fondé de l’imposition séparée des époux.

S’agissant de la remise en cause de l’imposition commune, les juges ont, au regard des éléments de fait versés aux débats, fait droit à la demande de l’époux. D’abord, la Cour souligna qu’il convenait, au visa de l’article 196 bis du CGI, d’apprécier au 31 décembre de l’année litigieuse la condition tenant à l’existence d’une résidence séparée des époux.

Ensuite, l’administration se prévalait d’un bail signé par l’épouse le 27 novembre 2017 pour une maison d’habitation signé à compter du 4 décembre de la même année. En outre, elle arguait de l’existence de factures de gaz et d’eau faisant état d’une consommation à partir de début décembre et d’une attestation d’un témoin indiquant avoir aidé à déménager cette dernière fin novembre.

A l’inverse, l’époux requérant revendiquait le fait qu’aucune consommation d’électricité n’avait été facturée en décembre 2017, le contrat d’abonnement ayant été ouvert le 5 janvier 2018. De même, il se prévalait d’une attestation d’un proche indiquant avoir aperçu son épouse au domicile conjugal le 1er janvier 2018.

Au regard de ces éléments, la Cour d’appel jugea que l’administration n’apportait pas la preuve d’une résidence séparée des époux au 31 décembre. Pour cause, l’absence de consommation d’électricité et l’attestation fournie par l’administration ne permettaient pas d’établir l’occupation effective par l’épouse du bien loué.

Avis de l’AUREP : L’imposition séparée des époux requiert la réunion de deux conditions : d’abord, le fait qu’ils soient mariés sous le régime de la séparation de biens (le cas ici) ensuite, une vie séparée, ce qui faisait défaut ici faute de preuve. Il convient d’avoir à l’esprit que la question d’une résidence séparée ou commune des époux séparés de biens est une question purement factuelle. En illustre les nombreuses décisions rendues par le Conseil d’Etat à cet égard et reprise dans la doctrine administrative (BOI-IR-CHAMP-20-20-10). A la différence de la jurisprudence précitée, il convient de noter que le présent arrêt portant sur des faits postérieurs à 2011, apprécie la condition à la seule date du 31 décembre de l’année. Notons que l’article 196 bis du CGI avait été modifié par la loi de finances pour 2011 en ce sens.


Droit fiscal
Communication AUREP

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