Absence de paiement des fermages et libéralité rapportable : encore et toujours une question d’intention libérale !

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Dans cette affaire, les faits étaient relativement classiques. Des parents avaient consenti à l’un de leurs fils un bail à ferme portant sur leurs parcelles. Les faits révèlent que ce dernier n’avait pas assumé le paiement des fermages pour une période allant de 1985 à 2012. Au décès des parents intervenus à quelques jours d‘intervalle en 2012, des difficultés sont apparues entre les enfants lors du règlement de leurs successions. 

Les cohéritiers du preneur à bail demandèrent à ce dernier de rapporter à la succession les fermages non payés. Faute pour les parents de poursuivre le paiement des fermages, ils estimaient que cette mise à disposition gratuite était constitutive d’une libéralité rapportable à la succession de ces derniers.

La demande des requérants fut confortée par les juges d‘appel (CA Dijon, 6 avr. 2023, n°22/00520) qui estimèrent que « l’exploitation gratuite d’un bien par un cohéritier constitue un avantage qui doit être retenu comme une libéralité et le défaut de règlement des fermages dus ayant nécessairement appauvri les défunts au profit de leur fils, le montant des fermages impayés entre 1985 et 2012 constitue une donation rapportable par M. [E] [L] aux successions de ses parents ».

Logiquement, ce raisonnement fut rejeté par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation pour défaut de base légale (Cass. 1ère civ., 1er oct. 2025, n° 23-19.652). Si l’élément matériel, tiré de l’appauvrissement des parents bailleurs était avéré, encore fallait-il démontrer l’intention libérale de ces derniers à l’égard de leur fils pour qualifier l’opération de donation rapportable.

Avis de l’AUREP : Cet arrêt s’ajoute à la longue et intarissable saga de la caractérisation de l’existence d’une libéralité rapportable. Nous rappellerons une nouvelle fois qu’une libérale suppose la réunion de deux conditions :

  • Un élément matériel : l’appauvrissement du disposant et l’enrichissement corrélatif du donataire ;
  • Un élément intentionnel : l’intention libérale du disposant de gratifier.

En pratique, s’il est évident que l’appauvrissement, en raison de son caractère le plus souvent pécuniaire, se justifie aisément, il en va tout autrement de la caractérisation de l’intention libérale, laquelle ne se présume pas.

Droit civil
Communication AUREP

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