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Les opérations de capital non motivée par des pertes se sont multipliées ces dernières années. Bien souvent, c’est la voie du rachat des titres suivis de leur annulation qui est privilégiée. Pour autant, ces opérations présentent une certaine fragilité sur le plan fiscal en raison des nombreuses rectifications opérées par l’Administration. En illustrent les nombreux avis rendus chaque année par le Comité d’abus de droit fiscal en la matière.
Pour cause, l’Administration tente, tant bien que mal, de remettre en cause le recours au dispositif. Elle argue du fait qu’il viserait essentiellement à contourner l’imposition frappant les distributions de dividendes pour se placer sous le régime plus favorable des plus-values de cession.
C’est dans cette veine que s’inscrit une décision du 15 octobre 2025 du Conseil d’Etat. En l’espèce, il était question d’une SARL qui avait procédé à la réduction de son capital par voie de rachat de titres suivie de leur annulation. La valeur totale de rachat fût imputée en partie sur le capital social et principalement sur les comptes de réserves distribuables de la société. Les associés sortants allotis avaient alors placé sous le régime des plus-values les sommes correspondantes en vertu du 6° de l’article 112 du CGI.
L’Administration fiscale, sans recourir visiblement à la procédure de l’abus de droit fiscal, avait préféré requalifier les sommes réparties pour en déduire le régime fiscal applicable. Faute de répartition antérieure des réserves, celles-ci devaient, selon elle, être regardées comme des revenus distribués imposables selon le 1° de l’article 112 du CGI. En clair, les sommes avaient été assujetties au prélèvement forfaitaire non libératoire de l’époque fixé à 21 %.
La Cour administrative de Bordeaux (CAA Bordeaux, 16 avr. 2024, n°22BX01822), donnant raison à l’Administration, avait estimé de manière surprenante, que les sommes réparties présentaient la nature de revenus distribués relevant du régime fiscal prévu au 1° de l’article 112 du CGI.
La Cour estimait que cette réduction de capital n’était pas motivée par des pertes et s’était traduite par une répartition au profit des associés, sans répartition préalable des réserves autres que la réserve légale. Si les contribuables se prévalaient des dispositions du 6° de l’article 112 du CGI (régime des plus-values de cession), les juges d’appel avaient cantonné le rattachement des faits à l’application exclusive du premier alinéa de l’article taisant toute éligibilité éventuelle aux dispositions du 6°.
Saisi sur pourvoi des contribuables, il appartenait au Conseil d’Etat de statuer sur le litige (CE, 15 oct. 2025, n°495120). La Haute juridiction annule l’arrêt d’appel en se fondant sur une lecture stricte de l’article 112 du CGI :
Le motif du rachat et la circonstance que ce rachat serait financé sur les bénéfices et réserves autres que la réserve légale apparaissent sans incidence.
En l’espèce, le régime des plus-values de cession prévu par le 6° de l’article précité était applicable à l’opération de rachat des titres suivie de leur annulation.
Avis de l’AUREP : Nous ne pouvons que nous réjouir de la position suivie par le Conseil d’Etat qui met fin à la confusion entretenue par l’arrêt d’appel. La clarification du régime fiscal applicable à l’opération de réduction de capital non motivée par des pertes consistant en l’annulation des titres suivis de leur annulation apparaît bienvenue. Nous avions d’ailleurs dès 2024 exprimé nos réserves à l’égard de la solution retenue par la Cour administrative d’appel[1].
[1] T. Gimenez, Eclairage AUREP n°513, « Réduction de capital non motivée par des pertes : étude d’une opération épineuse sur le plan fiscal », 28 juin 2024