Par un avis du 21 mai 2025 (pourvoi A 23-19.780, avis n° 9001 FS-D), la première chambre civile de la Cour de cassation vient, avec l’autorité que confère un tel exercice procédural, lever une ambiguïté d’importance : le prélèvement préciputaire effectué par le conjoint survivant, en application de l’article 1515 du Code civil, ne constitue pas une opération de partage.

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Il faut rappeler que dans sa décision du 16 octobre 2024, la chambre commerciale de la Cour de cassation, saisie d’un pourvoi relatif à l’assujettissement au droit de partage d’un prélèvement préciputaire effectué par un conjoint survivant, avait décidé de transmettre pour avis à la première chambre civile la question ainsi formulée : « Le prélèvement préciputaire effectué par le conjoint survivant en application de l’article 1515 du code civil constitue-t-il une opération de partage ? »
La réponse de la 1ère chambre civile est nette, et vient clore un débat d’importance entre praticiens et administration fiscale.
Jusqu’alors, ce prélèvement pouvait être perçu comme une pleine modalité de partage, dans la mesure où il aurait porté sur un actif indivis post-communautaire. Les discussions étaient riches et les arguments en balance. La qualification est scellée et la Cour indique de manière salutaire pour le bénéficiaire « contribuable », que le préciput est un droit personnel, s’exerçant unilatéralement, et qu’il n’appelle ni concours de volontés ni répartition d’un actif.
Il ne relève donc ni du champ du partage au sens juridique, lequel suppose consensus des coindivisaires et allotissement, ni fiscal du terme au prisme d’un caractère déclaratif du prélèvement.
Cette clarification emporte ainsi une conséquence fiscale directe : le droit de partage de 2,5 % ne trouve pas à s’appliquer. L’enjeu n’était d’ailleurs pas mince dans le contentieux soumis à la Cour.
Le conjoint survivant n’opère pas un partage par l’exercice de son option de préciput, mais « juste » si nous pouvons l’exprimer ainsi, un droit de la convention matrimoniale. Pas d’indivision, pas d’allotissement, pas de partage… pas de droit de partage.
Le préciput peut avoir des assiettes diverses, à l’images de la variété des biens communs, comme les meubles meublant, un actif immobilier, ou encore la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie souscrits par un époux commun en biens et non dénoué au décès du prémourant.
Cette stratégie a connu un essor important dans les stratégies notariales pour contrecarrer ici encore l’administration fiscale nourrie d’ambition de taxation sur les bases la réponse ministérielle Bacquet (RM Bacquet, n° 26231, JO AN du 29 juin 2010, p. 7283). Bien que cette dernière fut rapportée depuis par la réponse Ciot (RM Ciot n°78192, JO AN du 23 février 2016 p.1648 ; BOI-ENR-DMTG-10-10-20-20, § 380, 01/07/2016), la pratique notariale est assurée aujourd’hui tant au civil qu’au fiscal.
Pour les praticiens, la clause de préciput s’avère un outil renforcé par une sécurité retrouvée, et une ligne claire à intégrer dans les stratégies matrimoniales.
AVIS DE L’AUREP :
Le préciput n’est pas une opération de partage ! L’avis est clair et net. Sa portée est significative pour la pratique notariale et la gestion de patrimoine. L’exercice du préciput n’est ainsi pas taxable au droit de partage. La pratique consistant à insérer dans le contrat de mariage (ou dans un aménagement postérieur du régime) une clause de préciput portant sur la valeur de rachat du contrat d’assurance-vie non dénoué, souscrit par un époux commun en biens avec des deniers communs, se trouve confortée.