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La location meublée connait différents particularismes juridiques et fiscaux. Activité civile au regard du droit privé, commerciale au regard du droit fiscal (entrainant notamment des conséquences juridiques sur la destination des biens), celle-ci peut être exercée à titre professionnelle ou non, à courte durée ou non et engendrer ainsi des modalités d’imposition (forfaitaires ou non) différentes.
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A cela s’ajoute, les questions liées aux biens eux-mêmes (classement, localisation géographique) et le fait que l’appréciation du statut fiscal du contribuable s’effectue par exercice fiscal. Le concerné doit ainsi vérifier potentiellement à chaque déclaration sa condition et intégrer enfin dans ses calculs les évolutions législatives systématiques ces dernières années.
A l’heure où l’activité se veut particulièrement rependue et pratiquée par nombre de propriétaires souvent non-initiés à la fiscalité, ce statut polymorphe a les défauts de la complexité mais laisse cependant place à certaines opportunités.
Parmi celles-ci figure l’étonnante possibilité de jouir d’un double statut fiscal : celui de loueur meublé non professionnel (LMNP) au regard de l’impôt sur le revenu (IR) et de loueur meublé professionnel (LMP) au regard de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).
La singularité des impositions à l’origine du double statut
La Constitution dispose pour rappel en son article 34 : «La loi fixe les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature ».
Chaque imposition répondant à un objectif fiscal et économique déterminé, touchant une assiette et des redevables spécifiques et faisant face à des contraintes contextuelles particulières, fait ainsi l’objet de fondements et de règles légales qui lui sont propres.
En conséquence, bien que figurant au sein du même avis d’imposition, l’impôt sur le revenu et l’impôt sur la fortune immobilière donnent lieu pour chacun à une déclaration spécifique (2042 pour l’un et 2042-IFI pour l’autre) et à des règles légales autonomes.
A titre d’illustration, la notion même de « foyer fiscal » diffère. L’impôt sur le revenu ne reconnait pas en effet les concubins notoires comme un foyer unique faisant l’objet d’une imposition commune (article 6 du code général des impôts (CGI) alors que l’impôt sur la fortune immobilière les considère comme un ensemble indivisible imposé communément (article 964 du CGI).
De façon similaire le statut de loueur meublé fait l’objet d’une définition propre à chacune de ces impositions.
La notion de loueur meublé professionnel au cœur du double statut
Le conseil avisé sait que le statut de loueur meublé non professionnel est une catégorie résiduelle. Ainsi tout contribuable ne répondant pas aux critères légaux permettant la qualification de loueur meublé professionnel est en conséquence : non professionnel.
Le code général des impôts en son article 155 IV pose ainsi deux critères permettant la qualification de loueur meublé professionnel au titre de l’impôt sur le revenu :
« L’activité de location directe ou indirecte de locaux d’habitation meublés ou destinés à être loués meublés est exercée à titre professionnel lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
2° Les recettes annuelles retirées de cette activité par l’ensemble des membres du foyer fiscal excèdent 23 000 € ;
3° Ces recettes excèdent les revenus du foyer fiscal soumis à l’impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires au sens de l’article 79 [soit les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions, rentes viagères, prestations de retraite servies sous forme de capital] des bénéfices industriels et commerciaux autres que ceux tirés de l’activité de location meublée, des bénéfices agricoles, des bénéfices non commerciaux et des revenus des gérants et associés mentionnés à l’article 62. »
A titre comparatif, en matière d’impôt sur la fortune immobilière la reconnaissance de la qualité de loueur en meublé professionnel est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives exposées à l’article 975, V, 1°, du code général des impôtsqui dispose :
« est considérée comme une activité commerciale […] 1° L’exercice d’une activité de location de locaux d’habitation loués meublés ou destinés à être loués meublés, par une personne mentionnée au 1° de l’article 965 ou par une société ou organisme, sous réserve, s’agissant des personnes mentionnées au même 1°, qu’elles réalisent plus de 23 000 € de recettes annuelles et retirent de cette activité plus de 50 % des revenus à raison desquels le foyer fiscal auquel elles appartiennent est soumis à l’impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l’article 62 ».
Si le premier critère est en tout point identique dans les deux cas, un œil attentif aura trouvé à ce « jeu des erreurs » l’absence de mention des pensions, rentes viagères et prestations de retraite servies sous forme de capital parmi les catégories à intégrer au comparatif concernant l’impôt sur la fortune immobilière.
En conséquence, lorsque le contribuable effectue une activité de loueur meublé et réalise plus de 23 000 € de recettes annuelles il pourra être qualifié de « professionnel » dès lors qu’il bénéficie exclusivement ou principalement de pensions, rentes viagères et/ou prestations de retraite servies sous forme de capital. Les recettes tirées de l’activité de location meublée représenteront en effet plus de 50% de ses revenus d’activité.
Une personne retraitée tirant de la location meublée plus de 23 000 € de recettes brutes annuelles et constatant pourra donc systématiquement être considérée comme loueur meublé professionnel au regard de l’impôt sur la fortune alors que l’intégration dans le comparatif de ses pensions le cantonnera au statut de loueur meublé non professionnel concernant l’impôt sur le revenu.
Le contribuable jouira alors d’un statut de LMNP au titre de l’impôt sur le revenu et de LMP au titre de l’IFI.
La maîtrise des règles juridiques et fiscales comme garantie d’application du double statut
Toute situation éligible à ce « double statut » offrira au concerné les avantages inhérents à la qualité de loueur meublé non professionnel au titre de l’impôt sur le revenu. A savoir notamment :
- la possibilité de déclarer selon le régime réel ses revenus en usant notamment des amortissements comptables et fiscaux ;
- l’absence de cotisations sociales (hormis – cela va de soi – les prélèvements sociaux) ;
- l’application du régime d’imposition des plus-values immobilières des particuliers lors de la revente du bien avec réintégration des amortissements comptables pratiqués mais aussi l’application le cas échéant des abattements pour frais d’acquisition, pour travaux et pour durée de détention.
En outre et au regard cette fois-ci de l’impôt sur la fortune immobilière, le statut de loueur meublé professionnel pourra permettre l’exonération des biens affectés à l’activité locative dès lors qu’un résultat annuel positif est constaté et qu’ils remplissent les conditions posées par l’article 975 du CGI ainsi que la jurisprudence qui en découle. Ceci impliquant notamment l’existence d’une activité effective du contribuable propriétaire.
Méconnue des contribuables retraités ou disposant majoritairement de pensions, rentes viagères et prestations de retraite servies sous forme de capital, cette subtilité touchant les critères de rattachement entraine la production systématique par les concernés d’une déclaration erronée et en conséquence une surimposition répétée au titre de l’impôt sur la fortune immobilière.
Un impact fiscal non négligeable pouvant être corrigé :
- pour les années passées par la production d’une réclamation contentieuse pourvue d’une motivation juridique solide et dans les délais de recourt ;
- pour les années à venir après vérification précise et notamment jurisprudentielle des critères d’éligibilités, la suppression des biens de l’actif imposable entrainant fréquemment et fort logiquement une demande de renseignements ou d’informations de l’administration.