Article publié dans le magazine Gestion de Fortune numéro de novembre 2025 (Chronique de l’AUREP)
Les enfants sont tenus d’une obligation alimentaire envers leurs parents lorsque ces derniers sont dans le besoin. Cette obligation d’ordre public, dictée par l’article 205 du Code civil, joue à l’infini envers les ascendants de l’enfant. Elle se matérialisera le plus souvent sous la forme numéraire à travers le versement d’une pension alimentaire.
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Le jeu de cette obligation suppose d’une part la caractérisation de l’état de besoin du parent et, d’autre part, les facultés contributives de l’enfant. Sur le premier plan, il s’agira de traduire l’état d’impossibilité de l’ascendant de pourvoir à ses besoins au regard de ses ressources. Autrement dit, l’insuffisance des ressources de l’intéressé sera de nature à l’empêcher de subvenir à ses besoins, qu’il conviendra là aussi d’apprécier.
Sur le second plan, il est à noter que l’obligation alimentaire ne jouera dans la proportion de la fortune de l’enfant débiteur (C. civ., art. 208). De même, les aliments ne seront accordés que dans la proportion du besoin de l’ascendant qui les réclame.
Ces principes rappelés, étudions désormais la portée d’une réponse ministérielle récemment publiée en la matière (RM n°6093, JOAN 19 août 2025, p.7269). En l’occurrence, un parlementaire interrogeait le Gouvernement sur la prise en compte, dans la succession du parent créancier, des disparités de contributions à l’obligation alimentaire entre enfants, lorsque ceux-ci financent les frais d’hébergement en EHPAD du parent.
Rappelant le principe de contribution proportionnelle aux revenus, l’élu soulignait l’absence de disposition législative relative à la prise en compte dans la succession de l’ascendant créancier, de l’éventuelle disparité de contributions entre plusieurs descendants. Dans le cas rapporté, l’un des enfants, héritier, avait contribué majoritairement au financement de l’obligation alimentaire à savoir la prise en charge des frais d’hébergement en EHPAD de ses parents. Pour autant, cette sur-contribution financière, eu égard à celle versée par ses frères et sœurs, se traduisait par aucune prise en considération à la succession des ascendants.
Ces derniers n’étaient qui plus est, pas éligibles à l’allocation de solidarité aux personnes âgés. Dès lors, il appartenait aux enfants, en tant qu’obligés alimentaire, de financer les frais d’hébergement en fonction de leurs revenus respectifs sans que ces contributions ne soient récupérables à la succession. Partant de ce constant, le parlementaire interrogeait le Gouvernement sur une éventuelle évolution législative afin de considérer, lors de la liquidation d’une succession, lesdits versements réalisés au titre de l’obligation alimentaire.
Rappelant plusieurs arrêts rendus par la Cour de cassation en la matière, le Gouvernement répondit par la négative. D’abord, au regard d’un arrêt ancien, il est rappelé que l’article 205 du Code civil « ne prévoit aucune hiérarchie entre les débiteurs d’aliments de sorte de sorte que le créancier n’est pas contraint d’agir contre tous les débiteurs d’aliments ou d’agir selon un ordre déterminé » (Cass. 1ère civ., 2 janv. 1929).
Ensuite, le ministre rappelle le caractère personnel de la dette à l’enfant débiteur de l’obligation (Cass. 1ère civ., 25 avr. 2007, n°06-12.614) pour écarter sa récupération lors du règlement de la succession du créancier. En outre, et quand bien même l’obligé renoncerait à la succession de son ascendant créancier, la dette resterait due (Cass. 1ère civ., 31 mars 2021, n°20-14.107).
Il est par ailleurs rappelé que l’enfant débiteur « dispose, contre ses coobligés, d’un recours pour ce qu’il a payé (en argent ou en nature) au-delà de sa part contributive » (Cass. 1ère civ., 16 mars 2016, n°15-14.403). Dès lors, ce dernier peut obtenir de chacun de ses coobligés le remboursement de leur part contributive, ce recours étant recevable même après le décès du créancier.
En synthèse, il convient de retenir que le droit positif :
- Limite l’obligation alimentaire du débiteur à ses facultés respectives et,
- Lui offre un recours contre ses coobligés en cas de sur-contribution dans l’exécution de son obligation.
- Ne prévoit aucune prise en compte successorale des sommes versées au titre de cette obligation pour rétablir une quelconque équité entre héritiers débiteurs.
Aucune réforme n’est ainsi envisagée.