Une société civile avait été constituée en 1973, pour une durée de 50 ans en vue de l’acquisition en l’état futur d’achèvement d’immeubles destinés à être attribués par lots aux associés en jouissance à temps partagé. Les immeubles en question devaient être construits en deux tranches successives dont la seconde n’aura finalement pas lieu.

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Cette forme singulière de société civile est, dans le langage courant, qualifiée de société civile d’attribution. Chaque associé apporte au capital de la société une somme équivalente à la valeur d’un lot qui lui sera ultérieurement attribué, selon l’état descriptif de division. Ces apports permettent ainsi de financer collectivement la construction de l’immeuble, chaque part sociale représentant la valeur du lot correspondant.
L’utilisation fréquente de ces sociétés dans le cadre de « construction collective » jusque dans les années 1970, a quelque peu décliné avec l’apparition du contrat de promotion immobilière. Ce dernier a offert un cadre juridique plus sûr pour les mêmes opérations.
Dans l’affaire commentée, une société A avait acquis des parts de la SCI correspondant pour l’essentiel à des lots non encore construits. Lors d’assemblées générales en 2017, les associés de la SCI ont adopté plusieurs délibérations. La société A revendiquait le fait que la totalité de ses voix n’avait pas été prise en compte lors de ces décisions collectives. Pour cause, la SCI avait retenu la seule proportion de voix attachée aux parts correspondant à des lots construits et attribués en jouissance, déniant ainsi le droit de vote aux parts représentatives de lots non construits.
Contestant cette clé de répartition, la société A assigna la société en annulation des résolutions. S’en suivit un long contentieux. La Cour d’appel de renvoi (CA Lyon, 19 sept. 2023, n° 22/04385) saisie du litige avait suivi le raisonnement de premier arrêt de cassation tendant à considérer l’ensemble des droits de vote de l’associé A et à ne pas limiter sa participation aux seuls lots attribués en jouissance. S’appuyant sur les articles 11 et 15 de la loi n°86-18 du 6 janvier 1986 les juges estimèrent que la répartition des parts et des droits de vote afférents entre les associés, devait aussi intervenir, avant cette entrée en jouissance, et non concomitamment ou postérieurement, comme le soutenait la SCI.
Saisie sur pourvoi de la SCI, il appartenait une nouvelle fois à la 3ème chambre civile de la Cour de cassation de statuer sur l’affaire (Cass. 3ème civ., 9 oct. 2025, n°23-21.403). S’appuyant sur les articles 8, 11 et 15 de la loi précitée, elle rejeta le pourvoi. La Haute juridiction rappela que « les parts ou actions sont réparties entre les associés en fonction des caractéristiques du lot attribué à chacun d’eux, de la durée et de l’époque d’utilisation du local correspondant et valorisées au jour de l’affectation aux lots des groupes de droits sociaux qui leur sont attachés ».
Cette affectation des lots aux associés doit donner lieu à l’établissement d’un tableau annexé à l’état descriptif de division, lequel doit être rédigé :
- avant le début des travaux si l’immeuble est à construire ou,
- avant toute entrée en jouissance des associés si l’immeuble est existant.
Dès lors, le droit de vote de chaque associé s’apprécie proportionnellement au nombre de parts ou actions attachées aux lots dont l’attribution en jouissance est prévue avant le commencement des travaux ou, s’agissant d’un immeuble existant, avant toute entrée en jouissance des associés, et non au regard des seuls lots effectivement attribués en jouissance.
Toutefois, pour les décisions relatives aux charges entraînées par les services collectifs, les éléments d’équipement et le fonctionnement de l’immeuble, le droit de vote d’un associé est proportionnel à sa participation dans ces charges, c’est-à-dire aux lots effectivement attribués en jouissance.
En l’espèce, il convenait de prendre en compte, dans les délibérations non relatives aux charges collectives de l’immeuble, l’ensemble des droits de vote attachées aux parts de la société A, peu importe que ces dernières soient attachées à des lots attribués en jouissance ou non construits. La répartition de droits de vote se détermine dans ce cas de figure ex ante selon l’état descriptif de division, et non en fonction de l’état d’avancement du programme immobilier.