Travaux réalisés par le concubin et montant de l’indemnité fondée sur l’enrichissement « sans cause »

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La querelle ayant donné lieu à la décision commentée est fréquente : un concubin réalise à ses frais des travaux dans le bien immobilier appartenant à sa concubine ; le couple se sépare ; le bricoleur demande le versement d’une indemnité pour les travaux réalisés.

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Quel peut être le fondement de cette indemnité ?

L’arrêt Boudier du 15 juin 1892 a établi la théorie de l’enrichissement sans cause, également dite action de in rem verso, qu’il définit comme « l’action dérivant du principe d’équité qui défend de s’enrichir au détriment d’autrui et n’ayant été réglementée par aucun texte de nos lois, son exercice n’est soumis à aucune condition déterminée ».

Construction prétorienne jusqu’en 2016, elle est consacrée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, et ainsi codifiée à l’article 1303 du Code civil qui dispose :

« En dehors des cas de gestion d’affaires et de paiement de l’indu, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement. »

Ce fondement est fréquemment invoqué lors de la séparation des concubins, lesquels ne peuvent réclamer ni récompense ni créance entre époux et qui bien souvent ne peuvent invoquer l’indemnité du tiers constructeur sur sol d’autrui (théorie de l’accession et indemnité de l’article 555 du Code civil).

C’est donc en l’espèce sur le fondement de l’enrichissement injustifié que le concubin réclamait à son ex-compagne une indemnité et, dans le cadre du contentieux qui les opposaient, l’accent fut mis sur le montant de la somme à régler.

Alors que les juges du fond avaient accordé au concubin une indemnité égale aux dépenses engagées par ce dernier (environ 90.000 euros de factures), l’ex-concubine demandait que soit évaluée la plus-value procurée au bien ainsi amélioré. Aussi, elle se pourvut en cassation. Et la haute juridiction cassa l’arrêt sur ce point (Cass. civ., 1ère, 2 mai 2024, n°22-16.707).

Les juges ne pouvaient en effet se dispenser de faire estimer la plus-value procurée au bien dès lors que la loi dispose que le montant de l’indemnité est « égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement ».

Il fallait donc connaître le montant des dépenses supportées par le concubin mais également celui de la plus-value apportée au bien pour déterminer le montant de l’indemnité.

Si les juges du fond tentent régulièrement de faire l’économie de l’expertise immobilière nécessaire, la Cour de cassation veille à la bonne application de la loi (voir également en ce sens notamment Cass. civ., 1ère, 18 mai 2022, n° 18-12.808, Cass. civ., 1ère, 3 mars 2021, n°19-19.000).

Or, il n’est pas rare que les travaux n’apportent pas une plus-value égale ou supérieure au coût des travaux. Conclusion : un concubin averti en vaut deux !

Droit civil
Natacha Fauchier

Natacha Fauchier

Responsable scientifique et Coresponsable pédagogique du certificat CCP