Testament et recours à un interprète : des précisions

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Commençons par examiner le contexte du présent litige afin d’identifier les contours d’une décision remarquée de la Cour de cassation siégeant en assemblée plénière le 17 janvier 2025.

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Une défunte de nationalité italienne laissait pour lui succéder ses trois filles, son fils et, un petit-fils venant en représentation de sa mère prédécédée. Elle avait de son vivant rédigé un testament reçu, en français, le 17 avril 2002, en présence de deux témoins et avec le concours d’une interprète en langue italienne. Le testament instituait ses trois filles légataires de la quotité disponible. Le petit-fils avait alors assigné ses tantes en nullité du testament.

S’en suivit un long contentieux afférent à la validité du testament. A la suite d’un pourvoi formé par le petit-fils de la défunte contre l’arrêt de la cour d’appel de renvoi validant le testament en tant que testament international, le litige fut porté devant l’assemblée plénière de la Cour de cassation (Cass. ass. plén., 17 janv. 2025, n°23-18.823).

Il convient à ce stade de préciser le cadre juridique existant en la matière. D’abord, la loi uniforme annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973 ainsi que l’article V.1 de celle-ci, encadrent la forme d’un testament international. Selon la Haute juridiction, ces textes peuvent recevoir deux interprétations différentes quant à la possibilité pour le testateur, en matière de testament international, de recourir à un interprète afin de tester dans une langue qu’il ne comprend pas.

A cet égard, les juges reconnaissent la possibilité pour le testateur « d’avoir recours à un interprète dans les conditions requises par la loi en vertu de laquelle la personne habilitée a été désignée. »

Ensuite, il est précisé que ni la Convention précitée, ni la loi uniforme ne fait obligation aux États parties d’introduire dans leur législation des dispositions relatives aux conditions d’intervention d’un interprète. Il convient donc de se pencher sur le droit français afin d’identifier s’il encadre les conditions d’intervention d’un interprète. Ici, il convient de distinguer deux périodes :

  • La première court jusqu’au 17 février 2015 (inclus) par la loi n° 94-337 du 29 avril 1994. Ce texte énonce seulement la liste des personnes habilitée à instrumenter en matière de testament international, sur le territoire de la République française, et, à l’égard des Français à l’étranger sans considération donc l’intervention éventuelle d’un interprète. Faute de mention, il est donc, selon les juges, impossible de recourir à un interprète sur cette période.
  • Le seconde consécutive à la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, loi portant modification de l’article 972, alinéa 4, du Code civil. Ce texte prévoit, sous réserve de son habilitation, la possibilité de recourir à un interprète : « Lorsque le testateur ne peut s’exprimer en langue française, la dictée et la lecture peuvent être accomplies par un interprète que le testateur choisit sur la liste nationale des experts judiciaires dressée par la Cour de cassation ou sur la liste des experts judiciaires dressée par chaque cour d’appel ».

Dans notre espèce, il était donc question de savoir, si le testament, rédigé antérieurement à la loi de 2015 dans une langue incomprise de la testatrice mais à l’aide d’un interprète, était valable.

La Haute juridiction répondit par la négative car, « à la date du testament litigieux, aucune disposition légale ne permettait, tant en matière de testament international qu’en matière de testament authentique, de recourir à un interprète pour assister un testateur ne comprenant pas la langue du testament ». En conséquence, le testament en ne respectant pas les conditions de forme de l’époque ne pouvait être valable.

Avis de l’AUREP : En pratique, il conviendra donc d’être vigilant, pour les testaments établis à l’aide d’un interprète en France :

  • d’abord, à la date de rédaction du testament qui conditionnera sa validité selon qu’il ait été rédigé avant ou à compter du 18 février 2015 ;
  • ensuite, à ce que l’interprète choisit soit inscrit sur une des listes des personnes habilitées par la loi.

En résumé, seul un testament authentique recueilli avec le concours d’un tel expert, rédigé à compter du 18 février 2015, pourrait, par équivalence des conditions, être déclaré valide en tant que testament international.

Droit civil
Communication AUREP

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