Prêt libellé en devises étrangères et action en responsabilité

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Dans cette affaire (Cass. 1ère Civ., 28 juin 2023, n° 21-24.720), des clients français avaient souscrit auprès de leur banque deux prêts immobiliers libellés en francs suisses et remboursables in fine en euros.

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Les clients se voyant supporter un surcoût en raison du risque de change EURO/CHF assignèrent leur banque en responsabilité et en vue de constater le caractère abusif de certains clauses des prêts.

Les requérants déboutés en appel au motif de la prescription de leur action sur le terrain du manquement à son devoir d’information de la banque, se pourvurent en cassation. Les juges d’appel avaient effet, retenu comme point de départ de la prescription le jour de la signature des contrats de prêts au motif que « les offres de prêt faisaient apparaître de manière nette et sans ambiguïté que le montant emprunté était libellé en francs suisses », les emprunteurs ne pouvant ignorer le risque de change à cette époque.

La Haute juridiction s’appuyant sur une lecture combinée des articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce cassa l’arrêt d’appel. La Cour rappela que si le délai de prescription de l’action en responsabilité des emprunteurs à l’encontre du prêteur au titre d’un manquement à son devoir d’information était de cinq ans, il convenait de se placer à « la date de leur connaissance effective des effets négatifs de la variation du taux de change sur leurs obligations financières » pour caractériser le point de départ de ladite prescription. En l’occurrence, les emprunteurs ne pouvaient avoir connaissance du dommage à l’époque de la conclusion des prêts.

« Réponse de la Cour

Vu les articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce :

5. Il résulte de ces textes que l’action en responsabilité de l’emprunteur à l’encontre du prêteur au titre d’un manquement à son devoir d’information portant sur le fonctionnement concret de clauses d’un prêt libellé en devise étrangère et remboursable en euros et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l’emprunteur se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle celui-ci a eu connaissance effective de l’existence et des conséquences éventuelles d’un tel manquement.

[…]

7. En statuant ainsi, alors que les emprunteurs n’avaient pu connaître l’existence du dommage résultant d’un tel manquement à la date de la conclusion des prêts, la cour d’appel, à qui il incombait de caractériser la date de leur connaissance effective des effets négatifs de la variation du taux de change sur leurs obligations financières, a violé les textes susvisés. »

Avis de l’AUREP

Cet arrêt apparait en parfaite harmonie avec les textes. La solution retenue permet aussi bien de rappeler l’importance du devoir d’information de la banque sur le fonctionnement concret d’un prêt libellé en devises étrangères, que de protéger l’emprunteur, bien souvent néophyte, subissant un dommage résultant d’un manquement à cette obligation.

Droit civil Obligations Professionnelles
Thomas Gimenez

Thomas Gimenez

Chargé de recherche