Paiement différé des droits de succession : l’option pour la dispense de paiement des intérêts est irrévocable !

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Dans cette affaire (Cass. com., 13 mars 2024, n°22-16.190), un défunt laissait pour lui succéder son épouse et ses deux enfants. La première opta pour l’usufruit des biens et droits mobiliers et immobiliers composant la succession, les enfants recueillant la nue-propriété.

En raison de cette dévolution, ces derniers adjoignirent au dépôt de la déclaration de succession une demande de paiement différé des droits de succession au décès du conjoint survivant (CGI, ann. III, art. 404 B). Nous rappellerons à ce stade que le paiement peut être différé au maximum à l’expiration d’un délai de 6 mois à compter de l’extinction de l’usufruit.

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A défaut de mention dans les textes, la doctrine administrative (BOI-ENR-DG-50-20-30, §150) précise au regard de deux réponses ministérielles reprises, que l’option pour le régime de la dispense de paiement d’intérêts est irrévocable quand bien même la cession des biens interviendrait peu de temps après l’option (RM Mesmin n°39432, JO AN 29 juil. 1991, p. 3005 et RM Hellier n°35786, JO AN 2 sept. 1996, p. 4705).

En l’espèce, les consorts nus-propriétaires avaient indiqué opter pour la dispense de paiement des intérêts au tire du paiement différé.

Quelques mois après l’enregistrement de leur demande, les nus-propriétaires demandèrent à l’Administration la rectification de leur demande initiale, invoquant une erreur matérielle à l’origine de cette option insérée dans la première demande. Ils souhaitaient dès lors opter pour le paiement différé des droits calculé sur la valeur de la nue-propriété des biens sans dispense de paiement des intérêts.

L’Administration rejeta leur demande au motif que « l’option prise lors du dépôt de la demande de paiement différé des droits de succession était irrévocable. »

Saisie du litige, la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 14 mars 2022, n°20/07717), donna raison à l’Administration et rejeta la demande des nus-propriétaires. Selon les juges du fond, aucune disposition législative ou réglementaire n’offre la possibilité aux contribuables de changer l’option qu’ils ont choisie. Par ailleurs, ils précisent que « le choix du paiement différé des droits sans paiement d’intérêts, caractérise l’expression d’un choix précis. » Ils ajoutent au regard de la doctrine administrative établie à ce sujet, que l’option est irrévocable « et fait perdre aux successibles la possibilité de se placer sous le régime du paiement différé avec intérêt. »

C’est en vain que les consorts se pourvurent en cassation, la Haute juridiction rejetant le pourvoi au terme d’une casuistique conforme à celle des juges d’appel. Pour reprendre en partie les moyens invoqués par les requérants, ils arguaient le fait que « l’administration fiscale ne peut opposer aux contribuables sa propre doctrine, laquelle n’est susceptible de s’appliquer qu’au profit des contribuables et non à leur détriment. » En outre, ils s’appuyaient, pour faire valoir la validité de leur demande de révocation de l’option, sur une absence de mention expresse de cette irrévocabilité aussi bien dans les dispositions légales que réglementaires.

Les juges du droit rejetèrent l’argumentaire, selon eux l’option offerte au contribuable qui ne constitue pas un avantage fiscal « mais une option pour le paiement d’une imposition, implique un choix irrévocable du contribuable. »

Avis de l’AUREP

En définitive, la Cour de cassation vient entériner la doctrine administrative ce qui apparait relativement logique, la formulation de l’option étant bien souvent concomitante au dépôt de la déclaration de succession. Cet arrêt se révèle par ailleurs pédagogique sur la nécessité d’accompagner et d’éclairer les héritiers sur les conséquences ici fiscales de leurs actes et ce, particulièrement lorsqu’elles sont irréversibles.

Droit fiscal
Thomas Gimenez

Thomas Gimenez

Chargé de recherche