L’ORGANISATION D’UNE SORTIE CONJOINTE

Eclairage du 12 décembre 2019 - N°

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Lorsque l’entreprise est véhiculée sous la forme d’une société, l’éventualité d’une transmission à titre onéreux des parts ou actions peut opportunément être anticipée grâce au recours à certaines clauses statutaires, ou encore extra-statutaires.

LES VOIES DE SORTIE

A – Cession ou retrait ?

Traditionnellement, la sortie d’un associé à titre onéreux est regardée comme synonyme de vente des parts ou actions détenues. La pratique aime désigner l’opération comme une « cession de droits sociaux », comme s’il était évident que toute cession intervenait à titre onéreux, ou encore que toute cession à titre onéreux s’analysait en une vente. La terminologie mérite d’être précisée.

Si la vente constitue un mode usuel de cession à titre onéreux des droits sociaux, il existe au moins une autre voie commune permettant d’organiser la sortie à titre onéreux de l’associé : le retrait de l’associé.

Quelles différences entre le retrait et la vente ?

Tandis que la vente nécessite que le sortant recherche et trouve un acquéreur pour ses droits sociaux, le retrait n’implique pas de procéder à une telle recherche : c’est la société qui devra soit acquérir les droits du sortant (identifié alors comme « retrayant »), soit les faire acquérir.

Le retrait peut être utilisé comme voie exclusive de la sortie, mais également en complément d’une vente des parts ou actions détenues par le sortant. Une telle mixité permet de faciliter le financement de la sortie d’un associé, en mobilisant à la fois les capacités financières de la société (pour la partie correspondant au retrait) et celles du cessionnaire (pour la partie correspondant à la vente de droits sociaux).

EXEMPLE :

Marie et Joseph sont associés au sein d’une SARL exploitant une activité de menuiserie.

Chacun des deux associés est propriétaire de 50 % des parts. Marie souhaite, avec l’accord de Joseph, quitter la SARL. L’objectif est que Joseph devienne associé unique de la SARL.

  • ❶ Première voie possible : vente seule : Marie vend ses parts à Joseph, qui paye le prix.
  • ❷ Deuxième voie possible : retrait seul : Marie se retire de la SARL, qui indemnise Marie de la valeur de ses parts, avant d’annuler les parts qui étaient celles de Marie (opération entraînant une réduction du capital social par annulation de la valeur nominale des parts concernées).
  • ❸ Troisième voie possible : opération mixte de vente et retrait : Marie se retire de la SARL pour la moitié de ses parts (soit 25 % des parts de la SARL). La SARL l’indemnise de la valeur des parts concernées et procède à leur annulation. Marie vend ses autres parts à Joseph, qui en paye le prix.

B – Comment ouvrir la possibilité de retrait ?

Pour certaines formes sociales, le législateur est expressément intervenu afin de réguler le retrait.

Tel est le cas dans les sociétés civiles notamment (c. civ. art. 1869).

Dans d’autres sociétés, le retrait n’est pas envisagé, ou l’est indirectement. Dans les SARL, pour illustration, l’article L. 223-34 du code de commerce envisage la réduction du capital non motivée par des pertes, dans le cadre de laquelle l’assemblée des associés « peut autoriser le gérant à acheter un nombre déterminé de parts sociales pour les annuler ».

Qu’il s’agisse de déroger à un texte supplétif, ou encore d’introduire le retrait dans un contexte où il était peu évident, le rédacteur des statuts pourra opportunément consacrer certaines stipulations au retrait, en veillant à statuer sur :

  • — la nécessité pour le retrayant d’obtenir une décision collective préalable des associés ;
  • — en présence de la nécessité d’obtenir une décision collective préalable, les conditions de majorité requises ;
  • — la nécessité pour le retrayant de respecter un délai de préavis minimum, et/ou une période de blocage ;
  • — les modalités d’indemnisation du retrayant.

LA PRISE EN COMPTE DE L’AGRÉMENT

La vente des parts ou actions d’une société peut impliquer que ladite vente doive subir le filtre de l’agrément par les associés. En l’absence de stipulations particulières, l’agrément est davantage présent dans les sociétés de personnes (sociétés civiles, SNC) que dans les sociétés de capitaux (sociétés par actions).

Le rédacteur soucieux d’anticiper la sortie à titre onéreux d’un associé aura à coeur de prendre en compte la logique d’agrément, pour la confirmer, la développer, ou au contraire la restreindre – en fonction des souhaits exprimés par les associés lors de leur union contractuelle.

Par exemple, en SARL, les parts sociales ne peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société (la cession entre associés étant libre, conformément aux dispositions de l’article L.223-16 du code de commerce) qu’avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, à moins que les statuts prévoient une majorité plus

forte (c. com. art. L. 223-14, al.1).

L’anticipation d’une sortie à titre onéreux d’un associé suppose de prendre conscience de ce principe. Le rédacteur des statuts évitera de suggérer une majorité plus forte si une sortie souple est souhaitée. À l’opposé, il privilégiera une majorité renforcée si une régulation stricte de la sortie est proje

ATTENTION :

Afin de bien cerner la portée des adaptations qui pourraient être apportées aux principes textuels, nous pensons qu’il est utile de garder en tête le fait qu’à défaut de dispositions excluant le cédant de la participation au vote relatif à l’agrément, le cédant peut exercer son droit de vote (prérogative née des dispositions de l’article 1844 du Code civil)… même lorsque cela est susceptible de conduire à une forme d’auto-agrément (situation rencontrée lorsque le cédant maîtrise suffisamment de droits de vote pour emporter l’agrément sans accord des autres associés).

L’INDEMNISATION DU RETRAYANT

A – Le montant de l’indemnité

Lorsque la voie de sortie utilisée consiste en un retrait de l’associé, le retrayant peut prétendre à être indemnisé de la valeur de ses droits sociaux ; qu’il s’agisse de parts ou d’actions.

À l’appui de cette observation, il faut remarquer que les textes envisageant expressément le retrait, envisagent tout aussi expressément l’indemnisation du retrayant.

Pour exemple en société civile, le second alinéa de l’article 1869 du code civil dispose : « À moins qu’il ne soit fait application de l’article 1844-9 (3e alinéa), l’associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux, fixée, à défaut d’accord amiable, conformément à l’article 1843-4 ».

La nécessité d’indemniser le retrayant laisse pendante la question du montant de l’indemnité.

Les textes existant en matière de retrait n’imposent pas de méthode de valorisation des droits du retrayant, ce qui apparaît cohérent avec le défaut d’existence d’une quelconque méthodologie impérative de valorisation des droits sociaux en cas de vente.

B – L’absence d’accord entre le retrayant et la société

Si aucun accord n’existe entre le retrayant et la société, il sera fait application des dispositions de l’article 1843-4 du code civil, comme le prévoient les textes traitant de la question du retrait dans certaines sociétés (voir, à nouveau, le second alinéa de l’article 1869 du code civil) (voir § 10-4).

L’article 1843-4 du code civil permet une valorisation par un expert, lequel est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties.

Il apparaît sur cette base intéressant d’imposer statutairement une méthode de valorisation des droits du retrayant, afin de faire face de manière prévisible à l’éventualité du retrait d’un associé, couplé à un désaccord sur la valorisation des droits sociaux (sur quelques méthodes de valorisation envisageables, voir « Guide de l’évaluation des entreprises et des titres de sociétés », accessible à partir du site Internet « impots.gouv.fr », rubrique documentation fiscale, les guides et notices).

L’ORGANISATION D’UNE SORTIE CONJOINTE

Le candidat à une sortie à titre onéreux peut être confronté à une liquidité diminuée de ses parts ou actions, notamment en raison de la détention d’une participation non significative aux yeux du cessionnaire.

EXEMPLE :

Une SAS exploitant une activité de vente de livres neufs et d’occasion a pour associés :

Céline (40 %), Louis (30 %) et Ferdinand (30 %).

Céline aimerait sortir de la société, en vendant ses actions de la SAS à un tiers, Lucette.

Mais ce tiers ne souhaite pas acquérir une participation qui ne lui donnerait pas l’assurance d’un contrôle total sur l’affectation du bénéfice.

Pour permettre de satisfaire les exigences du tiers candidat à l’acquisition, Céline doit être en mesure d’entraîner, par sa cession, la cession d’actions détenues par l’un de ses associés (au moins). À défaut, le candidat à l’acquisition pourrait se détourner de son projet et remettre ainsi en cause la sortie de Céline.

Ce problème de liquidité peut être atténué par le recours à une clause tendant à organiser une sortie conjointe de la totalité ou d’une partie des associés. La terminologie de clause de sortie conjointe étant susceptible de définitions diverses, nous préciserons ses contours tels qu’entendus ici.

Aux termes d’une clause de sortie conjointe, les personnes liées par la clause (souvent, les membres d’un pacte d’associés contenant la clause) s’obligent, en cas de sortie de l’une d’elles, à accepter de sortir dans des conditions similaires à celles négociées par le sortant avec le tiers acquéreur. Le sortant s’oblige parallèlement à négocier avec le tiers acquéreur une acquisition des parts ou actions des autres personnes liées par la clause.

Une difficulté soulevée par une clause de sortie conjointe (telle que décrite ci-avant) réside dans le fait que les associés non-candidats à la sortie n’ont pas d’autre choix que d’accepter de sortir en même temps que l’initiateur du mouvement.

C’est pourquoi il est possible d’ajouter à la clause de sortie conjointe un droit de préemption au profit des personnes n’ayant pas initié la sortie. En exerçant leur droit de préemption, lesdites personnes peuvent acquérir les parts ou actions du sortant, à la place du tiers acquéreur et au même prix.

« Transmission d’entreprise », RF 2019-6 à paraître, §§ 3500 et s.

Points essentiels :

  1. ✓ Qui veut sortir facilement aura à cœur de s’assurer de la disponibilité de multiples voies de sortie, de l’absence d’obstacle, de la garantie d’une bonne valorisation de ses droits, ou encore d’un certain degré de liquidité. Afin de garantir la prise en compte de tels objectifs, certaines interrogations peuvent être formulées auprès des associés.


  2. ✓ La sortie d’un associé à titre onéreux ne peut-elle s’opérer que par voie de vente des droits sociaux (parts ou actions) à un tiers ou à un autre associé, ou est-il envisagé d’ouvrir un droit de retrait entraînant un rachat des droits sociaux par la société elle-même ? / 10-1


  3. ✓ La sortie d’un associé à titre onéreux, qu’elle s’opère par voie de vente de droits sociaux ou de retrait, suppose-t-elle un accord préalable des autres associés ? / 10-3


  4. ✓ Si la sortie d’un associé ne s’opère pas via une vente à un tiers de ses droits sociaux (parts ou actions), mais via un retrait indemnisé par la société, quelle valorisation retenir pour lesdits droits sociaux ? / 10-4 et 10-5


  5. ✓ Est-il envisagé d’organiser une sortie conjointe des associés ? / 10-6


  6. ✓ Les réponses apportées permettront d’assurer une anticipation relativement aux voies de sortie, à la présence ou non d’une logique d’agrément, à l’insertion ou non de modalités d’évaluation des droits sociaux, ainsi qu’à l’organisation ou non d’une logique de sortie conjointe de tout ou partie des associés.

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Communication AUREP

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