fiches présentations des auteurs fiches présentations des auteurs

Les atouts de la combinaison entre la Société en commandite simple et la fiducie-sûreté

Eclairage du 21 février 2022 - N°

Accueil + Publications & Agenda + Les atouts de la combinaison entre la Société en commandite simple et la fiducie-sûreté
fiches présentations des auteurs

Auteurs: 

– Cédric DUBUCQ, Avocat associé Cabinet BRUZZO DUBUC
– Arthur BERTIN, Co-Founder & COO at Pono Financial Solutions
– Anthony ROUSTAN, Juriste Fiscaliste, Cabinet BRUZZO DUBUCQ

La Société en commandite simple, véhicule juridique trop peu souvent utilisé, connaît ces derniers temps un regain d’intérêt pour financer des acquisitions immobilières familiales ou d’entreprise. Cependant, il peut encore arriver que des institutions, et notamment les établissements bancaires, réclament des garanties renforcées pour financer ces structures encore peu démocratisées. C’est ainsi que l’investissement immobilier via une SCS peut être opportunément combiné avec une garantie sous forme de fiducie-sûreté pour offrir un outil d’une grande souplesse aux prêteurs de deniers.

I. La Société en commandite simple, un véhicule juridique hybride adapté aux investissements immobiliers

L’origine de la société en commandite simple (SCS) remonte à l’Antiquité. Légalisée sous Colbert[1], la SCS est devenue une forme sociale à l’époque de la Révolution industrielle, puis tomba en désuétude avec l’avènement de la Société à responsabilité limitée (SARL) en 1925[2]. Véhicule juridique intéressant, la SCS permet d’introduire une corrélation économique et fiscale entre la prise de risque et la rémunération.

La SCS peut être fondée à la condition de disposer d’au moins deux associés, le tout sans requérir un capital social minimum[3]. La SCS dispose de la personnalité morale et sa nature est commerciale mais elle peut avoir un objet civil comme la location.

La particularité de la société en commandite réside notamment dans la constitution de son capital social. En effet, au sein de la SCS, deux catégories d’associés vont coexister :

  • – Les associés commandités ont la qualité de commerçant[4]. Concernant leur responsabilité, celle-ci est illimitée, et par conséquent les associés commandités sont solidairement responsables des dettes de la société, et ce indéfiniment[5]. Ils peuvent fournir des apports au capital en nature, numéraire ou industrie. Enfin, ils sont soumis au même statut que les associés d’une société en nom collectif (SNC)[6]. Ils sont affiliés au régime social des travailleurs non-salariés (TNS) et sont en conséquence redevables des cotisations proportionnelles en cas de rémunération ou, à défaut, des cotisations minimales ;
  • – Les associés commanditaires, eux, ne disposent pas de la qualité de commerçant. Concernant leur responsabilité, celle-ci est limitée à hauteur du montant de leurs apports. En contrepartie, ils ne peuvent pas accomplir d’acte de gestion ni effectuer d’apport en industrie. Ils ont la même qualité que les associés passifs de SARL[7].

Sur le plan de la gestion de la société, la SCS permet de distinguer les tâches entre les associés qui vont uniquement réaliser un apport en capitaux, les commanditaires passifs, et les associés gestionnaires, les commandités actifs. Les premiers sont engagés uniquement sur le plan financier dans la limite de leurs apports, tandis que les seconds s’attèlent à la gestion quotidienne de la société.

L’esprit contractuel de la SCS permet une certaine liberté statutaire tout en assurant un équilibre entre la responsabilité des associés commandités et les apports financiers des associés commanditaires.

II. La Société en commandite simple, un véhicule fiscalement efficace pour l’immobilier

Il existe aujourd’hui un dilemme cornélien entre l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu en matière de fiscalité immobilière. Il existe des avantages et des inconvénients dans les deux régimes, ce qu’il convient d’étudier. En effet, le choix de la société peut avoir des conséquences importantes au regard de l’imposition, où les conséquences fiscales ne seront pas les mêmes concernant les revenus tirés de l’exploitation locative et ceux tirés de la cession de l’actif.

Si la structure est soumise à l’impôt sur le revenu, les loyers encourent une imposition conséquente au regard de l’absence d’amortissement (jusqu’à 66,2 %). En revanche, en cas de cession, la plus-value qui va être imposable ne va dépendre que de l’inflation immobilière et non des amortissements pratiqués. En outre, la soumission à l’impôt sur le revenu permet de bénéficier d’un régime d’abattements pour durée de détention du bien permettent une fiscalité de sortie favorable.

Si la structure est soumise à l’impôt sur les sociétés, les amortissements pratiqués combinés au taux de l’IS (15% ou 26,5% selon les revenus) favorisent une fiscalité de l’exploitation locative favorable concernant les loyers. Cependant, en cas de cession de l’actif, l’imposition en sortie sera plus forte à la fois au niveau de la société (plus-value importante) et au niveau des associés (flat-tax sur la distribution).

La Société en commandite simple permet de pallier ce dilemme. En effet, les associés dans ce type de sociétés ont un régime juridique différent, une exposition au risque différente.

En conséquence de cette hybridité juridique, les deux catégories d’associés ne relèvent pas du même régime fiscal :

Ainsi, il est possible de répartir les revenus entre les associés commanditaires et les associés commandités ce qui donne une grande souplesse au mécanisme, la répartition n’étant pas effectuée selon le seul critère des apports en capital effectués par chaque associé :

Le caractère hybride par nature de la SCS, avec, d’un côté, des associés commanditaires soumis à l’impôt sur les sociétés et, de l’autre, des associés commandités soumis à l’impôt sur le revenu, permet d’éviter de réaliser des opérations et montages fiscaux successifs, ce qui limite fortement les risques d’une qualification d’un abus de droit pour fictivité ou de montage artificiel par l’administration fiscale.

Ainsi, on peut obtenir une structure hybride par nature (la SCS) sans requérir une succession d’actes positifs contrairement à la cession d’usufruit temporaire.

III. La fiducie-sûreté comme levier de financement des SCS

Les nouvelles acquisitions, tout comme les patrimoines existants et organisés de manière traditionnelle (détention d’actifs immobiliers en propre ou via des SCI ou holdings), gagneraient à revisiter leur organisation en adoptant la SCS. Pour cela, les biens doivent changer de mains et être cédés auxdites SCS nouvellement constituées.

Les établissements bancaires, ne connaissant pas encore cette solution, peuvent faire preuve de réticence pour octroyer les financements permettant à une SCS de procéder à l’acquisition de biens immobiliers. À cette fin, la fiducie-sûreté, souvent appelée la « reine des sûretés »[10] en raison de sa souplesse et de son efficacité, est un outil de choix à proposer aux organismes de financement pour assurer la garantie de leur remboursement.

La fiducie-sûreté est un acte juridique par lequel une personne, nommée constituant, transfère la propriété d’un bien immobilier ou mobilier (dans ce dernier cas le meuble peut être corporel ou incorporel) à une autre personne, nommée fiduciaire, à titre de garantie d’une créance au profit d’un bénéficiaire qui peut être le fiduciaire ou un tiers[11].

Le Fiduciaire conserve le bien pendant toute la période durant laquelle le constituant est tenu de la dette garantie. Au remboursement de celle-ci, le fiduciaire est tenu de rétrocéder le bien au constituant. Il s’agit donc d’une sûreté du crédit, elle figure à ce titre dans le Livre IV du Code civil[12].

Ainsi, le prêteur – souvent la banque – bénéficie d’une protection efficace en cas de défaut de remboursement du prêt par l’emprunteur. La fiducie est également avantageuse pour ce dernier : s’il est incapable de rembourser le prêt garanti, c’est le fiduciaire qui met en vente le bien et cette vente s’effectue, de gré à gré et donc à des conditions normales de marché au contraire d’une procédure d’exécution de l’hypothèque au travers de laquelle les biens sont vendus publiquement par un tribunal.

L’élément saillant de la fiducie-sûreté, son avantage majeur, est que le créancier, à savoir l’établissement bancaire en l’espèce, ne dispose pas d’une simple garantie, mais d’un véritable transfert de propriété dès l’origine[13].

Ainsi, la fiducie-sûreté avec la SCS peut porter sur les titres des associés commandités. En effet, il s’agit de l’associé commandité qui touche l’intégralité du prix de cession. C’est aussi lui qui a tout pouvoir de gestion sur la Société. Ainsi, si la fiducie-sûreté porte sur les titres des associés commandités, l’établissement bancaire pourra demander au fiduciaire, en sa qualité d’associé commandité de procéder à la cession de tout ou partie des actifs détenus par la SCS.

Il convient également d’invoquer la fiducie-gestion, qui est une forme de fiducie destinée à gérer le bien dans l’intérêt du constituant sous l’obligation pour le fiduciaire de le rétrocéder au constituant, à une certaine date. Ainsi, par exemple, les enfants mineurs ne peuvent pas être commandités de SCS en raison de la qualité de commerçant qui y est attachée. Cependant, à l’occasion d’une donation, les parents peuvent désigner un tiers administrateur (art. 384 C. civ.), lequel aura l’obligation d’apporter les titres donnés aux enfants mineurs à un patrimoine fiduciaire. Or le fiduciaire peut avoir la qualité de commerçant. Ainsi, le jour où les enfants sont majeurs, le fiduciaire restitue les titres de commandité aux enfants constituants, charge pour le fiduciaire de gérer correctement la SCS ès qualité de commandité jusqu’à la majorité des enfants.

Outre la garantie qu’offre la fiducie-sûreté, il convient aussi de souligner que l’un des avantages de la SCS est que l’associé commandité est responsable indéfiniment des dettes sociales. Cela a l’avantage d’éviter pour la banque de passer par une caution, car cela ferait double-emploi avec la responsabilité illimitée l’associé commandité. Cela permet ainsi d’éviter le contentieux du cautionnement, qui peut notamment se révéler très contraignant.

Afin d’éviter ce contentieux lié au cautionnement, les banques prennent d’autres types de garanties, notamment en prêteur de deniers, voire même une hypothèque.

Cependant, ces sûretés réelles sont lourdes et coûteuses. En effet, si l’on réalise une prise d’hypothèque légale de prêteur de deniers ou une hypothèque conventionnelle, des frais seront prélevés. En effet, ces deux formules de garanties doivent faire l’objet d’une constatation par acte notarié. Outre les frais d’acte, l’hypothèque conventionnelle implique l’acquittement de la taxe de publicité foncière (soit 0,715 %), ce qui n’est pas le cas de l’hypothèque légale.

De plus, une prise de garantie d’hypothèque emportera paiement de contribution de sécurité immobilière à hauteur de 0,05% du prix de vente pour l’inscription hypothécaire, et de 0,10% pour la radiation de l’inscription.

Ce coût est beaucoup plus important que la fiducie-sûreté mobilière dont les droits d’enregistrement sont de 125 euros. Cela peut donc être intéressant pour les banques d’opter pour la fiducie-sûreté plutôt que pour ces types de garanties lorsqu’elles financent des acquisitions immobilières en commandite simple.

Messieurs Cédric DUBUCQ, Arthur BERTIN et Anthony ROUSTAN.

[1] Ordonnance Colbert de mars 1673 donnant naissance au « Code Savary ».
[2] Loi du 7 mars 1925
[3] C. Com, art. L.222-1 et s.
[4] C. Com, art. L.222-1 al.1
[5] C. Com, art. L.221-1 sur renvoi art. L.222-2 al.1.
[6] C. Com, art. L.222-2 al. 1
[7] C. Com, L.222-1 al. 2
[8] C.G.I, art. 206, 4°
[9] C.G.I, art. 8
[10] Voire « la mère des sûretés » selon le Professeur C. DUCHEZ
[11] C. civ, art. 2011
[12] C.civ, art. 2372-1 et s.
[13] C.civ. art 2371-3

Droit civil
Communication AUREP

Communication AUREP