L’AUTONOMIE DES SENIORS

Eclairage du 14 février 2025 - N°535

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Cette notion a pour vous un sens professionnel. Elle est une valeur de référence pour orienter vos pratiques. Elle a donc à la fois un rôle et un statut.

Photo de Jen Theodore sur Unsplash

Commençons donc par la définir :

  1. 1. Cette notion désigne une condition, celle d’une personne capable de se déterminer par elle-même, qui a un pouvoir de s’organiser, y compris dans certaines limites car l’autonomie n’est pas la maitrise de soi. Elle peut être associée à une dépendance.

  1. 2. Cette notion renvoie également :
  2. Non plus seulement à un POUVOIR, à la CAPACITE de pouvoir
  3. Mais à celle de VOULOIR

Exemple : Il faut être capable de DECISION, de s’opposer à des tendances, à des inclinations, à une soumission

Exemple : une personne autonome ne vit pas sans règles, mais elle les examine.

LES OBSTACLES A L’AUTONOMIE

L’autonomie peut être rendue impossible par des obstacles

a/ Des obstacles INTERNES à la personne :

Une volonté de demeurer passif, assisté (par paresse fatigue)

Ici l’Autonomie est contrariée par la personne elle-même qui refuse les exigences de l’Autonomie, par un goût possible pour l’inertie, le simple bien-être, les satisfactions immédiates. Un goût qui s’installe pour une dépendance et pour une assistante sécurisante.

b/ Des obstacles EXTERNES

L’autonomie peut aussi être rendue impossible par des formes excessives de TUTELLE (cf. la famille), des contraintes exercées sur la personne. Donc, l’autonomie peut être contrariée par des conditions extérieures à la personne

Autrement dit, l’action conjuguée d’une inclination et de contraintes excessives peut concourir à la perte d’autonomie, à un maintien dans un état de dépendance. Il y a donc des obstacles dus à l’intériorité humaine et à l’extériorité institutionnelle par exemple.

Le concept d’Autonomie est un concept CRITIQUE qui permet de mettre en crise tout ce qui la bloque : C’est donc bien par un ensemble de RUPTURES que l’autonomie est possible.

Exemple : Une personne peut vouloir demeurer sous une tutelle extérieure : s’en remettre à des spécialistes de façon abusive, soumise, par la recherche de la sécurité, sans initiative, sans indépendance. (Il y a rarement d’offre de pouvoir sans une demande de pouvoir)

Exemple : Une personne malade ou âgée subit d’abord toute une lassitude, une pesanteur, parce que être malade ou vieillir :

  1. a/ C’est d’abord PERDRE : perdre des possibilités, des rôles sociaux, une santé ; c’est devenir le TEMOIN d’un monde qui se retire devant nous, qui s’éloigne, que l’on comprend moins, qui est davantage sous nos yeux que dans nos mains.

  1. b/ C’est risquer l’isolement, l’ennui, la souffrance. C’est donc devenir VULNERABLE à la santé, aux soins, à la dépendance. Par exemple, c’est vouloir vite être soulagé par des soins et des réponses. Car maladie et vieillissement mettent la personne devant une FINITUDE. Alors, l’autonomie peut être abandonnée ou retirée.

  1. Or, en perdant l’autonomie, ne risque-t-on pas la mise en crise d’une DIGNITE, ne risque-t-on pas l’affaiblissement de notre ETRE ?
  2. Un être ne risque-t-il pas d’être affecté d’un DEFAUT  D’ETRE ?
  3. Perdre l’autonomie serait alors avoir le sentiment de devenir MOINS, de faiblir, de DECLINER en raison de notre ETAT. Le concept d’autonomie permet de CONJURER cette situation négative, en concevant une pratique qui permette de sauvegarder la dignité des personnes.

LES EXIGENCES ESSENTIELLES DE L’AUTONOMIE

Le concept d’Autonomie exige que l’on traite un être comme une PERSONNE c’est à dire :

  1. a/ Comme un être qui ne se réduit pas à sa vie biologique, à un pur fonctionnement d’organes ; Une personne est un être non définissable par ses seules fonctions

  1. b/ Une personne ne perd pas toute autonomie même si elle a perdu des capacités. Une personne est un être doué d’une identité, càd qui demeure à travers ses états, ses changements. Elle a donc une valeur absolue, est une fin en soi, un bien indisponible au sens où on ne peut en disposer à sa guise ; elle est un être qui n’est pas subordonné à une CONDITION.

  1. c/ Respecter l’autonomie, la dignité d’une Personne, c’est assigner des limites à nos pouvoirs, par des devoirs à son égard. Problème éthique ici, pas seulement clinique.
  2. Exemple 1 : Souffrance : toujours un moment solitaire qui s’éprouve nécessairement en première personne. On ne peut pas vraiment la mesurer de l’extérieur. Elle affecte CORPS et AME, càd un être en TOTALITE.
  3. Elle est toujours de l’ordre d’un enfermement en soi.

  1. d/ Que savons-nous de l’autonomie mentale, spirituelle d’une personne ?
  2. Une personne est aussi pensante. Sa vie est aussi mentale. Une personne peut, quel que soit son état, conserver une capacité réflexive, une aptitude à faire retour sur elle –même, être capable de former une représentation de ce qu’elle fait, de ce quelle est, de ce qu’elle devient.
  3. Elle conserve alors une autonomie. Pae suite, une personne peut être affectée dans ses fonctions sensibles et organiques, sans l’être dans son ETRE, mais seulement dans son EXISTENCE.
  4. Un être humain ne se réduit pas à ce qu’il manifeste. Il peut se réfléchir, se retrancher, se replier, se retrancher dans un passé, dans ses pensées…
  5. Un être peut quitter sa relation au monde et rester AUTONOME.
  6. (Se détacher pour reprendre son histoire par exemple)
  7. Même immobile, une personne demeure, conserve une identité personnelle, malgré son ETAT, malgré l’altération de ses fonctions. On ne peut jamais être sûr de la perte de cette autonomie-là.
  8. Pourquoi ? parce qu’elle n’est pas DONNEE
  9. Une personne est toujours insaisissable, elle se soustrait à toute approche extérieure. Son unité n’est jamais donnée. On ne peut pas saisir une identité personnelle qui n’est pas seulement un corps, ni un statut, ni une nationalité, ni un ensemble de comportements.
  10. Un être n’est jamais réductible à un ETAT.

L’AUTONOMIE COMME VALEUR DE REFERENCE

AUTONOMIE : Elle n’implique pas la souveraineté, elle s’accommode de modalités de dépendance.

Autonomie : n’est pas suffisance (n’avoir besoin de rien ou de personne)

  1. Une personne peut être autonome ET dépendante. Un sujet n’est pas nécessairement agent.
  2. a/ Cf la distinction célèbre entre :
  3. – Ce qui est entre notre pouvoir
  4. – Ce qui ne dépend pas (ou plus) de nous
  5. Une autonomie est maintenue si demeure ce qui peut relever de nous ;
  6. L’autonomie, c’est la prise de conscience de cette distinction, une capacité qui s’appuie sur notre être dans son intériorité, même si nous sommes dépendants extérieurement. C’est pouvoir disposer de soi et pas seulement de sa mobilité.
  7. Une indépendance peut se maintenir malgré une dépendance par ailleurs.

  1. b/ L’autonomie se rapporte à une capacité à se déterminer par soi-même (consentir/ se protéger), tout en étant assujettie à des soins, à des contraintes et cela sans se SOUMETTRE.
  2. La personne conserve une capacité à Juger/ Vouloir/ Penser L’autonomie suppose une CONSTANCE

  1. c/ L’autonomie est un idéal, une exigence ; elle n’est pas de l’ordre du TOUT ou RIEN, mais de l’ordre du PLUS ou du MOINS.
  2. Elle est un HORIZON, un PROCESSUS
  3. Exemple : On n’est jamais sûr de ses idées car on peut croire par :
  4. Par tradition, par superstition, éducation
  5. Et non par conviction personnelle ;

L’AUTONOMIE a toujours la dimension d’une exigence.

Gérard GUIEZE

Gérard GUIEZE

Professeur de Philosophie Conférencier

Formateur

Consultant

Formations et Conférences sur les problématiques éthiques et politiques du monde contemporain