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La location équipée. Une excellente stratégie… à manier avec précaution

Eclairage du 15 octobre 2021 - N°

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Une excellente stratégie, pourquoi ?

Dès la première édition de notre ouvrage (Gestion fiscale de patrimoine. GRF 1994) on avançait l’idée reprise aujourd’hui dans l’édition 2021, selon laquelle la location aménagée pourrait constituer une alternative à la gestion de l’immobilier d’entreprise. Depuis les années 1970, très nombreuses ont été les créations de SCI destinées à détenir l’immobilier professionnel donné en location à la société opérationnelle. Le chef d’entreprise y voit alors deux intérêts qui n’ont au demeurant rien de fiscal :

Au fond, ce même schéma pourrait être reproduit, mais en mettant en place, non une location nue, mais une location équipée. Les locaux loués sont alors pourvus des matériels et mobiliers nécessaires à l’activité de la société opérationnelle. La stratégie est excellente parce qu’elle permet de faire basculer les revenus de la catégorie des revenus fonciers propre à la location nue à celle des bénéfices industriels et commerciaux sur le fondement des dispositions de l’article 35-I-5° du CGI. Du même coup, le bailleur peut prétendre à l’imputation sur les loyers :

Maintenant, si l’activité peut être considérée comme exercée à titre professionnel, un éventuel déficit d’exploitation apparaissant notamment les premières années, peut être reporté par le bailleur sur ses autres revenus imposables. Le gain d’impôt est alors proportionnel à son taux marginal d’imposition.

Et ce n’est pas le seul avantage. La plus-value de cession de l’immeuble peut relever du régime des plus-values professionnelles. Et l’on connaît les dispositions favorables de l’article 151 septies du CGI. Il suffit que l’activité soit exercée depuis plus de cinq ans et que les recettes annuelles tirées de la location soient inférieures à 90 000 € pour que la plus-value en question bénéficie d’une exonération.

Alors pourquoi s’en priver ! Mais attention, une fois de plus, l’avantage fiscal ne doit pas provoquer la cécité de l’opérateur. La stratégie est excellente mais….

Elle est à manier avec précaution, pourquoi ?

En vérité, il importe, en premier lieu, de cerner avec précision ce qu’il convient d’entendre par location équipée. Celle-ci doit en effet porter sur l’immeuble professionnel équipé du matériel et du mobilier nécessaire à l’activité. Et d’une jurisprudence constante, il ressort que sont ici visés le mobilier et le matériel indispensables à la mise en œuvre de l’activité, autrement dit ceux sans lesquels l’entreprise locataire ne peut la déployer. Ainsi, par exemple, la location d’un centre hippique comprenant les objets nécessaires à l’hébergement, l’entretien et l’hygiène des chevaux n’a pas été considérée comme commerciale, car elle ne comprenait pas les équipements indispensables à l’activité d’entraîneur (CE 24 mai 1989, req. n° 64258). Dans le même sens, dans le cadre d’une activité de fabrication, la Cour administrative de Lyon refuse la qualification de location aménagée parce que les locaux loués ne comprenaient que trois pont-roulants permettant le levage d’objet très lourds. En revanche, le matériel de production ainsi que le mobilier était resté la propriété de la société d’exploitation locataire des locaux (CAA Lyon, 2 septembre 2021, n° 19LY00947).

En second lieu, il faut prendre garde au mode de détention des locaux équipés donnés en location. Lorsque les locaux sont écartés de l’entreprise opérationnelle pour être donnés en location nue, la pratique consiste à mettre en place une SCI. Ce mode de détention rend en outre plus aisée la transmission aux enfants par le biais d’une donation-partage de la nue-propriété des parts de la société. Fort bien. Mais attention, la location de locaux équipés rend ce mode de détention totalement inopérant. En effet, comme on l’a rappelé plus haut, les revenus de celle-ci relèvent de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux sur le fondement de l’article 35-I-5° du CGI. La SCI serait par conséquent obligatoirement soumise à l’impôt sur les sociétés en vertu des dispositions de l’article 206-2 du même code. Toute remontée des résultats de la société entre les mains des associés serait par conséquent exclu.

Dans ces conditions, si l’on entend faire remonter les résultats de la société entre les mains des associés, et notamment un déficit d’exploitation, les seules sociétés de personnes semi-transparentes utilisables au sens de l’article 8 du CGI seraient l’EURL ou la SARL de famille.

Cette dernière remarque amène immanquablement au dernier point le plus important. Pour que les résultats déficitaires remontent entre les mains des associés, la location doit en effet présenter un caractère professionnel au sens de l’article 156-I-1 bis du CGI. Ainsi, pour que le déficit soit considéré comme professionnel, l’associé de la société de personnes doit participer personnellement, de manière directe et continue, à l’activité de location. Cette même exigence est posée dans l’hypothèse où les associés entendraient tirer profit de l’exonération d’une éventuelle plus-value de cession de l’immeuble sur le fondement de l’article 151 septies du CGI. Comme on l’a rappelé plus haut, celle-ci implique que l’activité soit exercée depuis plus de cinq ans et que les recettes issues de la location soient inférieures à 90 000 €.

Compte tenu de ces exigences, l’associé de la société doit rapporter la preuve de l’exercice, au sein de la société bailleresse, d’une véritable gestion opérationnelle d’entreprise. C’est du moins comme cela que l’entend la doctrine administrative (BOFIP-BIC-DEF-10- § 180 s.- 09/01/2013). Voici en effet comment elle définit la gestion opérationnelle :

« Il s’agit, notamment, de l’achat des matières premières et marchandises, la conception et la production des produits ou services, la prospection des clients, l’animation des forces de vente, la négociation des contrats commerciaux, l’embauche des salariés et, plus généralement, la gestion du personnel, la gestion financière de l’entreprise (gestion de trésorerie, relations avec les établissements financiers), sa gestion comptable et administrative (tenue de la comptabilité, établissements des déclarations fiscales, règlement des factures et salaires, gestion des créances clients), etc. (Inst. n° 21). »

C’est là au fond toute la difficulté et tout dépend en fait des circonstances de fait. À cet égard, le professionnel qui entendrait donner en location équipée un simple local à son entreprise ne pourrait vraisemblablement pas exciper de l’exercice d’une véritable gestion d’entreprise. Les actes de gestion seraient trop disparates et trop limitées pour témoigner d’une véritable gestion d’entreprise. Il s’agirait en effet seulement de gérer l’encaissement des loyers et de pourvoir à l’entretien des locaux, du matériel et du mobilier. En d’autres termes, les actes seraient limités et n’occuperaient le prétendu gestionnaire que quelques jours par an, trop peu pour caractériser une activité professionnelle au sens de ces textes.

Il en irait différemment si les locaux loués étaient plus importants et munis de matériels nécessitant une maintenance quasi permanente et la mise en place de plans de renouvellement conséquents. Ainsi, par exemple, on a eu à connaître d’investissements dans plusieurs locaux équipés destinés à être donnés en location à des professionnels déployant leur activité dans un même secteur. De plus, le bailleur n’exerçait quasiment que cette seule activité. Dans le même sens, la qualification de location équipée professionnelle a pu être réservée à un investissement dans un local très important muni des matériels de reproduction et de composition de magasines de très grandes diffusions dont la mise en œuvre nécessitait l’intervention de nombreux salariés de l’entreprise locataire.

Et si l’on songeait à l’utilisation de la location équipée dans le cadre d’un crédit-bail immobilier. Une idée intéressante sans doute à creuser.

Droit fiscal
Pierre FERNOUX

Pierre FERNOUX

Consultant en droit fiscal