La chose indivise n’est pas la chose d’autrui !

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Dans cette affaire, un défunt, Monsieur A, laissait pour lui succéder ses trois enfants. Il avait institué dans un testament olographe Madame X légataire particulier de biens immobiliers acquis avec son épouse, Madame B, prédécédée. Nous préciserons ici que les époux étaient mariés sous l’ancien régime de la communauté des meubles et acquêts et que les biens objets du legs dépendaient de la communauté ayant existé entre eux.

Madame X assigna les enfants en délivrance de son legs, ces derniers contestant la validité du legs au motif qu’il portait sur la chose d’autrui (art. 1021 du Code civil). Selon cet article en effet, le legs portant sur la chose d’autrui est frappé de nullité.

Les enfants obtinrent gain de cause en appel, les juges du fond confirmant la nullité du testament olographe. Plus précisément, ils justifiaient cette nullité au motif que le testament olographe, portant sur des biens dépendant de la communauté conjugale, rédigé par Monsieur A l’avait été certes après le décès de son épouse mais avant que les opérations de liquidation de la communauté et de la succession de celle-ci soient réglées.

En outre, les juges ont pu préciser que « l’ascendant peut inclure dans un testament des biens dont il a la propriété et la libre disposition et non ceux dépendant de la communauté dissoute mais non encore partagée ayant existé entre lui et son conjoint prédécédé. »

Ainsi, la Cour d’appel a pu estimer que Monsieur A « n’avait pas le pouvoir de disposer seul de ces biens, qu’il détenait en indivision avec ses enfants, déjà saisis comme héritiers de leur mère prédécédée. »

De manière logique, la Cour de cassation (Cass. 1ère civ., 6 mars 2024, n°22-13.766) cassa l’arrêt d’appel au visa de l’article 1021 du Code civil en confirmant sa jurisprudence antérieure selon laquelle la chose indivise n’est pas la chose d’autrui.

Avis de l’AUREP

La subtilité repose ici sur le fait que le legs porte non pas sur les quotités indivises détenues par le testateur mais sur l’entièreté des biens indivis.
La Haute juridiction confirme sa jurisprudence dans ce dernier cas de figure en reconnaissant la validité de l’acte. En l’espèce, le legs portant sur des biens dépendant de l’indivision post-communautaire, ces biens indivis ne sont pas considérés comme constituant la chose d’autrui par la Cour et donc n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 1021 du Code civil.

Si le legs n’est pas frappé de nullité nous préciserons toutefois que son exécution sera conditionnée aux aléas résultant du partage. Il y lieu de distinguer selon que le bien indivis objet du legs fasse ou non partie d’une universalité. Dans ce dernier cas de figure, et c’est le cas ici, seule une attribution du bien dans le lot des héritiers du testateur ou au légataire lui-même s’il est copartageant permettrait au legs de recevoir application. A défaut, et si le bien était recueilli par un autre copartageant, le legs serait caduc et ne pourrait être exécuté en valeur. Cette dernière solution est d’ailleurs pourtant la règle en matière de legs portant sur un bien commun (art. 1423 al. 2 du Code civil).

Droit civil
Thomas Gimenez

Thomas Gimenez

Chargé de recherche