Exonération Dutreil et éligibilité des holdings animatrice : application des principes dégagés par la Cour de cassation.

Eclairage du 24 février 2023 - N°461

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La jurisprudence fixant les conditions d’éligibilité des holdings animatrices à l’exonération « Dutreil » se forge progressivement. 

L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 24 octobre 2022 suite à la décision de cassation de la Haute juridiction du 14 octobre 2020 est à cet égard instructif.

Question n°1 : L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 24 octobre 2022 nous est-elle inconnue ?

Réponse : Non

L’affaire tranchée par l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 24 octobre 2022 (n° 21/00555) est loin de nous être inconnue. Elle concerne la société holding « financière de Rosario ». Cette décision est rendue sur renvoi suite à la cassation d’un premier arrêt émanant de cette même Cour (CA Paris, Pôle 5, Ch. 10, 5 mars 2018 n° 16/08688). 

Question n°2 : Le différend qui opposait dans cette affaire le redevable à l’administration fiscale est-il rare ?

Réponse : malheureusement  non.

La question tranchée réside dans l’éligibilité d’une société holding animatrice de son groupe de sociétés à l’exonération Dutreil en matière de transmission à titre gratuit (CGI, art. 787 B). Elle concerne plus particulièrement dans la détermination de l’activité principale exercée par cette société. 

Dans cette affaire, le différend qui opposait l’administration fiscale ne portait pas sur le rôle d’animation joué par la holding au sein de son groupe de sociétés. Il concernait la détermination de l’activité principale exercée par la holding. 

L’administration fiscale soutenait qu’eu égard aux actifs qu’elle détenait, la société holding exerçait à titre prépondérant une activité civile de gestion de valeurs mobilières n’étant pas éligible au régime de faveur. 

Question n°3 : Dans cette affaire, la cassation du premier arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris était-elle prévisible ?

Réponse : Oui.

La motivation retenue par ce premier arrêt de la Cour d’appel de Paris pour invalider la proposition de rectification de l’administration fiscale et considérer que la holding exerçait à titre prépondérant une activité éligible était confuse, contradictoire et inappropriée. Après avoir à juste titre précisé que le critère de prépondérance des actifs détenus s’appliquait également aux sociétés holdings animatrices, les juges du second degré avaient précisé que pour appliquer ce critère : « la seule analyse du bilan de la société holding (…) ne saurait suffire ». Pour autant, les juges s’étaient bien référés à ces critères comptables et en se plaçant de surcroît non à la date de la donation fait générateur du droit de mutation mais à celle de la clôture de l’exercice suivant cette donation. Après avoir constaté « que l’analyse du bilan montre que le montant de l’actif brut immobilisé représente 61,24 % du montant total de l’actif brut à la clôture de l’exercice, le 31 décembre 2007 », les juges du second degré avaient conclu que ce constat « démontre que le critère de l’actif brut immobilisé est rempli ». 

Autrement dit, pour apprécier la prépondérance, la Cour d’appel s’était référée au critère alors retenu par la doctrine administrative (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, 19 mai 2014, n° 20) d’existence d’un actif brut immobilisé représentant au moins 50 % du montant total de l’actif brut de la société. 

Ce critère retenu par l’administration fiscale faisait l’objet des plus vives critiques doctrinales et était considéré comme « en soi rigoureusement dépourvu de sens et totalement inapproprié » (F. FRULEUX, J.-Cl. Enr. Traité, V. Successions, fasc. 68, n° 58). Une telle motivation vouait cette décision à la censure et nous avait conduit à considérer : « qu’une telle analyse ne résisterait certainement pas à la censure de la Haute juridiction si elle était saisie de cette question » (F. FRULEUX, Application des critères de prépondérance des actifs détenus aux sociétés holdings animatrices, JCPN n° 17, 27 avril 2018, 1176, p. 38). 

Après que le Conseil d’Etat a reconnu le caractère inapproprié des critères retenus par la doctrine administrative qu’elle a annulés (CE, 8ème et 3ème chambres civiles, 23 janvier 2020, n° 435562, v. F. FRULEUX, Exonération Dutreil et activité mixte, Dr. fisc. 2020, n° 27, ét. 291), la Cour de cassation a, dans un important arrêt de principe rendu le 14 octobre 2020, censuré l’arrêt de la Cour d’appel de Paris dans toutes ses dispositions pour défaut de base légale (Cass. com., 14 octobre 2020, n° 18-17955).

Question n°4 : Les principes énoncés par la Haute juridiction dans sa décision de cassation sont-ils importants pour le praticien ?

Réponse : Oui. Cet arrêt est riche d’enseignements.

Dans cette décision, la Cour de cassation a énoncé que :

le régime d’exonération « Dutreil » « s’applique aussi à la transmission de parts ou actions de sociétés qui, ayant pour partie une activité civile autre qu’agricole ou libérale, exercent principalement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, cette prépondérance s’appréciant en considération d’un faisceau d’indices déterminés d’après la nature de l’activité et les conditions de son exercice. »

Elle a précisé que « Doit être assimilée à ces sociétés ayant une activité mixte, dont la transmission des parts est éligible au régime de faveur, une société holding qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale, et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, le caractère principal de son activité d’animation de groupe devant être retenu notamment lorsque la valeur vénale, au jour du fait générateur de l’imposition, des titres de ces filiales détenus par la société holding représente plus de la moitié de son actif total. »

En l’espèce, pour infirmer la décision de rejet de l’administration et prononcer le dégrèvement de la totalité des impositions,  après avoir énoncé à bon droit que le critère de la non-prépondérance civile s’applique également aux sociétés holdings animatrices de leur groupe et que la seule analyse du bilan de la société Financière de Rosario ne saurait suffire, sans considération des activités du groupe, à vérifier que son activité civile n’était pas prépondérante, la Cour d’appel avait relevé qu’il résultait de l’analyse du bilan de la holding que le montant de l’actif brut immobilisé représentait 61,24 % du montant de l’actif brut à la clôture de l’exercice, le 31 décembre 2007. Selon la Cour d’appel, cela démontrait que le critère de l’actif brut immobilisé était rempli, et il fallait en déduire que l’administration échouait à établir la prépondérance de l’activité civile de la société Financière de Rosario.

La Cour de cassation invalide un tel raisonnement. Elle considère à juste titre qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la société Financière de Rosario avait pour activité principale l’animation de son groupe, ce que l’administration contestait en soutenant que la valeur vénale réelle des actifs de la société relatifs à son activité civile de gestion de valeurs mobilières représentait une part prépondérante de son actif total, réévalué au jour de la mutation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

Question n°5 : La Cour d’appel de Paris suit-elle dans son arrêt du 24 octobre 2022 les modalités d’appréciation de l’activité principale dégagées par la Cour de cassation ?

Réponse : Oui. Elle n’oppose aucune résistance. 

Dans son arrêt du 24 octobre 2022, la Cour d’appel de Paris prend acte de la jurisprudence de la Cour de cassation sur laquelle elle s’aligne scrupuleusement, tant en ce qui concerne l’éligibilité de plein droit à l’exonération des sociétés exerçant une activité mixte dès lors que leur activité opérationnelle est prépondérante qu’en ce qui concerne les modalités d’appréciation de cette prépondérance aux holdings animatrices.

 Sur ces points, la Cour d’appel précise que : 

– « L’activité de la société dont les parts sont transmises peut être mixte à condition que la part de son activité civile autre qu’agricole ou libérale ne soit pas prépondérante, l’activité éligible au régime fiscal de faveur devant rester l’activité principale de cette société. »

– « La prépondérance de l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale s’apprécie en considération d’un faisceau d’indices déterminés d’après la nature de l’activité et les conditions de son exercice. »

A ce titre, désavouant l’analyse retenue par la Cour d’appel dans son arrêt du 5 mars 2018, l’arrêt précise « La seule référence à l’actif brut immobilisé n’est en revanche pas pertinente dès lors que celui-ci n’est pas de nature à caractériser la prépondérance de l’activité animatrice d’une société holding. »

Question n°6 : L’arrêt du 24 octobre 2022 confirme-t-il que le critère de prépondérance des actifs détenus concerne également les holdings animatrices ?

Réponse : oui 

La Cour d’appel confirme à juste titre que même si la question se pose dans le cadre d’une proposition de rectification notifiée par l’administration fiscale nonobstant les dispositions de l’article R. 194-1 du Livre des procédures fiscales, c’est au contribuable qui revendique le bénéfice de l’exonération de rapporter (s’agissant de droits d’enregistrement par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite : LPF, art. R. 195-1) qu’il remplit les conditions pour en bénéficier. 

S’agissant d’une holding animatrice exerçant une activité mixte, cette exigence probatoire est double. Elle réside d’une part dans le rôle d’animation effectivement loué par la holding au sein de son groupe de sociétés et d’autre part, de la prépondérance de l’activité d’animation exercée. 

A juste titre, l’arrêt précise que ces deux exigences sont bien distinctes. L’admission de la qualification de holding animatrice ne signifie nullement que toutes les participations qu’elle détient sont animées et peuvent être prises en compte pour apprécier l’activité prépondérante de la holding : « Le fait que l’administration fiscale ait reconnu, dans la proposition de rectification du 15 décembre 2010, que la société Financière de Rosario exerçait, au 20 décembre 2007, une activité d’animation effective de la société Financière Slota, dont elle détenait 77,62 % du capital social, laquelle contrôlait la SA Slota, société de transports de voyageurs par taxis, n’induit aucunement qu’elle a reconnu ce rôle de holding animatrice de la société Financière de Rosario aux autres sociétés commerciales dans lesquelles la société Financière de Rosario détenait une participation, qu’elle soit majoritaire ou minoritaire. »

Ce faisant, l’arrêt confirme également clairement que la détention par la holding de participations dans des sociétés qu’elle n’anime pas n’est pas exclusive de la qualification de holding animatrice. Ce constat ne peut qu’être approuvé et correspond à l’analyse retenue par la Cour de cassation (Cass. com., 16 juin 2019, n° 17-20.559). 

Question n°7 : L’arrêt du 24 octobre 2022 permet-il de corroborer certaines analyses émises au lendemain de la décision du 14 octobre 2020 concernant l’interprétation de cette dernière décision ?

Réponse : Oui.

Cette décision permet de clarifier et appliquer certains points d’interrogation qu’avait suscité la mise en œuvre concrète des principes consacrés par la Cour de cassation dans son arrêt du 14 octobre 2020. La mise en application du principe énoncé suivant « le caractère principal de son activité d’animation de groupe [doit] être retenu notamment lorsque la valeur vénale, au jour du fait générateur de l’imposition, des titres de ces filiales détenus par la société holding représente plus de la moitié de son actif total. » suscite de nombreuses interrogations centrées sur le sens à donner à l’adverbe « notamment » employé par la Haute juridiction. 

Nous avions eu l’occasion de détailler les raisons pour lesquelles l’emploi de cet adverbe permettait de notre point de vue de dégager plusieurs principes concrets, les différentes propositions loin de s’exclure l’une de l’autre devant être retenues de manière cumulatives (F. FRULEUX, Holding animatrice et activité mixte : une jurisprudence sécurisante et unificatrice, JCPN n° 5, 5 février 2021, 1105, n° 28). 

A nos yeux, l’adverbe « notamment » signifie que sans être nécessairement le seul critère à prendre en considération, la détention par la holding animatrice de filiales animées représentant plus de la moitié de son actif total est en soi qualifiante, permettant de démontrer par principe que l’animation du groupe constitue l’activité principale de la holding. Ce faisant, la Cour de cassation avait créé une présomption judiciaire permettant de présumer le caractère principal de l’activité d’animation lorsque la holding détient un actif majoritairement composé de participations animées (F. FRULEUX, art. préc., n° 31). 

Sans que les deux interprétations s’excluent, l’adverbe « notamment » signifie aussi que par hypothèse lorsque cette présomption judiciaire ne joue pas, d’autres actifs que les participations animées détenues par la holding peuvent être pris en compte pour apprécier la prépondérance de l’activité d’animation dès lors qu’elles sont affectées à l’animation du groupe. Tel est le cas par exemple selon nous de biens immobiliers portés par la holding et mis à disposition ou loués aux filiales animées (F. FRULEUX, art. préc., n° 30). 

L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 24 octobre 2022 s’inscrit dans cette lecture, confirme clairement ces deux principes qu’elle décline au cas d’espèce même si c’est parfois avec maladresse ou en retenant des analyses discutables. Au cas présent, considérant que l’animation par la société holding financière de Rosario est caractérisée uniquement à l’égard des participations qu’elle détient dans deux sociétés : la société financière Slota et Slota SA, l’arrêt constate que la présomption de prépondérance de l’activité ne peut s’appliquer puisqu’à la date de la transmission, la valeur de ces deux participations ne représente pas plus de la moitié de l’actif total de la société holding financière de Rosario. La présomption de prépondérance ne peut pas s’appliquer en l’espèce : « Le caractère principal de l’activité d’animation de la société holding financière de Rosario ne peut donc être déduit de la valeur vénale des titres des sociétés Financière Slota et Slota SA. »

Question n°8 : L’arrêt de la Cour d’appel de Paris permit-il de confirmer un autre point s’agissant toujours du sens à donner à l’adverbe « notamment » employé par la Cour de cassation dans son arrêt du 14 octobre 2020 ?

Réponse : oui.

Dans cette affaire, la valorisation des participations animées rapportée à l’actif total de la holding n’est pas en soi qualifiante. Pour autant, la Cour admet que la prépondérance de l’activité d’animation peut être rapportée en prenant en compte d’autres actifs affectés aux filiales animées. 

La Cour d’appel confirme également cette analyse au cas présent même s’il fait maladroitement référence à l’affectation « à l’activité d’animation » plutôt qu’à leur affectation aux services fournis à ces filiales animées : « S’agissant d’une holding animatrice de son groupe, il convient cependant d’examiner si les autres actifs qu’elle détient, qu’ils soient immobilisés ou circulants, sont affectés à l’activité d’animation de la société Financière Slota et de la société Slota SA. »

La Cour d’appel confirme ainsi que comme nous le pensions, ces actifs peuvent être des actifs immobiliers dès lors qu’ils sont affectés aux activités des filiales animées. 

Tel est le cas en l’espèce d’un ensemble immobilier valorisé à près de 7.000.000 € constituant le site d’exploitation de la société Slota SA et loué par la holding à cette dernière : « Parmi les actifs immobiliers détenus directement par la société Financière de Rosario, l’ensemble immobilier situé [Adresse 5], évalué, pour le terrain et les constructions, à la somme totale de 6 819 000 euros est intégralement affecté à l’activité opérationnelle de la société Slota à laquelle il est donné à bail et dont il constitue le site d’exploitation. Le bail donné à la société Slota pour la jouissance de ce bien immobilier, financé par la société Financière de Rosario, caractérise le service immobilier fourni par la holding animatrice à sa filiale exerçant une activité commerciale.

Cet actif immobilier doit donc être pris en compte pour sa valeur vénale au 20 décembre 2007 pour caractériser le caractère principal de l’activité d’animation de la société Financière de Rosario. »

Question n°9 : L’arrêt confirme-t-il également les modalités précise d’évaluation des actifs devant être retenues ? 

Réponse : Oui.

L’arrêt prend également acte des  modalités de détermination d’évaluation ainsi que les dates à retenir pour apprécier le ratio d’actifs détenus par la société financière de Rosario à son activité d’animation. Ces modalités d’appréciation ne sont aujourd’hui plus discutées sauf à rappeler que contrairement à ce qu’indique l’administration fiscale dans sa doctrine (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, n° 20) un actif affecté à l’activité considérée nous semble pouvoir être pris en compte quand bien même il ne figurerait pas à l’actif du bilan. Doivent être pris en compte tous les éléments immobilisés ou non constituant l’actif de la société, « la seule référence à l’actif brut immobilisé n’est en revanche pas pertinente ». Les valeurs à retenir sont les valeurs vénales réelles et non les valeurs comptables au jour du fait générateur de l’impôt et non à la date de clôture de l’exercice suivant ou précédant la mutation, les « valeurs vénales au jour du fait générateur de l’imposition ».

Question n°10 : L’application faite par la Cour d’appel des principes dégagés par la Cour de cassation doit-elle être intégralement approuvée ?

Réponse : Non. 

En soi, la méthodologie suivie par la Cour d’appel de Paris pour apprécier l’éligibilité de la société à l’exonération nous semble s’inscrire dans les principes définis par la Cour de cassation et doit être approuvée. Pour autant, plusieurs applications qu’en tirent la Cour apparaissent contestables. 

C’est le cas par exemple d’une confusion chronologique qu’opère l’arrêt entre l’effectivité de l’animation qui doit être avérée et le démarrage de l’activité commerciale de sociétés détenues par la holding. Il est clair, normal et confirmé par la Cour de cassation que la qualification de holding animatrice nécessite que la société soit en capacité de rapporter la preuve qu’elle jouait effectivement et de manière concrète un rôle d’animation. Cette dernière doit être avérée et non seulement potentielle (Cass. com., 3 mars 2023, n° 19-22397). C’est pourquoi une holding animatrice qui vient d’être constituée ne peut voir la transmission de ses titres bénéficier de l’exonération Dutreil (v. F. FRULEUX, Holding animatrice nouvellement constituée et éligibilité à l’exonération Dutreil, Rev. de droit fiscal n° 26, 25 juin 2020, 286 ; Cass. com., 21 juin 2011, n° 10-19770). C’est la raison pour laquelle l’exercice de l’activité éligible étant dorénavant suite à l’ajout opéré par la loi de finances rectificative requise dès le stade de la conclusion de l’engagement collectif de conservation (CGI, art. 787 B « c » bis), il convient de se garder de conclure immédiatement le pacte d’associés lors de la constitution de la société qui ne peut immédiatement justifier de l’effectivité de son rôle d’animation (v. F. FRULEUX, Durée d’exercice de l’activité éligible : la loi de finances rectificative pour 2022 réforme l’exonération Dutreil de manière rétroactive, JCPN n° 35, 2 septembre 2022, 797). Mais l’exigence chronologique inhérente au rôle d’animation joué par la holding ne doit pas être confondue avec l’effectivité de l’exercice par chaque filiale d’une activité commerciale. L’arrêt semble bel et bien opérer cette confusion lorsqu’il écarte de plano des participations animées, celles détenues dans des filiales au motif que ces sociétés « n’avaient pas encore démarré leur activité commerciale ». Une telle exclusion est injustifiée. Il est courant en pratique qu’une phase préparatoire d’étude, de conceptualisation parfois de plusieurs années précède la phase de démarrage de l’activité commerciale proprement dite, cette circonstance est inapte à exclure ces sociétés en phase de démarrage du périmètre de l’animation. C’est tout au contraire durant cette période que le rôle de concours financier humain et opérationnel de la holding est susceptible de s’exprimer pleinement. Est en revanche justifié l’exclusion réalisée par l’arrêt des filiales faisant l’objet d’une liquidation et ayant cessé leur activité opérationnelle pourvu que cette cessation d’activité ou réorientation vers une activité patrimoniale soit définitive et qu’il ne s’agisse pas d’une simple phase transitoire de réorientation vers une nouvelle activité éligible. 

L’exclusion de principe des actifs affectés à l’activité d’animation du groupe, des bons de souscription d’actions détenues par la holding dans la société financière Slota pourtant reconnue comme filiale animée au motif qu’il s’agit qu’ils « sont par nature des actifs affectés à la gestion patrimoniale de la société holding et de sa filiale mais ne sont pas caractéristiques d’un service fourni par la société holding à la filiale qu’elle anime » est également contestable. Quand bien même ces valeurs mobilières revêtiraient une dimension spéculative, elles permettent à la holding en souscrivant de nouvelles actions de renforcer sa participation dans la société cible. Ces actifs participent pleinement au contrôle des filiales qui relève de la définition même de l’animation d’un groupe de sociétés comme le rappelle par ailleurs la Cour d’appel. 

Dans l’analyse menée par la Cour d’appel, une certaine confusion règne d’ailleurs exercée par la société financière Slota qui à proprement parler ne semble pas être une filiale animée exerçant une activité opérationnelle comme l’énonce la Cour d’appel mais une holding pure assurant le contrôle par la société financière de Rosario de sa sous-filiale la société Slota SA.

L’exclusion du périmètre de l’animation de participations détenues par la société financière de Rosario des sociétés de capital-risque et des fonds communs de placement à risque au motif que leur détenteur ne dispose d’aucun pouvoir de contrôle et d’orientation stratégique des sociétés sous-jacentes apparaît en revanche justifiée. En l’espèce, ainsi passé sous ce faisceau discutable, seules sont considérées comme entrant dans le périmètre de l’animation les participations détenues dans les sociétés financières Slota et la SA Slota. 

S’agissant des actifs autres que les participations détenues par la société financière de Rosario, l’arrêt confirme implicitement que comme nous le pensons la trésorerie des valeurs mobilières de placement détenue par la holding pourraient être rattachées aux actifs affectés à l’animation s’il était démontré qu’ils étaient effectivement affectés à l’activité du groupe. Tel n’est pas le cas en la circonstance. L’arrêt constate que l’importante trésorerie et titres de placement n’est étayée par aucun justificatif démontrant son utilisation à des fins de trésorerie ou de garanties des filiales animées. Il constate que chacune de ces dernières dispose par ailleurs de liquidités suffisantes pour financer ses propres activités et qu’il n’est justifié d’aucun projet d’investissement de développement du groupe justifiant la détention de tels actifs qui doivent en conséquence être considérés comme patrimoniaux. 

Question n°11 : la solution finalement retenue en l’espèce quant à l’éligibilité de la holding à l’exonération Dutreil est-elle identique au premier arrêt rendu par les juges parisiens.

Réponse : non.

L’épilogue se situe au contraire aux antipodes de la décision rendue par la Cour d’appel de Paris le 5 mai 2018 qui avait conclu à l’éligibilité de la transmission des titres de la société financière de Rosario au régime d’exonération Dutreil.

Cette fois, le juges parisiens constatent que « la part des actifs de la société Financière de Rosario affectée à son activité d’animation de ses filiales ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, représentant une valeur vénale totale de 32 425 879,92 euros sur un actif total de 86.044.335,29 euros, n’est pas prépondérante et ne permet pas de caractériser le fait que l’activité d’animation de la société holding Financière de Rosario constitue son activité principale. ».

Ils en concluent à juste titre qu’ « il en résulte que les actions de la société Financière de Rosario transmises le 20 décembre 2007 par M. [I] [J] ne réunissaient pas les conditions d’éligibilité pour bénéficier de l’exonération de droits de mutation à titre gratuit sur une partie de leur valeur. ».

Droit fiscal
François FRULEUX

François FRULEUX

Docteur en droit

Diplômé Supérieur du Notariat

Maître de conférences associé à l’Université Paris-Dauphine

Membre du Centre de Recherche Droit Dauphine (CR2D)

Directeur du Jurisclasseur Fiscal Enregistrement Traité

Membre du comité scientifique de la revue Actes pratiques et stratégie patrimoniale, du Jurisclasseur Ingénierie du patrimoine et du Lexis Pratique Fiscal

Consultant auprès du CRIDON Nord-Est

Enseignant à l’AUREP