Démembrement et attribution préférentielle : des précisions de la Cour de cassation

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Dans un arrêt remarqué du 30 avril 2025, la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. 1ère Civ., 30 avr. 2025, n°24-15.624) vient préciser les contours de l’attribution préférentielle en présence d’une succession répartie en démembrement de propriété. Elle vient censurer une Cour d’appel ayant attribué en pleine propriété un bien grevé d’un usufruit à un héritier seulement nu-propriétaire.

Dans cette affaire, relativement classique, un défunt laissait pour lui succéder son épouse, usufruitière de la succession et leurs trois enfants nus-propriétaires. Etant précisé que l’un des enfants, prédécédé, était représenté par ses descendants. L’actif successoral comprenait une exploitation agricole donnée à bail à long terme à l’une des enfants et son conjoint. Celle-ci a sollicité l’attribution préférentielle de l’ensemble agricole sur le fondement des articles 831 et suivants du Code civil.

Des difficultés intervinrent lors du règlement de la succession si bien que cette dernière assigna ses frères et sœurs en demandant l’attribution préférentielle des biens ruraux.

Les juges d’appel avaient fait droit à sa demande, prononçant une attribution en pleine propriété de la ferme litigieuse. Ils considéraient que cette attribution restait compatible avec l’usufruit de la veuve, dès lors que la répartition des droits des héritiers dans la succession et l’attribution privative de la propriété ne s’opéraient qu’à l’issue du partage.

Les cohéritiers formèrent un pourvoi en invoquant la violation des articles 831 et 833 du Code civil, faisant valoir que l’attribution préférentielle ne pouvait excéder les droits indivis du demandeur, lesquels, en l’espèce, se limitaient à la nue-propriété.

La Cour de cassation leur donne raison. Elle rappelle qu’un héritier ne peut demander l’attribution préférentielle que dans la limite de ses droits indivis, et que, lorsque l’indivision ne porte que sur la nue-propriété, l’attribution ne peut concerner que cette nue-propriété, non la pleine propriété. En clair, l’usufruit de la veuve continuera donc de grever le bien objet de l’attribution préférentielle.

Avis de l’AUREP : En synthèse, cette décision, publiée au Bulletin, apparaît à la fois bienvenue et justifiée. L’attribution préférentielle qui n’est qu’une modalité du partage, ne peut s’exercer qu’à hauteur des droits successoraux indivis, détenus par l’héritier, qu’il soit indivisaire en pleine propriété ou en nue-propriété. En l’espèce, cette modalité ne saurait déroger au principe selon lequel l’usufruit, en tant que droit réel distinct, continue de grever les biens transmis jusqu’à son extinction.

Droit civil
Communication AUREP

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