Apport de titres à une société holding / report d’imposition et moins-values

Eclairage du 26 mai 2023 - N°470

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L’administration vient de mettre à jour sa documentation (BOFIP) au 31 décembre 2022 concernant le report d’imposition de l’article 150 0 B ter du CGI, et l’apparition de moins-values. Pour mémoire, on parle ici du report d’imposition applicable lors de l’apport de titres à une société holding créée et contrôlée par l’apporteur.

Et ce qui nous intéresse particulièrement c’est la position de l’administration au sujet du sort fiscal des moins-values susceptibles d’apparaître dans ce genre de schéma. A cet égard, elle traite notamment de deux situations

Photo de Susan Q Yin sur Unsplash

Dans la première occurrence, il est évidemment tout à fait possible que la revente des titres de la société holding fasse apparaître une moins-value. Cette revente entraîne bien entendu la remise en cause du report d’imposition de la plus-value initiale constatée lors de l’apport. Et, normalement, celle-ci, déterminée dans son montant lors de l’apport doit être immédiatement imposée. Maintenant, la cession des titres mêmes du holding peut générer l’apparition d’une moins-value. L’administration traite alors du sort fiscal de cette moins-value de cession des titres du holding dans un sens favorable au cédant (BOFIP-RES-RPPM-000114.-07/12/2022). Elle admet que celle-ci soit imputable sur la plus-value mise en report et qui tombe d’elle-même du fait même de cette cession. Etablir dès lors une relation entre la plus-value initiale et cette moins-value de cession des titrez du holding témoigne à l’évidence d’une certaine logique.

Cette doctrine revêt dès lors une grande importance. Aucune disposition légale ne permet en effet une telle compensation entre la plus-value d’apport et la moins-value de cession des titres du holding. Mais sur le fondement de cette doctrine, le conseiller peut du même coup procéder à une telle compensation sans nulle crainte. Cette doctrine est en effet opposable à l’administration sur le fondement des dispositions de l’article L. 80 A du LPF. La sécurité fiscale est par conséquent totale.

Dans la seconde occurrence, celle dans laquelle le holding réalise une moins-value de cession des titres qui lui ont été apportés, cette analyse ne pourrait en aucun cas être transposée. Dans cette circonstance en effet, l’administration rappelle que si le report d’imposition n’est alors pas remis en cause, son maintien implique le remploi du prix de cession des titres apportés à hauteur de 60 % dans une activité économique éligible au bénéfice des dispositions légales. La solution ne prête ici aucunement le flanc à la critique. Aucune compensation entre plus-value mise en report et moins-value de cession des titres apportés ne peut à l’évidence réalisée parce que l’une et l’autre sont constatées par deux personnes juridiques distinctes. La plus-value en report est réalisée par l’apporteur personne physique, cependant que la moins-value de cession des titres apportés est constatée par le holding, personne morale parfaitement indépendante. 

Dans la première occurrence, les deux opérations sont le fait de la même personne juridique : l’apporteur créateur du holding dont les titres reçus en contrepartie de l’apport sont ensuite cédés.

Il serait dans ces conditions très dangereux de tenter d’étendre la doctrine précitée pour estimer que la moins-value réalisée par la société holding à raison de la cession des titres qui lui ont été apportés pourrait être imputée sur la plus-value mise en report d’imposition lors de l’apport initial. En effet, pour se prévaloir d’une doctrine administrative sur le fondement de l’article L. 80 A précité, rappelons que le contribuable doit se trouver exactement dans la situation évoquée par cette même doctrine. C’est ce que l’on appelle la condition de conformité chère au Conseil d’Etat (notamment : CE, 9 mars 1998, req. n° 168003.- CAA Bordeaux, 3è Ch., 17 novembre 1998, req. n° 96-358.- CE, Sect. 20 octobre 2000, req. n° 222675, « Melle Bertoni ».- CE 25 février 2004 n° 222904, ″Sté Française de Réassurances″). Et la doctrine ne s’intéresse qu’au sort fiscal de la moins-value née de la cession des titres du holding lui-même.

Etendre une doctrine à une situation voisine serait le péché du surdoué de la fiscalité.

Droit fiscal
Pierre FERNOUX

Pierre FERNOUX