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Les obligations déclaratives afférentes à l’exonération « Dutreil » en cinq questions/réponses

Eclairage du 05 septembre 2019 - N°319

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Le décret du 27 juin 2019 détaille les obligations déclaratives devant être respectées lors de l’application du dispositif d’exonération partielle « Dutreil » qui a été réformé par la dernière loi de finances. A bien des égards, il mérite que l’on s’attarde sur son contenu et sa mise en œuvre pratique, sous la forme de questions/réponses.

QUESTION 1 : LE DÉCRET FOURNIT DES INDICATIONS UNIQUEMENT FORMELLES CONCERNANT LES JUSTIFICATIFS À PRODUIRE LORS DE LA TRANSMISSION ET ULTÉRIEUREMENT.

Réponse : Faux.

En l’absence de commentaires administratifs précisant les modifications résultant de la dernière réforme du régime de faveur parus lors de la publication du décret, l’analyse détaillée des nouvelles obligations déclaratives fournit sur de nombreux points des indications utiles concernant des questions qui restent incertaines.

C’est le cas par exemple de la question de savoir si l’engagement collectif de conservation post-mortem peut s’appliquer à la transmission de titres de sociétés interposées.

Aucune indication n’est fournie à ce sujet ni par les textes législatifs ni par la doctrine administrative.

Cette question est réglée par prétérition par les dispositions réglementaires précisant les obligations déclaratives. En détaillant dans le décret les attestations à produire (CGI ann. II, art. 294 bis), l’Administration admet implicitement, comme d’ailleurs dans le cadre des obligations déclaratives antérieures, qu’en l’absence d’engagement collectif de conservation en cours au décès, l’engagement collectif post mortem peut être souscrit dans les six mois du décès par la société interposée sur la participation qu’elle détient dans la société cible, afin d’ouvrir droit au bénéfice des successeurs de l’associé de la société interposée à l’exonération partielle. En effet, le IV de l’article 294 bis de l’annexe II au CGI détaille dans un tel contexte les obligations déclaratives devant être respectées, ce qui présuppose la possibilité même de conclure dans un tel contexte l’engagement collectif post mortem.

QUESTION 2 : LES NOUVELLES OBLIGATIONS DÉCLARATIVES SONT FONDÉES SUR UN SYSTÈME DE RENVOI TELLEMENT COMPLEXE QUE L’ADMINISTRATION FISCALE S’Y PERD ELLE-MÊME, CE QUI REND CERTAINES DISPOSITIONS LITTÉRALEMENT INAPPLICABLES ?

Réponse : Vrai.

Lors de la transmission, à la copie de l’engagement de conservation, les bénéficiaires de la transmission doivent joindre une attestation délivrée par la société dont les titres sont soumis à l’engagement de conservation certifiant que cet engagement est en cours lors de la transmission à titre gratuit et qu’il a été respecté pour le pourcentage et le nombre de titres pour lequel il a été conclu lors de sa souscription et jusqu’au jour de la transmission à titre gratuit.

Cette disposition contient une erreur dans le renvoi fait par le texte (CGI, ann. II, art. 294 bis I, 2°, b) qui vise « le pourcentage et le nombre de titres prévu au b du 1° ». Cette dernière disposition renvoie en effet au signataire exerçant la fonction de direction ou activité principale au sein de la société. Cette référence erronée qui nous semble devoir être corrigée correspond en réalité à l’ancienne structure du texte dans sa rédaction antérieure au décret du 27 juin 2019 ; l’administration n’ayant pas intégré les modifications qu’elle a elle-même apporté à cette disposition lorsqu’elle a effectué ce renvoi.

Le renvoi doit en réalité être opéré au a du 1° qui, pour sa part, fait référence au nombre total des titres et pourcentage requis pour conclure l’engagement collectif de conservation.

QUESTION 3 : LES ATTESTATIONS À PRODUIRE SONT CONFORMES AUX PRISES DE POSITIONS JUSQU’À PRÉSENT TENUES PAR L’ADMINISTRATION FISCALE DANS LA DOCTRINE.

Réponse: Faux.

On est surpris de constater à la lecture de l’article 294 bis IV 2°, b que lorsque la transmission porte sur des titres de société interposée et est assortie d’une réserve d’usufruit, l’administration impose au donataire la production d’une attestation délivrée par « la société dont les parts ou actions font l’objet (de l’engagement collectif de conservation) certifiant lorsque la donation est assortie d’une réserve d’usufruit « la limitation, par ses statuts, des droits de l’usufruitier dans les conditions prévues à l’avant-dernier alinéa de l’article 787 B, c’est-à-dire limiter aux décisions concernant l’affectation des bénéfices ».

Une telle exigence apparaît contraire aux objectifs poursuivis par cette exigence destinée à limiter les pouvoirs du donateur. Elle contredit assurément l’analyse retenue jusqu’à présent par l’administration fiscale énonçant que dans le cadre des sociétés interposées, cette limitation de droits de vote de l’usufruitier ne concerne pas les titres soumis à l’engagement collectif de conservation, mais ceux de la société interposée transmis par donation (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, § 300). Cette contradiction ne peut s’expliquer par le fait que l’indication « le cas échéant » signifierait que l’attestation concerne seulement la société interposée dont les titres sont transmis puisque l’obligation déclarative énoncée par cette disposition concerne exclusivement la société cible dont les titres font l’objet de l’engagement collectif.

On ne sait s’il faut voir dans cette discordance une nouvelle erreur de plume de l’administration ou, ce qui serait encore plus inquiétant un infléchissement de la doctrine.

QUESTION 4 : COMME LA RÉFORME DU RÉGIME DUTREIL RÉALISÉE PAR LA DERNIÈRE LOI DE FINANCES, LA MODIFICATION DES OBLIGATIONS DÉCLARATIVES CONCERNE SEULEMENT L’EXONÉRATION APPLICABLE AUX ENTREPRISES SOCIÉTAIRES ?

Réponse: Faux.

Comme l’avaient laissé entendre les travaux parlementaires, le décret modifie également les obligations déclaratives concernant le régime d’exonération applicable aux entreprises individuelles (CGI, art. 787 C), dans le but d’uniformiser les deux régimes connexes.

Les obligations déclaratives annuelles systématiques sont également supprimées dans ce régime. Leur sont substituées des attestations devant être produites à la demande de l’administration fiscale ou, de manière systématique à l’issue de l’engagement individuel de conservation.

À l’image du régime d’exonération lui-même, le dispositif mis en place est beaucoup plus simple que celui afférent transmissions de parts sociales ou d’actions.

QUESTION 5 : LES ATTESTATIONS À FOURNIR SONT PARTICULIÈREMENT CONFUSES ET COMPLEXES LORSQUE LA TRANSMISSION PORTE SUR DES TITRES DE SOCIÉTÉS INTERPOSÉES ET APPARAISSENT REDONDANTES.

Réponse: Vrai.

Lorsque la transmission porte sur des titres de sociétés interposées détenant directement ou indirectement une participation dans une société cible faisant l’objet de l’engagement collectif de conservation, quelles que soient les modalités d’application du régime de faveur des obligations déclaratives spécifiques doivent être respectées.

Ce texte complexifie inutilement les obligations déclaratives et apparait au moins partiellement redondante. Ainsi, avec un niveau d’interposition, la société interposée doit attester du nombre de parts ou actions qu’elle détient de manière continue depuis la souscription de l’engagement de conservation ou, le cas échéant, durant les deux ans précédant la date de la transmission opérée dans les conditions prévues au 2 du b de l’article 787 B précité, dans la société cible. De son côté, cette dernière doit fournir une attestation certifiant le nombre de parts ou actions soumises aux obligations de conservation, ainsi que les pourcentages de son capital et de ses droits de vote afférents, détenues de manière continue par la société interposée soumise à ces obligations depuis la souscription de l’engagement de conservation ou, le cas échéant, durant les deux ans précédant la date de transmission (CGI, ann. II, Art. 294 bis IV, 2°, a). L’établissement d’une seule attestation délivrée par la société cible contenant l’ensemble des indications requises aurait été plus simple…

Points essentiels :

Le texte tente de dissimuler ces doublons en précisant, aux termes d’une formulation inutilement complexe que la ou les attestations délivrées par la ou les sociétés interposées seront centralisées par la société cible et fournies par cette dernière aux bénéficiaires de la transmission (CGI, ann. II, Art. 294 bis IV, 2°, a al. 2.).

Droit fiscal
François FRULEUX

François FRULEUX

Docteur en droit

Diplômé Supérieur du Notariat

Maître de conférences associé à l’Université Paris-Dauphine

Membre du Centre de Recherche Droit Dauphine (CR2D)

Directeur du Jurisclasseur Fiscal Enregistrement Traité

Membre du comité scientifique de la revue Actes pratiques et stratégie patrimoniale, du Jurisclasseur Ingénierie du patrimoine et du Lexis Pratique Fiscal

Consultant auprès du CRIDON Nord-Est

Enseignant à l’AUREP