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La Cour de cassation consacre-t-elle l’éligibilité d’une holding animatrice nouvellement créée à l’exonération « Dutreil » ?

Eclairage du 14 mai 2020 - N°348

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Questions-réponses 

Un arrêt récent de la Cour de cassation[1] semble avoir entrainé une certaine confusion sur la question sensible et importante en pratique de l’éligibilité à l’exonération « Dutreil » (CGI art. 787 B) des sociétés holdings animatrices constituées concomitamment à la réalisation d’une transmission à titre gratuit.

Une clarification s’impose.

Question n°1 : Les faits ayant donné lieu à cette décision concernaient-ils l’éligibilité à l’exonération « Dutreil » d’une  holding animatrice constituée à l’occasion de  la transmission.

Réponse : Oui. Et ils étaient caricaturaux.

Dans cette affaire, la société Holding G. avait été constituée le 22 décembre 2010.  Les 22 et 23 décembre 2010, elle s’était vu confier « le soin de définir et faire respecter la politique générale du groupe » constituée entre elle et ses deux filiales, les sociétés CP et LP.

Le 30 décembre 2010, Mme G. donna à son fils, 30 000 actions de la société Holding G  après conclusion la veille d’un contrat d’assistance et de gestion entre la société G. et ses filiales.

Question n°2 : Quelle fut la réaction de l’administration fiscale

Réponse : Elle contesta le bénéfice de l’exonération partielle.

Elle remit en cause par voie de proposition de rectification l’exonération de 75 % appliquée dans le cadre de cette donation, au motif que la preuve n’était pas rapportée de l’exercice par la société Holding G d’une activité éligible au régime de faveur.

Aux termes d’un arrêt confirmatif, la Cour d’appel de Dijon (CA Dijon, 24 oct. 2017, n° 16/00993 : JurisData n° 2017-021366) valida la proposition de rectification en énonçant que « la valeur des titres sociaux de la SAS Holding G., donnés huit jours après sa création, ne peut donner lieu à l’abattement de 75 % prévu dans l’article 787 B du code général des impôts en ce qui concerne une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, aucun des documents qu’a versés aux débats M. G. n’établissant l’effectivité, lors de la donation, de l’activité d’animatrice de groupe par la holding ».(V. J-J Lubin, Pacte Dutreil – Une holding ne peut pas être animatrice dès sa création – La revue fiscale du patrimoine n° 11, Novembre 2017, act. 192).

Question n°3 : Cet arrêt rendu par la Cour d’appel est-il cassé par la Haute Juridiction ?

Réponse : oui

Cet arrêt est censuré par la cour de cassation dans un arrêt rendu le 18 mars 2020 (C. com. 18 Mars 2020, n° 17-31.233).

Question n°4 : Pour autant doit-on en conclure que la Cour de cassation admet qu’une holding animatrice nouvellement créée est éligible à l’exonération fiscale Dutreil ?

Réponse : non

Cette lecture a été retenue dans des premiers commentaires (V. Même une société Holding animatrice nouvellement créée est éligible à l’exonération fiscale Dutreil, Fiscal on line,10 avril 2020 www.fiscalonline.com), cette décision de la Cour de cassation consacrerait la possibilité pour les sociétés holdings d’être éligibles à l’exonération « Dutreil » dès leur constitution, sans avoir à justifier de l’effectivité de l’animation du groupe avant la transmission[2].

Mais, ce n’est pas le cas. L’arrêt rendu par la Haute Juridiction n’énonce pas un tel principe.

Depuis quelques mois, la cour de cassation retient une nouvelle structuration et rédaction, à nos yeux plus claire et didactique, des décisions qu’elle rend (V. Les réformes de la motivation et de la rédaction des décisions de la Cour de cassation ; Cour de cassation – Arrêts mieux motivés, jurisprudence plus cohérente – Entretien avec Christophe SOULARD, Droit pénal n° 11, Novembre 2019, entretien 5).

Manifestement, cette nouvelle présentation peut également être déstabilisante.

Le principe suivant lequel : « la condition d’effectivité de ce rôle d’animation à la date de la donation ne saurait conduire à exiger que la société holding considérée justifie d’actes d’animation accomplis de manière régulière depuis un laps de temps suffisant, ce qui reviendrait à exclure du dispositif légal d’exonération susvisé toutes les sociétés holding nouvellement créées ; que pour ces dernières, la condition d’effectivité de l’activité d’animation doit être regardée comme satisfaite lorsqu’à la date de la donation, la société holding se trouve contractuellement engagée envers ses filiales à exercer ce rôle d’animation » n’est pas énoncé par la Cour de cassation dans sa décision.

Il figure seulement parmi les moyens soulevés par l’auteur du pourvoi[3] et annexés, comme c’est l’usage, à la décision rendue.

Question n°5 : Alors que dit l’arrêt au fond ? Qu’est-ce qui explique la cassation de l’arrêt rendu par la Cour d’Appel ?

Réponse : L’arrêt n’aborde pas la question au fond.

La cassation est prononcée sur un fondement de pure procédure, au demeurant fort classique (V. Cass. com. 8 nov. 2005 n° 03-19.570 FS-PB ; BOI-ENR-DG-50-10, n°20 ; V. également, Cass. com. 12 déc. 2018 n° 17-11.861 FS-PB : RJF 6/19 n° 592). L’administration fiscale peut choisir de notifier les redressements à l’un seulement des redevables solidaires de la dette fiscale, mais la procédure ensuite suivie doit être contradictoire. La loyauté des débats l’oblige à notifier les actes de celle-ci à tous ces redevables.

En l’espèce, au visa des articles 1705 du CGI et  R 256-2 du LPF, la cour suprême reproche à la cour d’appel d’avoir déclaré la procédure régulière, alors que l’administration fiscale n’avait émis l’avis de mise en recouvrement des droits à l’encontre de Mme G donatrice et redevable solidaire des droits que tardivement, en cause d’appel. 

Aucun enseignement ne peut donc être retiré de cet arrêt en ce qui concerne, au fond, la question de la possibilité pour une holding animatrice venant d’être constituée d’être éligible à l’exonération partielle « Dutreil » lors de la transmission à titre gratuit de ses titres.

Ce point n’est pas abordé par la décision. Il ne le sera pas non plus ultérieurement, puisque par hypothèse l’invalidation de la procédure conduit la Haute juridiction à prononcer la cassation sans renvoi de l’arrêt de la cour d’appel (V. M-N. Jobard-Bachellier, X. Bachellier &J. Buk Lament, La technique de cassation, Pourvois et arrêts en matière civile, 8e éd., Dalloz, 2013).

Question n°6 : Mais alors quelle est la véritable position de la Cour de cassation sur cette question ? A-t-elle déjà été tranchée.

Réponse : Elle est fort différente.

La plus grande prudence continue de s’imposer dans de telles situations (V. Sur cette recommandation et pour des précautions opérationnelles, F. Fruleux, JC En Traité, V° Succession, fasc. 68-5, n°66 ; M. Clermon, F. Fruleux & A. Navaud, La transmission de l’entreprise familiale, Actes pratiques et stratégie patrimoniale n° 2, Avril 2015, dossier 14, n°3 ; V. J-J Lubin, préc).

Dans une jurisprudence antérieure rendue dans des circonstances similaires, la Cour de cassation a en effet clairement admis que la concomitance de la transmission et de la constitution d’une holding animatrice ne permettait pas de rapporter la preuve que la société holding exerçait une activité éligible lors de la réalisation de la donation :

« en l’espèce, l’arrêt constate que les actes juridiques essentiels à la mise en œuvre par la société holding JBFB d’une activité d’animatrice de groupe étaient concomitants à la donation-partage et que le dossier de M. et Mme X… ne contenait pas le moindre indice matériel des prestations de management en matière de stratégie, d’animation et de contrôle des sociétés du groupe effectuées par la société JBFB ; qu’il relève que, sur le plan comptable, il n’apparaissait aucune autre dépense que la rémunération versée par la société JBFB à son salarié et que, jusqu’à la création de la société Financière des Tourrais, le rôle d’animation et de contrôle du groupe était assumé par la société Thermcross ; que la cour d’appel a pu déduire de ces constatations et appréciations, sans inverser la charge de la preuve, que M. et Mme X… ne démontraient pas qu’à la date de la donation-partage, la société JBFB exerçait effectivement, en plus de son activité financière, une activité d’animatrice de groupe ; que le moyen n’est pas fondé » (Cass. com., 21 juin 2011, n° 10-19.770, F-P+B, Bernard : JurisData n° 2011-012356 ; Dr. fisc. 2012, n° 5, comm. 124, note D. Barsus et J. Béguier).

Cette jurisprudence est toujours d’actualité. 

Cour de cassation, Chambre commerciale économique et financière, 18 Mars 2020 – n° 17-31.233

Décision

Classement par pertinence

Cour de cassation

Chambre commerciale économique et financière

18 Mars 2020

Numéro de pourvoi : 17-31.233

Numéro d’arrêt : 210

Inédit

Contentieux Judiciaire

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR DE CASSATION


Audience publique du 18 mars 2020

Cassation sans renvoi

M. GUÉRIN, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n 210 F-D

Pourvoi n A 17-31.233

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 MARS 2020

M. Fabrice G., domicilié […], a formé le pourvoi n A 17-31.233 contre l’arrêt rendu le 24 octobre 2017 par la cour d’appel de Dijon (1 chambre civile), dans le litige l’opposant à l’administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Rhône-Alpes-Bourgogne, agissant sous l’autorité de la direction générale des finances publiques, dont le siège est […], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SCP C., T., P., avocat de M. G., de la SCP F. et F., avocat de l’administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Rhône-Alpes-Bourgogne, agissant sous l’autorité de la direction générale des finances publiques, après débats en l’audience publique du 28 janvier 2020 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Dijon, 24 octobre 2017), les sociétés Creusot Pneus et Langres Pneus ont, les 22 et 23 décembre 2010, confié à la société Holding G. (la société G.), constituée le 22 décembre 2010, « le soin de définir et faire respecter la politique générale du groupe » composé de ces trois personnes morales. Le 29 décembre 2010, la société G. a conclu avec ses filiales un contrat d’assistance ainsi que de gestion.

2. Le 30 décembre 2010, Mme G. a transféré à titre gratuit à son fils, M. Fabrice G. (M. G.), 30 000 actions de la société G..

3. Les titres de cette société ayant fait l’objet d’un engagement collectif de conservation et M. G. s’étant engagé à continuer d’exercer son mandat de président directeur général, un abattement de 75 % a, pour le calcul des droits d’enregistrement, été pratiqué sur la valeur des actions ayant fait l’objet de la donation, sur le fondement des dispositions de l’article 787 B du code général des impôts.

4. Le 17 juin 2013, l’administration fiscale a adressé à M. G. une proposition de rectification de ces droits, outre des intérêts de retard et des majorations pour manquement délibéré.

5. Après avis de mise en recouvrement du 23 décembre 2013 et rejet de sa contestation, M. G. a saisi le tribunal d’une demande d’annulation des redressements qui lui avaient été notifiés.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

6. M. G. fait grief à la cour de rejeter ses demandes alors « que la procédure fiscale précontentieuse doit être contradictoire à l’égard de tous les débiteurs solidaires de la dette fiscale contestée et la loyauté des débats oblige l’administration à notifier, en cours de procédure, à l’ensemble des personnes qui peuvent être poursuivies les actes de la procédure les concernant afin de les mettre en mesure de faire valoir utilement leurs droits ; qu’en l’espèce, l’administration fiscale n’a notifié à Mme G., débitrice solidaire des droits d’enregistrement litigieux, un avis de mise en recouvrement de ces droits que le 9 mai 2017, la veille de la production de son mémoire en défense devant la cour d’appel et plus de trois ans après la notification à M. G., redevable solidaire des droits litigieux, de l’avis de mise en recouvrement de ces mêmes droits le 23 décembre 2013 ; qu’en jugeant que la procédure d’imposition était régulière au motif que la direction générale des finances publiques a émis le 9 mai 2017 contre Mme G. un avis de mise en recouvrement, cependant que la notification à Mme G. n’est intervenue qu’en cause d’appel, la veille de la production du mémoire en défense de l’administration, ce qui n’avait pas mis Mme G. en mesure de faire valoir ses droits, la cour d’appel a violé ensemble les principes du contradictoire et de loyauté de débats. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1705 du code général des impôts et R.* 256-2 du livre des procédures fiscales ;

7. Selon ces textes, si l’administration fiscale peut choisir de notifier les redressements à l’un seulement des redevables solidaires de la dette fiscale, la procédure ensuite suivie doit être contradictoire et la loyauté des débats l’oblige à notifier les actes de celle-ci à tous ces redevables.

8. Pour dire la procédure régulière, l’arrêt, après avoir constaté qu’un avis de mise en recouvrement avait été adressé à M. G. le 23 décembre 2013, relève que l’administration fiscale justifie avoir émis, le 9 mai 2017, un avis de mise en recouvrement à l’encontre de Mme G..

9. En statuant ainsi, alors que l’avis émis à l’encontre du redevable solidaire l’avait été pendant le déroulement de la procédure devant elle, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. La cassation prononcée n’implique pas, en effet, qu’il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 24 octobre 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Dijon ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

Déclare la procédure d’imposition irrégulière ;

Condamne l’administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée du contrôle fiscal de Rhône-Alpes-Bourgogne, agissant sous l’autorité de la direction générale des finances publiques, aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP C., T., P., avocat aux Conseils, pour M. G.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR débouté Monsieur Fabrice G. de sa demande tendant à voir constatée l’irrégularité de la procédure suivie par l’administration fiscale pour établir les rappels de droits d’enregistrement litigieux et à voir prononcée la décharge consécutive de ces rappels ;

AUX MOTIFS QUE « la Direction Générale des Finances publiques justifie avoir émis le 9 mai 2017 contre Madame Jocelyne G. un avis de mise en recouvrement des sommes de 341 775 €, 136 710 € et 41 013 € ; que la procédure critiquée est dès lors régulière » ;

1) ALORS, D’UNE PART, QUE, la procédure fiscale précontentieuse faisant suite à l’envoi des propositions de rectification aux contribuables débiteurs solidaires d’une dette fiscale doit être contradictoire à l’égard de tous les débiteurs solidaires et la loyauté des débats oblige l’administration fiscale à notifier tous les actes de celle-ci à chacun des redevables, à peine de nullité de la procédure erga omnes ; qu’en l’espèce, Monsieur G. soutenait dans ses écritures que si Madame G. avait bien été destinataire d’une proposition de rectification, il n’en a pas été de même de tous les autres actes postérieurs de la procédure fiscale puisqu’elle n’avait pas reçu notification du courrier de l’administration accusant réception de la réclamation contentieuse du 4 mars 2014 ; qu’en estimant que la procédure d’imposition était régulière au motif que la direction générale des finances publiques justifie avoir émis le 9 mai 2017 contre Madame Jocelyne G. un avis de mise en recouvrement, sans rechercher si cette dernière, bien que susceptible d’être poursuivie comme débitrice solidaire, s’était vue notifier tous les actes de la procédure fiscale, y compris le courrier de l’administration accusant réception de la réclamation contentieuse du 4 mars 2014, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1705 du code général des impôts, ensemble le principe de loyauté des débats ;

2) ALORS, D’AUTRE PART, QUE, la procédure fiscale précontentieuse doit être contradictoire à l’égard de tous les débiteurs solidaires de la dette fiscale contestée et la loyauté des débats oblige l’administration à notifier, en cours de procédure, à l’ensemble des personnes qui peuvent être poursuivies les actes de la procédure les concernant afin de les mettre en mesure de faire valoir utilement leurs droits ; qu’en l’espèce, l’administration fiscale n’a notifié à Madame Jocelyne G., débitrice solidaire des droits d’enregistrement litigieux, un avis de mise en recouvrement de ces droits que le 9 mai 2017, la veille de la production de son mémoire en défense devant la cour d’appel et plus de trois ans après la notification à Monsieur G., redevable solidaire des droits litigieux, de l’avis de mise en recouvrement de ces mêmes droits le 23 décembre 2013 ; qu’en jugeant que la procédure d’imposition était régulière au motif que la direction générale des finances publiques a émis le 9 mai 2017 contre Madame Jocelyne G. un avis de mise en recouvrement, cependant que la notification à Madame G. n’est intervenue qu’en cause d’appel la veille de la production du mémoire en défense de l’administration ce qui n’avait pas mis Madame G. en mesure de faire valoir ses droits, la cour d’appel a violé ensemble les principes du contradictoire et de loyauté de débats.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR débouté Monsieur Fabrice G. de ses demandes tendant à la décharge des impositions supplémentaires, en droits et pénalités, auxquelles il a été assujetti au titre de la donation des actions de la société HOLDING G..

AUX MOTIFS QUE « la valeur des titres sociaux de la SAS Holding G., données huit jours après sa création, ne peut donner lieu à l’abattement de 75 % prévu dans l’article 787 B du code général des impôts en ce qui concerne une société ayant une activité industrielle, commerciale artisanale, agricole ou libérale, aucun des documents qu’a versés aux débats M. G. n’établissant l’effectivité, lors de la donation, de l’activité d’animatrice de groupe par la holding ; que n’apportent pas d’éléments à cet égard les décisions des 22 et 23 décembre 2010, les contrats du 29 décembre 2010, le procès-verbal dressé le 2 juillet 2007 relativement à une habilitation de M. G. pour représenter les intérêts de Creusot Pneus au comité de direction d’une société Profil Plus, celui d’une réunion de ce comité le 10 juillet 2007, les pouvoirs accordés au susnommé le 16 septembre 2008 quant à un projet d’acquisition d’un fonds de commerce Relais Pneus par Creusot Pneus, l’autorisation qu’a consentie le conseil d’administration de Creusot Pneus le 6 décembre 2010 pour l’apport de titres à la SAS Holding G., le courrier destiné à cette dernière par la Direction Générale des Finances Publiques le 17 juin 2013 et non constitutif d’une prise de position formelle en ce qu’elle informe d’une absence de rectification ensuite d’une vérification de comptabilité sur l’année 2011 avec les déclarations de TVA jusqu’au 30 septembre 2012, le formulaire renseigné de détermination du résultat fiscal d’Holding G. pour l’exercice clos le 31 décembre 2010 »

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « pour justifier du caractère d’animatrice de la société holding qu’il préside, Monsieur G. produit deux conventions en date du 29 décembre 2010, l’une signée avec la société filiale CREUSOT PNEUS, l’autre avec la société filiale LANGRES PNEUS ; Qu’il résulte de ces conventions d’assistance et de gestion que la société HOLDING G. sera chargée de déterminer la politique générale du groupe, ce qui recouvre notamment la politique commerciale notamment par la fixation des tarifs des marchandises et prestations, la gestion des ressources humaines et plans de carrières, la politique en matière d’achat, les décisions d’investissement, les relations avec les banques et le réseau d’affiliation, les décisions de croissance interne ou externe ; Qu’il est prévu que la société HOLDING G. s’oblige à apporter à ses filiales son assistance pour la coordination et l’exécution de ses fonctions financières, comptables, administratives, techniques et commerciales ; que ces différents fonctions sont détaillées à la suite dans lesdites conventions ; Qu’il est également prévu qu’en contrepartie des prestations fournies, les sociétés filiales seront redevables envers la société HOLDING G. d’une redevance d’assistance et de gestion mensuelle hors taxes égale à 3,75 % du chiffre d’affaires HT annuel ; Que Monsieur G. produit également le procès-verbal de délibération du conseil d’administration de la société CREUSOT PNEUS en date du 22 décembre 2010 15 selon lequel il est décidé de confier à la société HOLDING G. représentée par Monsieur G. le soin de définir et de faire respecter la politique générale du Groupe compose’ des sociétés CREUSOT PNEUS, LANGRES PNEUS et HOLDING G., d’autoriser l’achat du fonds de commerce de la société MADICA et d’habiliter Monsieur G. à signer l’acte de vente et consentir toute garantie qui serait exigée et de donner mandat à la société HOLDING G. de rechercher un local commercial à usage de stockage et de bureau pour le compte du Groupe sur la commune du CREUSOT ; Que selon délibération du conseil d’administration de la SA LANGRES PNEUS du 23 décembre 2010, il est décidé également de confier à la société HOLDING G. représentée par Monsieur G. le soin de définir et de faire respecter la politique générale du Groupe composé des sociétés CREUSOT PNEUS, LANGRES PNEUS et HOLDING G., d’autoriser la signature d’une convention d’assistance et de gestion avec la société HOLDING G. et de donner mandat à la société HOLDING G. de rechercher un local commercial à usage de stockage et de bureau pour le compte du Groupe sur la commune du CREUSOT ; Que si l’ensemble de ces documents internes au groupe démontrent la volonté de donner à la société HOLDING G. la conduite de la politique du groupe, il n’est pas démontré que cette politique était effectivement menée lors de l’acte de transmission à titre gratuit des parts de Madame G. à son fils ; que ceci peut s’expliquer par le caractère très récent de la création de la société HOLDING G. créée le 21 décembre 2010 alors que l’acte de cession à titre gratuit date du 30 décembre 2010 ; Qu’il appartient à Monsieur G. de démontrer par d’autres documents, tel son propre agenda, compte rendu de séances de travail, présentation de rapports de commissaire aux comptes, contrats de partenariats conclus avec des clients ou les banques… que l’animation par la société holding qu’il préside était effective et concrète à la date de la transmission des parts par sa mère, soit le 30 décembre 2010; Qu’en effet, à cette date, il n’est pas établi avec précision et concrètement le contenu de la politique du groupe que la société holding entendait mener ; Que le mandat passé pour rechercher un local commercial à usage de stockage et de bureau ne suffit pas seul à démontrer l’effectivité de l’animation prétendument menée ; Que de même des documents antérieurs à la création de la société HOLDING G. ne peuvent laisser présumer quelle sera l’activité effective de cette société avant sa création, ni celle de son futur président qui ne démontre pas, en l’espèce, son investissement professionnel dans la société holding nouvellement créée ; Que sans rajouter de conditions à la définition de la société holding animatrice, il convient de considérer que la preuve de l’animation effective et de la participation active à la politique du groupe n’est pas établie en l’espèce par les seuls documents produits ; Que par conséquent, la demande de voir annuler la décision de rejet du 14 août 2014 de l’Administration fiscale sur ce point sera rejetée »

ALORS QUE les transmissions à titre gratuit de titres de sociétés holdings sont susceptibles de bénéficier de l’exonération partielle de droits de mutations prévue par l’article 787 B du CGI à la condition toutefois que ces sociétés holdings exercent effectivement, à la date de la donation, une activité d’animation de leur groupe ; que la condition d’effectivité de ce rôle d’animation à la date de la donation ne saurait conduire à exiger que la société holding considérée justifie d’actes d’animation accomplis de manière régulière depuis un laps de temps suffisant, ce qui reviendrait à exclure du dispositif légal d’exonération susvisé toutes les sociétés holding nouvellement créées ; que pour ces dernières, la condition d’effectivité de l’activité d’animation doit être regardée comme satisfaite lorsqu’à la date de la donation, la société holding se trouve contractuellement engagée envers ses filiales à exercer ce rôle d’animation ; qu’en l’espèce, Monsieur G. rappelait dans ses écritures qu’à la date de la donation litigieuse des titres de la société HOLDING G., cette société holding, nouvellement créée, était liée par des conventions d’animation préalablement conclues avec ses filiales, par lesquelles elle s’était obligée à conduire, moyennant rémunération, la politique de son groupe ; qu’en refusant de considérer que ces conventions étaient de nature à établir l’effectivité du rôle d’animation, au motif adopté que si les documents produits par Monsieur G. démontraient la volonté de donner à la société HOLDING G. la conduite de la politique du groupe, ils ne permettaient toutefois pas d’établir que cette politique était effectivement menée lors de l’acte de transmission à titre gratuit des titres de Madame G. à son fils, la cour d’appel, qui s’est par là méprise sur la portée de la condition d’effectivité du rôle d’animation, a violé le texte susvisé.


[1]C. cass com. 18 Mars 2020, n° 17-31.233.

[2]Depuis lors ce site a rapporté cette analyse : V. Mea culpa de la rédaction, 24 avril 2020.

[3]C’est à dire l’argumentaire développé par l’auteur du pourvoi.

Droit fiscal
François FRULEUX

François FRULEUX

Docteur en droit

Diplômé Supérieur du Notariat

Maître de conférences associé à l’Université Paris-Dauphine

Membre du Centre de Recherche Droit Dauphine (CR2D)

Directeur du Jurisclasseur Fiscal Enregistrement Traité

Membre du comité scientifique de la revue Actes pratiques et stratégie patrimoniale, du Jurisclasseur Ingénierie du patrimoine et du Lexis Pratique Fiscal

Consultant auprès du CRIDON Nord-Est

Enseignant à l’AUREP