La Cour administrative d’appel de Lyon a rendu, en mars dernier, un arrêt particulièrement pédagogique sur les conditions d’application de l’abattement fixe de 500 000 € prévu à l’article 150-0 D ter du CGI. Ce dispositif vise les plus-values de cession de droits sociaux réalisées par des dirigeants de PME soumises à l’impôt sur les sociétés, partant à la retraite.

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Dans cette affaire, M. et Mme B. étaient associés de la SAS « Entreprise B Père et Fils ». Ils ont cédé leurs titres en 2017. À cette occasion, ils ont déclaré une plus-value et appliqué des abattements fiscaux prévus aux articles 150-0 D ter et 150-0 D 1 quater du CGI.
À la suite d’un contrôle fiscal, l’Administration a remis en cause ces abattements pour Mme B. Elle arguait du fait qu’elle n’avait pas perçu une rémunération normale corrélée à ses fonctions, faute de représenter plus de la moitié de ses revenus professionnels, et qu’elle n’avait pas exercé effectivement les fonctions de dirigeante de l’entreprise.
Le tribunal administratif de Lyon ayant rejeté la demande de décharge des impositions complémentaires ; le couple de dirigeants cédants fit appel.
Sur le fond, les débats se sont entre autres articulés autour du bien-fondé de ces impositions. Les requérants revendiquaient le fait que :
- Mme B., directrice générale de la SAS, exerçait effectivement les fonctions de directrice générale au sein de la société.
- Le caractère normal de sa rémunération devait être apprécié en tenant compte de l’ensemble des rémunérations versées au titre de ses différentes fonctions, l’intéressée étant par ailleurs salariée. A cet égard il se prévalait de la doctrine administrative prévue en matière d’IFI.
- Enfin, qu’il y avait lieu de tenir compte des salaires et des primes versés à Mme B. pour apprécier si sa rémunération représentait plus de la moitié de ses revenus professionnels. A cet égard les requérants s’appuyaient sur la doctrine administrative prévue en matière de plus-values sur biens meubles incorporels
(BOI-RPPM-PVBMI-20-30-30-40).
Quelle a été la position des juges d’appel saisis de l’affaire ?
Les juges ont d’abord rappelé les conditions d’application de l’abattement énumérées par le texte. En l’espèce, il était question de savoir si la condition tenant à l’exercice d’une fonction de direction de manière continue les 5 ans précédant la cession était satisfaite. En apparence, Mme B. était, comme les faits le révèlent, directrice générale de la société. Encore fallait-il que cette fonction soit effectivement exercée, donne lieu à une rémunération normale et, représente plus de la moitié des revenus professionnels de l’intéressée soumis à l’IR.
Sur l’effectivité des fonctions de direction :
Les faits révèlent que Mme B. occupait ses fonctions de dirigeante de la SAS en vertu des statuts de la société qui, l’avait dotée de pouvoirs statutaires larges et identiques à ceux de son président.
Pour autant, les juges estiment que cette désignation statutaire ne permet pas à elle seule de justifier que Mme B exerçait effectivement les fonctions de directrice générale de manière effective. En ce sens, la Cour rapporte que l’intéressée exploitait la licence transport dont bénéficiait la société antérieurement à sa nomination et, une absence d’utilisation de la procuration dont elle disposait sur le compte bancaire de la société.
Dès lors, cette absence d’implication pratique de Mme B., directrice générale, dans la vie sociale, suffit à convaincre les juges du fond de l’absence d’exercice effectif de sa fonction au sein de la SAS.
Sur le caractère normal de la rémunération :
Il est rapporté que Mme B. avait perçu entre 2012 et 2016 des primes exceptionnelles. Pour autant, les juges estiment que rien ne justifiait que l’attribution de ces primes étaient la contrepartie de sa fonction de directrice. En effet, les délibérations des associés à leur origine étaient silencieuses en la matière et, il est révélé que des primes exceptionnelles avaient également été allouées à son fils en 2014 et 2015 alors que celui-ci à cette époque n’exerçait aucune fonction de direction.
Pour autant, quand bien même ces primes exceptionnelles pourraient être rattachées à ses fonctions de direction, elles représentaient moins de la moitié de ses revenus professionnels au titre des années 2013, 2015 et 2016.
Ensuite, il était question de savoir, comme le demandaient les requérants s’il convenait d’additionner les rémunérations perçues par Mme B. au titre de ses fonctions de directrice générale et de salariée pour apprécier le seuil. A cet égard, les commentaires administratifs de l’époque prévoyaient la tolérance suivante : « il est admis, lorsque le redevable exerce une autre activité au sein de la même société, de prendre également en compte la rémunération qui y est attachée. »
Selon la Cour d’appel, même en cumulant ces salaires et primes, sa rémunération était inférieure à celle d’autres salariés non-dirigeants à l’image d’un maçon ou d’un conducteur de travaux de la société. De même, sa rémunération globale était significativement inférieure à celle d’autres dirigeants, y compris son fils après sa nomination.
Ainsi, les juges du fond estiment que l’ensemble des rémunérations qui ont été versées à Mme B. ne peuvent être regardées comme constituant une rémunération normale des fonctions de dirigeant au sens des conditions édictées par les textes.